Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 24 Février 2017

Dans l'Angleterre du 19ème siècle, Jane Eyre est une enfant orpheline qui a été recueillie par Mrs Sarah Reed, sa tante par alliance, une femme jalouse et aigrie qui ne lui apporte aucun amour et ne la défend, si bien que la fillette est devenue la cible de son cousin et de ses deux cousines. Grandissant sans recevoir la moindre affection, elle se forge également un caractère un peu solitaire et rebelle qui fait qu'elle n'hésite parfois pas à répondre à sa tante. Mais à force de subir des misères tous les jours, elle finit par faire un malaise, est est alors sauvée de cet enfer par le médecin de famille qui l'envoie au pensionnat pour filles de Lowood, dirigé par le très sévère M. Brockelhurst. Elle parvient à s'y faire quelques amies comme la jeune Helen Burns, attire la sympathie de la bienveillante enseignante Miss Maria Temple... mais le pensionnat reste une école insalubre où les maladies de l'époque vont bon train. Quoi qu'il en soit, quelques années plus tard, elle sort de ce lieu grandie, ayant encore forgé un esprit indépendant, et trouve une place en tant que gouvernante au manoir de Thornfield, où elle doit s'occuper d'Adèle, une adorable fillette d'origine française. Mais c'est bien sa rencontre avec le maître des lieux, Edward Fairfax Rochester, qui risque de bouleverser à jamais sa vie et de lui faire goûter un bonheur qu'elle n'a jamais connu, si tant est qu'elle parvienne à passer les épreuves qui se dresseront sur son chemin...

La collection des Classiques en manga des éditions nobi nobi! se poursuit avec un classique de la littérature anglaise. Publié pour la première fois en octobre 1847, Jane Eyre est un portrait de femme indépendante dans l'Angleterre de son époque, qui a été conçu sous le pseudonyme de Currer Bell (puisqu'en ce temps, les publications de femmes étaient beaucoup moins bien accueillies) par Charlotte Brontë, dont deux soeurs sont également restées inscrites dans l'Histoire littéraire de leur pays (Emily Brontë a écrit Les Hauts de Hurlevent, tandis que l'on doit à Anne Brontë le récit Agnès Grey). Rapidement devenu un grand succès à sa publication, Jane Eyre a été maintes fois adapté en musique, à la télévision, en écrits ou au cinéma, l'une des plus récentes adaptations étant le film de 2011 de Cary Fukunaga avec Mia Wasikowska Michael Fassbender.

L'oeuvre d'origine nous invite à suivre le parcours, de l'enfance sans amour jusqu'à la vie de jeune adulte en recherche de bonheur, d'une héroïne éponyme qui, au fil des épreuves, s'est forgé un caractère. Au fil des pages qui se divisent en trois grandes parties (la jeunesse chez la tante et au pensionnat, l'arrivée au manoir, puis la quête de bonheur et d'amour finale), on découvre une demoiselle détonante pour son époque, qui a été éteinte par le manque de contact humain chaleureux, n'est jamais tombée amoureuse, est souvent impertinente, est apte à braver l'opinion du monde, mais reste une personne qui souhaite tout simplement être heureuse. Le récit expose avec brio certaines limites de la société de l'époque et de la place que les femmes y occupaient, tout en restant aussi un certain témoin des conditions de vie (une maladie comme la tuberculose n'était pas rare, loin de là, Jane le découvrira avec tristesse). Le tout, raconté à la manière d'une autobiographie, comme si on lisait les mémoires et donc les pensées de Jane, ce qui permet de cerner au plus près son évolution et son ressenti, en en faisant une figure attachante.

L'adaptation manga ici présente capte à merveille tout cela, et prend le temps de bien faire les choses sur pas moins de 300 pages. Bien que la première partie soit un brin rapide, le travail d'adaptation de la dénommée Crystal S.Chan est très soigné pour faire ressentir toutes les qualités de l'oeuvre originale aux jeunes ou moins jeunes lecteurs. On appréciera notamment que certains moments très durs, bien qu'un peu adoucis pour s'adapter un peu mieux au jeune public, soient tout de même bien présent en ne prenant pas les plus jeunes pour des idiots. On trouve surtout la même narration façon "mémoires" pleinement centrée sur Jane, pour une immersion totale, ainsi que le mélange de drame d'époque, de portrait de société d'alors, d'instants presque épiques, de recherche de bonheur et de passion absolue.

Aux dessins, on retrouve un nom déjà connu dans la collection   SunNeko Lee, qui avait signé l'adaptation des Misérables, à ce jour l'un des meilleurs ouvrages de la collection des Classiques en manga. La dessinatrice récidive ici en offrant quelque chose de qualité, très bien adapté à son public. Le point qui pourrait surprendre le plus concerne l'apparence très jeune de Jane quand elle est pourtant une jeune adulte, mais cela permettra sans nul doute une meilleure identification auprès des jeunes lectrices. L'ensemble est fluide, agréable à l'oeil, expressif. Lee soigne sa mise en scène quand il le faut, comme lors du passage des confidences dans le kiosque, et soigne aussi les quelques cadres importants, comme le pensionnat de Lowood et le Manoir de Thornfield. Chacun des personnages est aisément reconnaissable et possède un design collant bien à son caractère.

Servi dans les habituels standards de cette collection (reliure de qualité, signet marque-page, papier assez souple, traduction et postface soignés de Julia Brun), Jane Eyre est une adaptation particulièrement réussi de l'oeuvre de Charlotte Brontë, parfaite pour faire découvrir ou pour redécouvrir ce classique de la littérature anglaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction