Monde de Zhou-Zhou (le) Vol.1 : Critiques

Le talentueux artiste chinois Golo Zhao n'est plus un novice et nous a déjà gratifiés de plusieurs très jolis titres en France. Après avoir été découvert par les éditions Fei avec La Balade de Yaya et y être revenu en début d'année avec Kushi, puis avoir fait un crochet par les éditions Cambourakis (Entre ciel et terre, Passeur d'âmes), et Pika (Au gré du vent, Hello Viviane), l'auteur débarque désormais dans le catalogue de Casterman avec une oeuvre nous invitant à suivre le quotidien difficile d'une attachante petite fille dans la Chine des années 1990. Pour cette oeuvre, Golo Zhao est épaulé au scénario par Bayue Chang'an.

Le monde de Zhou Zhou, c'est donc l'histoire de Zhou Zhou Yu, fillette de 6 ans vivant dans un quartier vétuste, où la pauvreté règne et où les cambriolages sont fréquents. Sa mère, divorcée, l'élève tant bien que mal tout en s'occupant seule d'une clinique traditionnelle qui lui prend beaucoup de temps. Si bien que la petite fille est souvent un peu livrée à elle-même, reste plutôt solitaire et n'est jamais allée à l'école maternelle. Mais elle a pour elle son imagination débordante nourrie par les dessins animés de la télé, ainsi qu'un ami de son âge, Benz Benz, enfant dont le père est devenu alcoolique et violent depuis que sa mère est partie de la maison deux ans auparavant. Bref, même si la situation n'est pas forcément au beau fixe, Zhou Zhou vit ses jeunes années avec une certaine innocence, dans une société chinoise qui ne fait pas toujours de cadeaux.

Mais les choses vont changer assez soudainement pour elle, car elle est désormais en âge de faire son entrée à l'école primaire, en CP. Et à l'approche de la fin des vacances d'été, sa mère décide d'aller vivre chez sa grand-mère, autant pour permettre à la fillette de suivre une scolarité que pour lutter contre les difficultés financières qui s'accumulent. Devant dire au revoir dans les larmes à Benz Benz qui lui affirme qu'elle sera une fille formidable, Zhou Zhou veut entamer de façon positive sa nouvelle vie. Mais plus facile à dire qu'à faire. Elle doit désormais partager une chambre avec ses cousines qui la prennent de haut : Lingling Yu, 12 ans, en 5ème, et Tingting Yu, 7 ans, en CE1. Et alors que ses nouveaux camarades de classe ont déjà été à l'école maternelle, elle découvre pour la première fois la scolarité.

Ce premier album (sur deux) livre le portrait d'une petite fille qui, du fait de ses six années passées loin de l'école et dans un quartier vétuste, doit apprendre à vivre en société et à s'adapter, tâche loin d'être facile pour elle. Elle a beau afficher de la bonne volonté pour se faire des amis, son comportement un peu décalé dans ce cadre scolaire qu'elle ne connaît pas fait que tout le monde préfère l'ignorer. Elle a alors le sentiment de vivre dans un monde à part, d'autant qu'en cours elle a forcément du mal à suivre et que sa maîtresse n'est pas du tout attentive à elle, et qu'à la maison ses cousines ne sont pas gentilles et sa mère s'occupe de moins en moins d'elle... Considérée comme une bâtarde par certains, et un peu victime du monde adulte dans les dernières pages, la fillette a alors tendance à s'isoler de plus en plus de la réalité, grâce à son imagination nourrie par les aventures qu'elle invente et par les héros de dessins animés.

Malgré son quotidien délicat, Zhou Zhou nous apparaît souvent lumineuse, grâce à son caractère assez franc et à sa manière d'être plus expansive que les autres enfants qui la trouvent bizarre. Et dans ce microcosme scolaire qu'elle découvre, sa façon d'être finit très vite par attirer l'oeil d'un autre enfant, Yang Lin, 7 ans, garçon plutôt populaire (il est délégué et est plutôt beau) qui cherche à se rapprocher d'elle et qui va la soutenir à sa manière, en l'aidant à retenir ses cours.

En filigranes, les auteurs livrent une immersion plutôt efficace dans le milieu de l'école en Chine. On apprend pas mal de petites choses, que l'éditeur a eu la bonne idée de détailler un petit peu plus avec des clés de compréhension en fin d'album.

Le fond a beau ne pas toujours être joyeux, la lecture n'est jamais lourde, reste même très colorée et positive grâce à cette petite héroïne attachante. Pour porter cela, on peut compter sur les planches de Golo Zhao, pas toujours claires dans les transitions, mais superbes au niveau des couleurs nuances et marquantes, mais aussi au niveau des signes souvent ronds et doux. Avec ses joues rebondies, Zhou Zhou a vraiment une bonne bouille.

Malgré le format proche d'une bande dessinée franco-belge, c'est à dire en verticale, l'artiste emploie beaucoup de cases horizontales, ce qui lui donne notamment l'occasion d'insister sur certaines vues. Les décors des bâtiments et du ciel sont souvent très beaux, et certaines pleines pages s'apprécient longuement.

Une jolie lecture d'une centaine de pages entièrement en couleurs, servie dans une fort belle édition (couverture cartonnée, papier glacé, excellente impression...), et dont on lira avec beaucoup d'intérêt la suite.