Tu seras un saumon mon fils Vol.1 - Actualité manga
Tu seras un saumon mon fils Vol.1 - Manga

Tu seras un saumon mon fils Vol.1 : Critiques

Salmon

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 27 Avril 2017

L’année dernière, l’éditeur Akata nous présentait, par le biais de sa collection WTF ?!, l’auteur Shôhei Sasaki, un mangaka qui a marqué les esprits par son déjanté Virgin Dog Revolution. L’éditeur récidive en ce printemps 2017 avec Tu seras un saumon, mon fils, dernier titre en date du mangaka qui totalise deux tomes dans son pays d’origine. L’annonce de cette nouvelle œuvre s’est faite assez retentissante aussi bien par le pitch de la série que l’accroche confectionnée par l’ayant-droits français.

« Il n’aurait peut-être pas dû se branler dans la rivière… ». Oui, Shion aurait peut-être évité bien des ennuis à ce moment-là. Adepte des concours de branlette avec ses amis, le jeune homme est contraint de déménager suite au nouveau mariage de sa mère. Rien ne sourit alors au collégien : héritant du nom de son beau-père, le voilà renommé Masterba Shion et il devient la tête de Turc de Ginji, le caïd de son établissement. Le désespère de Shion est immense, et c’est en se branlant dans la rivière locale qu’il va l’évacuer. Mais, trois ans plus tard, il est toujours le souffre-douleur de Ginji tandis qu’il se sent toujours plus étranger dans cette nouvelle famille. Il fait alors la rencontre d’une créature surprenante, mi-homme mi-saumon, qui se révèle être son fils né de la branlette de Shion, il y a trois ans…

Shôhei Sasaki aime dessiner des mangas à l’humour raffiné. Virgin Dog Revolution présentait la bataille d’un homme-chien se baladant les coucougnettes à l’air et les scènes un peu frivoles n’étaient pas forcément rares. Dès ses premières pages, Tu seras un saumon, mon fils montre que le mangaka sera encore moins subtil, mettant de côté toute délicatesse pour dépeindre un récit perché d’un bout à l’autre. L’histoire commence alors par un concours de masturbation entre cinq copains, s’en suivront des moments tout aussi épiques comme le changement d’identité du héros qui deviendra Masterba Shion (à prononcer à la française, bien entendu), la découverte de sa mère qui se fait prendre dans la cuisine par un beau-, yakuza raté tatoué d’un poisson dans le dos, ou la rencontre avec Sauman, l’homme-saumon qui poursuivra son géniteur à vélo dans un premier temps…

Ainsi, déconnecter son cerveau et mettre de côté tout bon goût est vivement conseiller avant de lire ce premier opus. Et justement, les adeptes de cet humour débridé et vulgaire s’en donneront à cœur joie tant Shôhei Sasaki est particulièrement talentueux dans ce registre, aussi bien pour trouver des concepts totalement perchés que dans sa mise en scène qui transpire le trente sixième degré. Si dans Virgin Dog Evolution l’auteur présentait un style assez dense, celui-ci a gagné énormément en précision entre les deux séries. Son style est plus riche, a plus de relief grâce aux jeux de noirs qui constituent aussi bien les décors que les faciès des personnages, et les visages sont détaillés dans l’excès de manière à donner un air abruti aux protagonistes la plupart du temps, une touche qui s’accorde parfaitement avec le ton de l’œuvre. On rit alors souvent et on admire l’intrigue sans queue ni tête de la série, une bonne humeur qui nous parcourt sans soucis pendant toute la première moitié de ce premier volet.

Pourtant, si on rit aux éclats sur cette première moitié, l’euphorie retombe un chouïa sur la seconde, la faute à un registre qui peine peut-être à se renouveler et le fait que le lecteur se fasse très vite au style décalé de Shôhei Sasaki. Il est indéniable que sur sa globalité, le tome est très drôle, mais sur les derniers chapitres, l’humour se montre moins inventif et digne des concepts barrés de l’auteur, ils tombent parfois dans le n’importe quoi voire dans un pipi-caca plus facile et moins ingénieux que l’idée du concours de branlette sur un discours aussi épique qu’un Slam Dunk. C’est à l’image du personnage de Sauman, d’ailleurs : l’entrée en scène du personnage est remarquable, mais on s’habitue vite à cette drôle de créature, si bien que ses interventions amusent beaucoup moins.

Et si on constate cette petite baisse de régime dans la facette absurde du premier tome, c’est parce que Tu seras un saumon, mon fils ne se contente pas d’être un simple manga farfelu. Le fait que l’œuvre soit publiée par Akata est un signe et derrière son âme loufoque, le récit cherche à véhiculer un autre message, tout comme Virgin Dog cherchait à faire avec son discours écologique. Dans cette nouvelle œuvre, Shôhei Sasaki parle de famille, plus précisément de solitude et d’exclusion. Elle se symbolise d’abord par la différence de Sauman qui craint d’être rejeté par son père, mais aussi par Shion et Ginji qui vivent, chacun, des situations familiales complexes, aussi leur trio va leur permettre de trouver une certaine stabilité. Entre deux gags de branlette et d’éjaculation, le ton se montre ainsi touchant. Pourtant, pas de grande réflexion derrière cette seconde facette de la série, c’est même un défaut qui frappe encore Shôhei Sasaki : ce dernier peine à associer un ton barré à une morale percutante, bien qu’il cherche toujours à planter ses idées dans ses séries.

Ainsi, Tu seras un saumon, mon fils est à l’image de Virgin Dog Revolution : un titre décalé, beaucoup plus que la série précédente d’ailleurs, aux gags aussi grossiers qu’hilarants, servis par l’esthétique tout aussi poussée de l’auteur qui prête à rire en permanence. Reste que la série tombe assez vite dans une certaine routine et que la dimension sociale que cherche à appuyer Shôhei Sasaki manque un tout petit peu de profondeur. Pour autant, c’est avec un grand plaisir qu’on lira le second et dernier tome, une durée honorable pour une œuvre de ce registre.

Du côté de l’édition, le travail fourni par Akata est très bon. La traduction de Jérôme Penet est inspirée et parvient à retranscrire la loufoquerie du titre, tandis que l’ouvrage bénéficie d’un papier et d’une impression de qualité.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs