Our Summer Holiday - Actualité manga

Our Summer Holiday : Critiques

Kamisama Ga Uso wo Tsuku

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 16 Juin 2017

Critique 2


D’un côté, Natsuru, jeune garçon tout de brun vivant seul chez sa maman, très peu porté sur la gente féminine et passionné de football. De l’autre versant, Rio, d’un charme gracieux, taiseuse, gracile et un zeste plus grande que la moyenne. Pour raisons diverses, tous deux raisonnent en marge du reste de leur classe pleine d’écoliers ; pour ainsi dire, ils ne pouvaient être voués qu’à la rencontre. Jusque-là, rien de bien folichon, et pourtant…


Le ton en sera donné dès les premières pages : le doux rapprochement de deux êtres porté par une beauté à l’envolée. Un simple rideau devenant le centre de gravité d’une ode à la séduction. L’auteur Kaori Ozaki parvenant à saisir les moments les plus anodins qui soient pour mieux les sublimer d’un coup de crayon aux allures de printemps naissant. Un sens du détail et une maîtrise du temps qui inspireront un certain respect dans le cadre d’un tome unique, d’autant que cela s’avère tristement absent de la majorité des séries en cours de publication. 


Derrière les roses reflets des fleurs de pivoine et les plis bleutés des kimonos d’antan, demeurera néanmoins une réalité des plus tragiques. A mesure que la relation adolescente prendra de l’ampleur, Rio invitera davantage Natsuru dans les profondeurs d’un jardin secret à la fois grave, affligeant et pathétique. Tout en se gardant bien de faire la leçon, l’auteur dépeint quelques-uns des plus exécrables d’entre nous : les lâches et les benêts imbus. 


Certes, la production n’est point exempte de griefs. Il était semble-t-il difficile de ne pas céder à certains clichés comme peuvent l’être les historiettes de chat abandonné et la corvée exacerbée des tâches ménagères. Aussi, les personnages répondent à nombre d’archétypes pour manquer parfois de singularité. Encore, quelques ficelles scénaristiques ont été vues et revues à satiété. Cependant, l’ensemble est orchestré avec maestria. En tout état de cause, la parenthèse de vie de ces petits bouts d’humanité, à la croisée des traditions d’autrefois et des modernités de notre époque, demeure, à tous les étages, une bourrasque euphorisante du plus bel effet.


Une édition sobre et légère, laquelle sied plutôt agréablement à l’œuvre. La propreté du lettrage et le vivant de la traduction participent de la fluidité de la narration. Le papier et l’ancrage sont bons. La couverture est belle. Aucune page couleur. Le plaisir de lecture est présent. De bonne facture, l’impression est démocratique. 


Ceux-là ne seront que trop rares : shonens portés sur les brefs moments de vie de ses frêles personnages. Conte adolescent à l’aune des lueurs des jours heureux et de l’écume des sentiments. Plus encore qu’un mainstream inattendu et davantage qu’un excellent shonen, « Our Summer Holiday » mérite toute l’attention ; il serait hautement regrettable de passer à côté, l’air de rien. 


Prenez un de ces glacés cafés frappés à emporter. Enfouissez-vous dans les souterrains du métro pour mieux vous émerger parmi un parc verdoyant. A flanc de soleil, allez-vous-en flâner sur un banc un brin à l’ombre. Saisissez-vous de « Our Summer Holiday ». Vous y êtes : bonne dégustation. 


Critique 1

Il y a quelques années, nous découvrions avec beaucoup de plaisir en France la mangaka Kaori Ozaki aux éditions Doki-Doki avec Immortal Rain (Meteor Methuselah), un excellent shôjo d'aventure rondement mené. Depuis, l'autrice, pas forcément la plus performante niveau rapidité (elle aime généralement tout dessiner seule sans assistants, et a du mal avec les règles de planning), était absente des rayons nouveautés dans les librairies françaises, jusqu'à ce que Delcourt/Tonkam jette son dévolu sur Kamisama Ga Uso wo Tsuku, une série en un seul tome et en 5 chapitres qui a été conçue en 2013 pour le compte du magazine Afternoon de Kôdansha. Après quelques errances dans le choix du titre (l'oeuvre a, entre autres, failli se nommer Nobody Knows), cette courte série arrive finalement en France début juin, à l'aube de l'été, sous le nom Our summer Holiday.


L'oeuvre nous plonge en 2013 aux côtés de Natsuru Nanao, un jeune garçon de 11 ans qui a déménagé et est arrivé dans sa nouvelle école cette année. A première vue, il avait tout pour bien s'adapter : il n'a pas tardé à devenir l'une des stars du club de foot, le sport qui le passionne (il rêve même devenir footballeur professionnel), et a même tout de suite tapé dans l'oeil de Himegawa, la "princesse" de l'école, riche et jolie. Mais depuis qu'il a refusé les chocolats offerts par Himegawa (les filles ne l'intéressaient pas, seul le football comptait pour lui !), il s'est retrouvé un peu mis à l'écart. Et comme si cela ne suffisait pas, sa passion pour le ballon rond est bientôt remise en cause par l'arrivée d'un nouvel entraîneur, un professionnel certes rigoureux, mais loin d'être pédagogue en ne cessant pas de le rabaisser et de le faire douter.


C'est alors un Natsuru mélancolique que l'on découvre en première page, allongé sur son bureau dans une salle de classe vide... Vide ? Pas tout à fait : quand il relève la tête, il y a devant lui une fille de sa classe, le visage perdu dans les frais rideaux propres qui s'envolent au gré du vent. Pour la première fois depuis un bon moment, une fille lui adresse la parole : elle se nomme Rio Suzumura, et est la cible de certaines moqueries à cause de sa très grande taille et de son look. Alors que les grandes vacances s'approchent tout doucement, Natsuru ne sait pas à quel point celles-ci vont être marquées par sa camarade de classe. Car dès lors qu'il sympathise avec elle en s'occupant d'un chat abandonné, il va être amené à mieux la connaître, et à découvrir son lourd secret...


Dès la première page, Kaori Ozaki nous enveloppe dans une atmosphère estivale emplie de douceur et de chaleur, avec ce rideau blanc s'envolant en laissant deviner dehors un vent léger et une forte chaleur. Cette ambiance d'été, elle ne quittera ensuite jamais vraiment les pages : évocation des grandes vacances qui approchent puis arrivent, camp d'été du club de foot, journées passées loin de l'école, fête de quartier, chaleur, orage et pluie d'été... La saison estivale imprègne la lecture, jusque dans le prénom de Natsuru, qui signifie "objectif: l'été", un prénom choisi par son père pour certaines raisons. Avec son trait fin, son style clair, ses décors soignés ou son utilisation habile des trames, Ozaki parvient sans mal à faire ressentir cet été, personnage à part entière de l'oeuvre, et témoin du moment de vie que Natsuru, Rio, mais aussi son petit frère Yûta vont passer ensemble. Car c'est avant tout avec les deux enfants Suzumura que Natsuru va vivre cette saison, en découvrant dès lors deux personnages attachants. Yûta, le petit frère dissipé de Rio, anime considérablement les pages : espiègle, jovial, curieux, il donne l'impression de ne jamais s'arrêter, et Natsuru se fera un plaisir de jouer avec lui. Notre jeune héros découvrira en Rio une camarade de classe à la fois douce, forte et responsable, qu'il apprendre à connaître au-delà de l'image qu'elle renvoie en classe et qui lui vaut quelques moqueries. Et le chat Tôfu finit d'apporter à ce cadre une ambiance conviviale, qui a quelque chose innocent et d'heureux... et pourtant.


Pourtant. Car là où l'été de ces enfants aurait dû être empli de joie, on voit vite ce bonheur rattrapé par une cruelle réalité, qui imprègne les pages tout du long en prenant le temps de se laisser deviner avant de se dévoiler.


Bien sûr, il y a en premier lieu la situation de Natsuru. A l'école, il est en partie écarté même s'il a toujours des amis comme Yô. A la maison, c'est une famille monoparentale qui l'attend, car son père est décédé quand il était petit. Un manque qui se fait forcément un peu sentir parfois, même si sa mère (qu'il appelle souvent par son prénom, Ritsuko), romancière de light novels en panne d'inspiration et un peu dépressive, l'élève du mieux qu'elle peut en se donnant à fond pour son fils qu'elle chérit. Et en sport, le nouvel entraîneur a immiscé en lui le doute, au risque de briser ses rêves de foot, et au point qu'il en arrive à mentir à sa mère concernant sa participation au camp d'été.


On a un enfant un peu perdu et mélancolique, mais ce n'est rien à côté de Rio, gamine attachante dont le secret est peut-être encore plus terrible qu'on ne l'imagine. Il est difficile d'en parler sans trop en dire, donc allons à l'essentiel, et signalons à quel point Kaori Ozaki s'applique à laisser deviner que quelque chose ne va pas. Il y a d'abord le côté très à cheval sur l'argent de Rio, qui, en faisant toujours les courses en calculant les sommes dépensées, laisse déjà deviner une pauvreté qui se confirme quand Natsuru arrive dans leur maison vétuste, où le ban est en céramique, où Yûta doit dormir dans le placard faute de place... Puis il y a ce petit jardin, où Yûta craint les fantômes, où Rio a peur des bruits qui semblent lui rappeler un traumatisme, où il se dégage une étrange odeur, où se trouve cette bizarre canette de soda avec quelques fleurs... Oui, vraiment, Ozaki fait bien attention aux petits détails qui nous laissent deviner un secret plus terrible encore que prévu, un secret d'une douleur et d'une cruauté sans pareilles.


Tout cela est bien ancré dans une thématique : celle de la trahison parentale voire de la trahison adulte envers les enfants, quelle que soit la forme de la trahison. Il y a bien sûr la trahison involontaire, comme l'abandon du père décédé de Natsuru ou celle de la mère de Rio et Yûta, puis il y a les paroles dures du nouvel entraîneur du club de foot, qui brise petit à petit, sans y faire attention, les rêves d'enfant de Natsuru. Dans une certaine mesure, on peut évoquer aussi le cas très discret de Yô, qui a déjà un avenir tout tracé par son père. Et enfin, il y a le cas de Rio. Mais heureusement, quelques figures adultes sont là pour apporter bonté et espoir : la mère de Natsuru en tête, mais aussi l'ancien entraîneur, M. Okada.


L'oeuvre est aussi ancrée dans les mensonges, ceux que la cruauté de la réalité contraint Natsuru et Rio à dire, lui envers sa mère concernant le camp d'été et le secret de son amie, et elle dans l'espoir de ne pas laisser son père seul.


Dans Our summer Holidays, la naïveté et la confiance enfantine envers les adultes se voient parfois bafouées par ceux-ci, et la dernière partie du tome, avec la fuite en bord de mer, prend alors des allures impeccables. La splendeur presque éthérée de ce cadre où les enfants tentent de s'enfuir, la pureté du lien d'amitié et d'amour qu'ils ont bâti, sonnent comme d'ultimes instants de beauté avant que, une nouvelle fois, la réalité du monde ne les rattrape. Les sujets graves se voient souvent adoucis grâce à l'angle choisi par Ozaki (sauf lors de quelques scènes terribles), et l'on reste ainsi subjugué par le mélange de tranche de vie estivale, de sentiments et de profonde dureté réaliste qu'offre cette lecture. Lecture qui s'achève comme s'il s'agissait d'un énième fait divers (mention spéciale à la petite critique des gens s'intéressant plus au côté morbide de la chose qu'aux sentiments de ceux qui l'ont vécu), mais qui amène aussi sa lueur d'espoir. 


Signalons, enfin, le soin que la mangaka a accordé à certains détails supplémentaires. On pense bien sûr à la symbolique des noms (on a déjà évoqué celui de Natsuru, mais il y a aussi celui de Rio, qui signifie "Une raison de vivre"), à certains hasards qui n'en sont sans doute pas (le retour tant attendu par Rio colle avec la fête de quartier qui est la fête des Morts), au double-sens du nom de la jeune fille (Natsuru vise les J.O. de Rio, mais peut-être aussi Rio elle-même).


Finement et intelligemment narré, porté par la patte d'une mangaka appliquée, abordant les choses sous un angle et dans une atmosphère parfaitement trouvés, Our summer Holiday, en un peu plus de 200 pages, s'impose comme une lecture maîtrisée d'un bout à l'autre, qui ne devrait pas laisser indifférent.


L'édition proposée par Delcourt/Tonkam bénéficie d'un papier et d'une impression honnêtes, et doit beaucoup à la qualité de la traduction et de l'adaptation de Patrick Honnoré, vivante quand il le faut, capable d'être sensible sans devenir larmoyante, et véhiculant très facilement le ressenti des personnages. Les choix de lettrage et le sous-titrage des onomatopées sont tout aussi soignés.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

17.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs