Golden Kamui Vol.1 - Actualité manga
Golden Kamui Vol.1 - Manga

Golden Kamui Vol.1 : Critiques

Golden Kamui

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 22 Septembre 2016

Critique 4


L'année 2016 aura vu son lot de titres très attendus arriver en France, et le dernier en date, et pas des moindres, n'est autre que Golden Kamui, un titre qui a fait forte impression au Japon, qui a vu son auteur Satoru Noda récompensé  par sa victoire au Manga Taishô Awards cette année!
Et comme souvent ces derniers temps, l'éditeur Français qui remporte le gros lot et nous permet de découvrir ce titre n'est autre que Ki-oon qui renforce encore son catalogue en privilégiant toujours la qualité!
C'est une grande aventure qui nous attend, un mélange de genre des plus excitant où l'auteur se livre en partie en y mettant toute son âme (le personnage principal porte le nom de son arrière-grand-père), tout en nus faisant partager sa passion de la chasse.

Saichi Sugimoto est un héros de la guerre Russo-Japonaise, de ses prouesses sur-le-champ de bataille, et par sa capacité à toujours éviter la mort, il est surnommé "l'immortel", un titre qu'il n'a pas choisi, mais qui fait de lui une quasi-légende.
Maintenant que la guerre est finie, il s'est isolé dans le nord du Japon, dans les contrées sauvages d'Hokkaido pour espérer faire tourner la chance en trouvant de l'or. Mais la grande époque de la ruée vers l'or est passée, et mis à part du sable, il ne trouve pas grand-chose. Un soir, autour du feu et de quelques verres, son compagnon du moment lui confie ce qui semble être une légende concernant un trésor caché ayant été dérobé aux Ainous, les autochtones: le secret de l'emplacement des 75 kilos d'or qui composent le trésor serait tatoué sur le corps de plusieurs prisonniers s'étant tous échappés... Pour espérer trouver le trésor, il faut tous les retrouver...
Pour l'aider dans cette folle aventure, Sugimoto peut compter sur l'aider d'Ashirpa, une Ainou lui venant en aide face à un ours... C'est le début d'une quête longue et complexe qui commence...

Et c'est également le début d'un magnifique voyage pour le lecteur! Il ne faut pas attendre longtemps pour comprendre pourquoi ce titre a remporté un tel succès au Japon et pourquoi il était tant attendu par le lectorat Français. Immédiatement on sait qu'on se lance dans une aventure incroyable qui ne va pas se contenter de nous proposer que de l'action, Golden Kamui sera bien plus que ça!
A commencer par une fresque historique! Car qu'on ne s'y trompe pas, ce titre est ancré dans une époque et dans un lieu bien spécifique! Si par certains aspects on pourrait trouver des similarités avec la ruée vers l'or de l'Ouest américain, qu'on puisse faire le parallèle entre Sugimoto et un confédéré ou trouver des liens entre Ashirpa et les Indiens d'Amérique, l'accent est porté sur une faune et une flore qu'on ne retrouve pas n'importe où, avec des conditions de vie et des conditions climatiques bien spécifiques à ce lieu. Et surtout le titre nous expose un background militaire qui ancre bel et bien ce titre à un point clé de l'histoire du Japon. Ce n'est pas un hasard si l'histoire se déroule après la guerre Russo-Japonaise: les personnages traînent avec eux leurs passés, leurs passifs même, notamment Sugimoto qui a non seulement développé des capacités de soldats aguerris, mais surtout est un survivant de la guerre, apportant avec lui toutes les horreurs que cela implique, le poids des morts dont il est responsable...bref un personnage dont on devine la richesse dès les premières pages.

L'autre élément ayant également une grande importance, peut-être même encore plus encore que l'époque, c'est le lieu! Hokkaido est une terre sauvage peuplée d'autochtones qui ne sont pas encore Japonais, bien qu'ayant été annexés, les Ainous sont avides de liberté, une liberté qu'ils trouvent dans leur rapport à la nature.
C'est ainsi qu'on va assister à un choc des cultures entre les deux protagonistes: le militaire connaissant les mœurs des soldats et sachant guerroyer, face à la "sauvageonne" capable de maintenir en vie notre héros dans un milieu hostile qui n'est pas le sien.
Une rencontre passionnante qui ne s'encombre pas de clichés! Pas de mépris entre les personnages, et alors qu'on aurait pu s'attendre à un comportement hautain de la part de Sugimoto face à Ashirpa, il n'en sera rien. Il s'agit d'une relation basée sur un respect mutuel, des mœurs, mais également des croyances.
De plus on ressent de suite que l'auteur a fait de nombreuses recherches dans un long travail préparatoire avant d'entamer son œuvre: ce titre est également l'occasion de découvrir la culture Ainou, avec notamment leurs méthodes de chasse, leurs habitudes culinaires, les croyances (il s'agit d'un peuple animiste, pensant que les esprits habitent tout être et toute chose)... Il s'agit donc d'une œuvre didactique, nous permettant de découvrir une culture et une société par le biais de Sugimoto qui sert d'intermédiaire entre l'auteur et le lecteur, et c'est terriblement efficace!
On est confronté à une nature violente et hostile, où savoir chasser ne suffit pas pour survivre, il faut savoir se nourrir, poser des pièges, se cacher... Tout en faisant avancer son récit, l'auteur nous abreuve d'éléments sur cette culture qui nous paraît bien éloignée.

Mais Golden Kamui n'est pas qu'un titre à valeur documentaire, c'est aussi et avant tout un récit d'aventures, nous contant une fabuleuse chasse au trésor où notre binôme est tantôt chasseur, tantôt proie, une quête impliquant des prisonniers tatoués, porteurs de la clé du mystère, plus ou moins agressifs et violents, mais aussi des soldats prêts à tout pour s'emparer de la "carte" présente sur le corps des prisonniers...
Forcément avec ceci l'action est très présente, qu'il s'agisse d'affrontements entre humains ou face à la nature, le titre se veut dynamique. Les moments d'accalmie sont ceux où l'auteur nous présente la culture Ainou (tout en nous faisant partager sa passion pour la chasse).
Tout ceci ne se fait pas sans humour, un humour surtout lié au choc des cultures, mais encore une fois qui ne se veut pas moqueur envers l'un ou l'autre.

Le dessin est très agréable, nous présentant des arrières plans de toute beauté, on retrouve un peu de Kaoru Mori dans le trait, qu'il s’agisse des personnages ou des décors, et comme référence on fait pire.
Une nouvelle fois l'édition de Ki-oon est un sans faute et nous livre ici un manga aussi remarquable que ne l'est le titre!

L'attente était méritée, nous avons là un titre saisissant qui réussit à séduire immédiatement, et à aucun moment durant la lecture on ne peut penser le contraire!


Critique 3


C’est au début de l’année 1904 qu’une guerre opposera l’Empire Russe à celui du Japon. De cet affrontement des impérialismes, restera, parmi d’autres, un soldat aux allures de légende ; un homme que la mort elle-même daigne vouloir digérer : Saichi Sugimoto, aussi appelé l’Immortel… une renommée qui le précédera. Mais seulement voilà… la guerre n’aura durée qu’un peu plus d’une année et Monsieur la Légende n’a pas un sou le moindre : point un kopeck. Il mène sa vie au jour le jour, dans les terres aborigènes, sauvages et reculées, du nord du Japon, sur l’île d’Hokkaido. Saichi recherche de l’or, il va être servi : un ivrogne à la langue bavarde lui confesse l’existence d’un trésor enfoui quelque part sur l’île. C’est alors qu’un vent d’aventure et de dangers s’élève à nouveau sur ce héros des champs de bataille, lui qui s’était presque endormi sous la poussière.

Voici enfin venir, pour s’amarrer, en nos vertes contrées, l’œuvre de Satoru Noda qui fait un petit tabac au Japon : Golden Kamui. Un seinen d’aventure un brin historique : chose au combien que trop rare sur le marché pour ne point le bouder sans l’avoir goûté. Un titre qui, au Japon, figure régulièrement parmi les meilleures ventes de la semaine le jour de sa sortie : le fameux classement oricon. A l’aune de ce premier ouvrage, il convient modestement de tenter d’apercevoir les raisons de ce succès.

D’abord, en ce qui concerne la pâte graphique, le dessin interpellera par son style tout à la fois épuré et sophistiqué : l’auteur joue des contrastes, s’amuse des angles de vue, saisi et fige les intensités. Aussi, le style de Noda-sensei est aisément reconnaissable parmi ses contemporains à raison de sa singularité : chose rare qu’il convient de souligner, à l’époque où une immense partie des mangakas semble, hélas, avoir été l’assistant d’un seul et même mentor fort étrange. Bref, un petit régal.

Puis, du côté de l’histoire, tout commencera donc par une historiette d’alcoolique : un magot tout en or enterré on ne sait où sur l’île par un homme aujourd’hui reclus en prison et dont les dos tatoués de ses ex-codétenus forment réunis une sorte de carte indiquant le précieux emplacement. Plus le temps s’écoule et davantage de personnes relativement nocives semblent être à la recherche dudit trésor.  Le héros de guerre Saishi fera équipe avec une très jeune autochtone de l’île, une aborigène du peuple aïnou : Ashirpa. Elle qui ne serait autre que la véritable héritière du fameux trésor. En dépit de son petit gabarit, elle semblera d’ores et déjà aguerrie à l’art de la chasse et de la survie : elle tire à l’arc, concocte ses poisons, confectionne divers pièges et regarde ses cibles droit dans les yeux pour paraître presque redoutable.

Ensuite, parmi les diverses qualités de l’ouvrage il aura été apprécié cette narration qui prend le temps de s’attarder sur quelques séquences clés, et parfois intimiste, pour mieux développer ses personnages. L’auteur abreuvera souvent son récit de détails plutôt croustillants sur les méthodes de chasse, les tenues vestimentaires et les équipements des personnages, des précisions gastronomiques à l’instar de « comment cuisiner un écureuil à la façon aïnou » : des séquences qui pourront déstabiliser les « mangeurs de tofu » ou autres végétariens, mais franchement bienvenus par leur charme bizarre.

Certes, il y a par-ci par-là quelques clichés et facilités : des dos pleins de tatouages en guise de carte au butin, un postulat de base qui repose sur la chasse au trésor, un héros abandonné par la mort, une copine taciturne et des méchants prisonniers.  Encore, les personnages, s’ils ne sont pas vraiment exceptionnels puisque déjà vus dans leur personnalité, sont aisément distinguables et leurs chara-designs très plaisants. Néanmoins, la narration très agréable alterne creux et action assez juste. La quête de l’argent n’est pas une fin en soi, mais – semble-t-il – un moyen : honorer une promesse : celle faite à un ami soldat tombé au front.  L’ensemble se veut d’une exécution professionnelle par un auteur qui semble s’investir grandement dans son projet d’écriture.

En ce qui concerne l’édition, autant vous dire que le livre n’a même pas été imprimé dans l’hexagone alors que celui-ci est unilatéralement destiné à un public français : bonjour les marges. L’éthique paraîtra une notion abstraite, voire étrangère, s’agissant de la maison Kioon. La couverture, les pages, l’ancrage et le lettrage sont corrects. Les trois premières pages sont colorées. Le plaisir de lecture est relativement présent. En conséquence de ce que susdit, le rapport qualité-prix porte en germe un sournois manque de respect à l’égard du consommateur : et c’est peu dire.

Premier ouvrage d’une fresque à laquelle il conviendra de porter la plus grande attention, tant il pourra d’ores et déjà en être perçu l’investissement d’un auteur déterminé et, parfois, emporté. En dépit de quelques raccourcis intellectuels, cela faisait fort longtemps qu’il n’avait pas été permis de lire un début de série aussi éloigné des productions actuelles. Amateurs de seinens, d’aventures sauvages, de contrées reculées et d’histoires dans l’histoire… il serait sans doute hautement dommage de passer à côté d’une telle introduction en la matière…


Critique 2


Parmi les mangas qui nous intriguaient fortement au Japon ces derniers temps figure Golden Kamui. Prépubliée dans le magazine Young Jump de Shûeisha depuis août 2014, cette série de Satoru Noda (qui signe là son 2ème manga après Supinamarada!) n'a cessé de gagner au fil des mois un belle notoriété dans son pays, au point d'être récompensée en 2016 : nominations au Prix culturel Osamu Tezuka et au Prix du manga Kôdansha en 2016, première place aux prestigieux Manga Taishô Awards cette même année... autant dire que l'on attendait cette série en France avec curiosité. Et ce sont les éditions Ki-oon qui ont jeté leur dévolu dessus sans trop attendre !

L'occasion nous est donc enfin donnée de découvrir en langue française cette oeuvre, et de comprendre ce qui a bien pu faire son succès. La réponse saute très vite aux yeux : nous voici face à un habile mélange entre chasse au trésor aventureuse parsemée d'ennemis, véritable guide de survie en milieu hostile avec nombre de précisions, et découverte d'une culture qui reste assez méconnue en France.

Pour démarrer son oeuvre, Satoru Noda a choisi de baser son personnage principal sur son propre grand-père, en en reprenant son nom. Nous voici donc plongés au tout début du 20ème siècle, après la guerre russo-japonaise, un conflit où Saichi Sugimoto, notre héros, s'est brillamment illustré en abattant sauvagement nombre d'ennemis dans les contrées sauvages de l'île de Hokkaidô, tout en survivant toujours à ses innombrables blessures, lui offrant ainsi le surnom de "Sugimoto l'Immortel". Mais depuis que la guerre est finie, l'immortel est devenu un eu plus misérable. Sans le sou, le voilà condamné à chercher désespérément de l'or dans les rivières, en attendant de pouvoir trouver l'argent qui lui permettra d'assurer la promesse faite à son défunt ami d'enfance Toraji mort au combat : protéger sa femme Umeko ainsi que leur bébé.
Une tâche qui s'annonce ardue... jusqu'à ce que Saichi apprenne de la bouche d'un homme ivre une étrange histoire : les Aïnous, ancien peuple autochtone du nord du Japon et d'une partie de la Russie, a accumulé au fil du temps un trésor constitué de plus de 75kg d'or. Malheureusement, le magot a été volé par un homme sans scrupules qui depuis a été emprisonné dans la pire prison de Hokkaidô. Mais l'homme a mis au point un plan aussi ingénieux qu'horrible pour permettre à ses complices de retrouver le butin : il a manipulé des prisonniers pour leur tatouer des parties d'un tatouage qui, une fois rassemblées, pourront mener au trésor. Les prisonniers libérés, il suffira aux complices d'aller les trouver pour les écorcher.
Evidemment, Sugimoto décide de se lancer sur la piste du trésor sitôt qu'il a eu la confirmation qu'il existe. Mais dès le début, il doit faire face à un redoutable ennemi : un ours déchaîné ! Il ne doit son salut qu'à Ashirpa, une fillette Aïnou liée aux propriétaires légitimes du trésor, et qui a elle aussi de bonnes raisons de vouloir retrouver le butin : venger son père, assassiné par le voleur.
L'ancien soldat aux multiples cicatrices et la jeune fille aux nombreuses connaissances sur la nature environnante deviendront alors de précieux alliés...

Golden Kamui a le mérite de démarrer vite et bien, car toute cette phase d'exposition, déjà bien rythmée et nous plongeant efficacement dans le bain, ne prend qu'une soixantaine de pages et nous laisse d'emblée apprécier les différentes pistes de l'oeuvre.

C'est bel et bien une série d'aventure qui nous attend, car elle reprend à sa façon le bon vieux schéma de la chasse au trésor, avec ce que ça implique de recherches dans les contrées de Hokkaidô, et de luttes contre des ennemis de différents camps. Car forcément, les prisonniers tatoués à retrouver et les complices du voleur ne seront pas les seuls sur les traces du trésor : d'autres factions, à commencer par des soldats, ont eux aussi entendu parler du butin et sont bien décidées à mettre la main dessus... Tout au long du tome, cela entretient bien le rythme via quelques phases d'action, phases où se dégagent déjà quelques têtes secondaires intéressantes comme un spécialiste de l'évasion.

Mais les humains ne seront certainement pas les seuls adversaires de Saichi et d'Ashirpa dans cette quête : il leur faudra compter sur des animaux féroces comme les ours, mais aussi sur la faim, ou encore sur les aléas d'une nature hostile avec ses pièges naturels comme la glace... Heureusement, Saichi n'est pas du genre à se laisser tuer facilement, et Ashirpa possède une culture riche de la nature, si bien que combinés ensemble, leurs talents amènent de très nombreuses informations en forme de guide de survie en milieu hostile. Comment faire face aux "matakarip", ours agressifs qui ont manqué l'occasion d'hiberner. Comment mettre à profit les "shitat", morceaux d'écorce de bouleau, pour en faire des torches capables de brûler longtemps. Comment utiliser les arbres comme boucliers, installer des pièges pour capturer des animaux, utiliser des branches de jeunes conifères pour provoquer une épaisse fumée, cerner la présence d'écureuils en voyant un sol recouvert de pommes de pin rongées... Au sein des froides contrées enneigées de Hokkaidô et face à sa faune spécifique, Satoru Noda délivre un grand nombre d'informations passionnantes, qui passent beaucoup par une chose : observer la nature pour comprendre ce qui s'y passe. Etre en communion avec la nature.

Et être en communion avec la nature, c'est précisément l'une des spécificités du peuple mis en lumière dans la série via la petite Ashirpa : les Aïnous, une ethnie qui reste un peu trop méconnue chez nous, qui a occupé le Nord du Japon et l'extrême-est de la Russie dès 1300 avant notre ère, jusqu'à ce qu'elle connaisse à partir du 13ème siècle et jusqu'au 19ème siècle la répression japonaise s'accaparant de plus en plus leurs terres. Leur culture spécifique prit un grand coup face à l'assimilation forcée exercée par les Japonais, ils furent même victimes de conditions proches de l'esclavage ainsi que d'un climat raciste. Si bien qu'il est possible encore aujourd'hui que des descendants d'Aïnous préfèrent cacher leur origine, voire ne la connaissent pas, car leurs ancêtres l'ont cachée, afin d'éviter la discrimination. Shumari, manga d'Osamu Tezuka sorti chez Tonkam, a abordé ce sujet. Dans Golden Kamui, on le ressent par bribes, par exemple via certaines réflexions qu'Ashirpa subit en ville.
Mais plus que de revenir sur l'Histoire dramatique du peuple Aïnou, c'est bien la culture de ce peuple que Satoru Noda préfère exposer, et l'auteur le fait d'excellente manière. Il est capable d'aborder les techniques de chasse (les pièges, techniques de combat avec flèches renforcées avec des poisons spécifiques...), les rites et croyances très proches de la nature (par exemple, ils ne prennent ni la chair ni la peau d'un ours mangeur d'homme, car celui-ci est considéré comme un esprit maléfique), des outils spécifiques comme le couteau makiri ou la hutte kucha, la gastronomie elle aussi bien spécifique, sans oublier l'étymologie de mots typiques comme "shisam" ou "chitatap", et bien sûr la tenue vestimentaire d'Ashirpa qui s'avère très précise et regorge de détails... Le mangaka nous laisse déjà entrevoir beaucoup de choses intéressantes.

Encore un peu trop discrète, l'évolution de la relation entre Saichi et Ashirpa devrait elle aussi être intéressante, en opposant deux personnalités qui n'ont pas grand-chose à voir sur le coup, et où Saichi devrait évoluer au contact de la fillette. Lui n'a jamais hésité à tuer froidement l'ennemi pour survivre durant la guerre, et ferait pareil avec les prisonniers tatoués si Ashirpa, dont la culture se veut plus pacifique, ne le lui interdisait pas.

Dans tout cela, enfin, on appréciera aussi les quelques détails d'époque : les raisons de la prospérité de la ville d'Otaru à l'époque, la valeur de la vésicule biliaire d'ours auprès des apothicaires... L'équilibre entre ces différents aspects de la série, entre l'aventure et l'aspect plus culturel, s'avère très bien dosé, suffisamment pour ne jamais paraître lourd.

Côté dessins, Noda libre une copie vraiment excellente pour l'expressivité de ses personnages, le sens du rythme, la narration limpide amenant toujours clairement les informations sans trop traîner, les vêtements, et les décors. Ces derniers sont bien présents quand il le faut : végétation, neige, glace, plaine, mais aussi ville d'époque sont bien là pour renforcer l'immersion, et l'on peut même dire que la nature sauvage, de par l'utilisation que nos héros en font, est un personnage à part entière de l'oeuvre.

Golden Kamui commence d'excellente manière, trouvant un excellent équilibre entre aventure autour d'une chasse au trésor, guide de survie en nature hostile, et découverte de différents aspects de la culture Aïnou. Tout est en place pour nous offrir une suite encore meilleure... C'est tout ce qu'on souhaite !

Chapeau, une nouvelle fois, au traducteur Sébastien Ludmann, habitué aux beaux projets complexes, qui livre une traduction dont il a le secret : vivante, très claire, avec quelques tics de langage immersifs et d'assez nombreuses notes. Le reste de l'édition est tout aussi plaisant avec son papier à la fois souple et bien épais, son lettrage soigné, ses quatre premières pages en couleurs, et son vernis sur la jaquette.


Critique 1


Parmi les titres nouveaux qui ont marqué le Japon ces derniers mois figure Golden Kamui, titre de Satoru Noda qui signe sa seconde série et que nous découvrons pour la première fois en France. Nominé notamment au Prix Osamu Tezuka puis gagnant du Manga Taishô Awards de 2016, le titre a suscité une certaine attente chez les lecteurs, et c’est Ki-oon qui a la charge de publier le titre en France. Récit d’aventure, ode à la nature, mais aussi à la culture aïnou tout en se dotant peut-être d’une pointe d’inspiration réelle puisque l’auteur a donné à son héros le nom de son arrière-grand-père, Golden Kamui se présentait déjà comme un seinen au cocktail des plus efficaces… une impression confirmée par ce premier opus !

Lors de la guerre russo-japonaise au début du XXème siècle, le soldat Saichi Sugimoto s’est particulièrement distingué au front, ayant résisté à bien des batailles au point d’être reconnu sous son pseudonyme « l’immortel ». Le conflit étant fini, le voilà, entre autres, livré à lui-même, sans objectif véritable, jusqu’à ce qu’un compagnon de route un peu ivre lui livre le secret d’un trésor qu’aurait dérobé un prisonnier au peuple aïnou avant de le cacher et finir en cellule. C’est sur le corps de certains camarades de centre carcéral qu’il aurait tatoué le complexe plan de la cachette avant que ceux-ci s’échappent. Il se trouve que l’homme saoul en question est l’un de ses prisonniers qui finit par succomber à la force d’un ours qui choisit ensuite de s’en prendre à Saichi. Notre héros se voit secouru par Ashirpa, une jeune aïnou qui se trouve être la fille d’un des indigènes massacrés pour l’or. Tous deux conviennent alors d’un marché : faire équipe et retrouver le trésor, sachant que Saichi Sugimoto devra se soumettre à la manière de faire du peuple aïnou, bien éloignée du cycle de violence auquel il s’était adonné à la guerre. Pour lui, c’est aussi un véritable contact avec la nature qui va se nouer, tout en sachant que l’aventure et le danger ne sont jamais bien loin. En effet, nombreux sont ceux qui sont en quête de l’or caché…

C’est à se demander si Ki-oon n’aurait pas une passion pour les récits mettant à l’honneur l’Homme et la nature. En effet, après Père & Fils qui traite notamment de l’herbologie, Golden Kamui opte pour une approche nouvelle du rapport qu’à l’humain avec son environnement. Ainsi, la série de Satoru Noda pose ici des bases attrayantes pour une œuvre qui s’annonce comme une ode à l’aventure tout en développant de multiples facettes culturelles, que ce soit l’approche de l’environnement par les aptitudes de survies dont devront faire preuve Saichi et Ashirpa, ou tout simplement la culture aïnou qui reste très peu exploitée dans le manga. Ethnie à cheval sur le Japon et la Russie, il nous est arrivé de la côtoyer dans certains rares titres, de manière assez sommaire, comme Shaman King, mais la voir mise en avant a un intérêt culturel indéniable. De cette manière, la recette prend assez vite puisque Golden Kamui a pour vocation de traiter des différents éléments de la culture asiatique sans pour autant entrer dans le didacticiel pur et simple. Cette aventure au contact de la nature a ainsi quelque chose d’envoûtant sans pour autant nuire au rythme de la série tant l’ambiance happe facilement.

La collaboration des deux héros en termes de survie est d’autant plus captivante que sur le plan humain, Saichi et Ashirpa ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre, en particulier l’ancien soldat qui va apprendre progressivement à troquer sa violence contre une paix intérieure, notamment par rapport à sa manière d’agir envers ses adversaires. Le binôme fonctionne alors très rapidement tout en sachant qu’il a encore de beaux jours devant lui. La manière de faire du mangaka est d’autant plus remarquable qu’il dépeint ses deux protagonistes en fixant leurs rôles de soldat et d’indigène tout en évitant de tomber dans des caricatures grossières : Saichi a ainsi beau avoir survécu au front et être imprégné par les lois de la guerre, il n’est pas une brute dépourvue d’humanité pour autant tandis qu’Ashirpa révèle aussi certaines touches de caractère bienvenues.

Du côté de l’aventure avec un grand A, Golden Kamui s’inscrit dans une véritable chasse au trésor durant laquelle Saichi et Ashirpa seront amenés à côtoyer aussi bien des alliés que des ennemis. Le titre de Satoru Noda se dote ainsi d’une touche de suspense très habile, notamment en ce qui concerne les mystères autour du trésor et de son ravisseur. Ce premier tome n’hésite d’ailleurs pas à garnir cette facette de l’intrigue sur ce premier volume, rendant l’épopée d’autant plus passionnante à suivre.

Le dessin de Satoru Noda, lui, accomplit son office par sa finesse. Le travail sur les personnages se démarque d’abord par les expressions très parlantes de tous les intervenants de l’intrigue, mais c’est surtout la justesse des environnements et du bestiaire de l’œuvre qui impressionnent par leur réalisme. Il n’en fallait pas vraiment plus pour rendre ce premier tome immersif, toute notre curiosité se porte alors sur la marge de progression de l’auteur qui est des plus étonnantes.

Côté édition, Ki-oon livre encore une très bonne copie. Rien n’est à redire sur la traduction efficace de Sébastien Ludmann tandis que le livre, fort de son papier épais et de sa couverture au vernis sélection, a fière allure entre nos mains.

Dès ce premier tome, on comprend le succès de Golden Kamui. Mélange de quête initiatique et de chasse au trésor en milieu hostile, la série séduit d’emblée aussi bien par son ambiance que ses personnages humains ou sa densité culturelle. Nous voilà face à une excellente introduction, et la série retient déjà toute notre attention.


Critique 4 : L'avis du chroniqueur
Erkael

18 20
Critique 3 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

16.5 20
Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs