Ghost & Lady Vol.1 - Actualité manga
Ghost & Lady Vol.1 - Manga

Ghost & Lady Vol.1 : Critiques

Kuro Hakubutsukan - Ghost and Lady

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 05 Mai 2017

Critique 2


Le très talentueux Kazuhiro Fujita, auteur des excellents, mais malheureusement mal aimés Karakuri Circus et Moonlight Act, nous revient une nouvelle fois avec ses récits tournant autour du Black Museum!
Après Springald nous narrant la version de l'auteur de la légende urbaine de "Jack talons à ressorts", Fujita va s'attaquer à une autre légende urbaine de l'ère victorienne!
Pour rappel le Black Museum, qui existe réellement, est un lieu très mystérieux archivant les éléments d'affaires non résolues, non classées, seulement accessibles pour Scotland Yard. En se servant de cet imaginaire permettant toutes les interprétations, l'auteur va mêler réalité et fantasmes pour nous proposer sa version de légendes urbaines plus ou moins connues! Et cette fois il s'attaque à celle du fantôme hantant le théâtre Londonien de Drury Lane, fantôme dont  on dit qu'il a côtoyé ce fameux théâtre pendant plus d'un siècle, augure de gloire pour les pièces qu'il honorait de sa présence... Et ce fantôme va croiser la route d'une illustre personne et va avoir un profond impact dans sa vie...
Springlad était déjà un récit dense et riche, Ghost & Lady le sera au moins deux fois plus puisque le présent titre va occuper deux volumes dont le premier s'avère particulièrement épais...pour davantage de plaisir de lecture!

Pour l'occasion, Ki-oon remet les petits plats dans les grands en nous proposant un livre magnifique, comme l'était Springlad, avec une superbe couverture rappelant les vieux ouvrages!
En route pour un nouveau voyage où le mystère règne en maître!

La conservatrice du Black Museum accueille un vieil homme semblant être intéressé par un objet y étant entreposé depuis de longues années: deux balles s'étant entrechoquée et ayant fusionné! Outre la probabilité incroyable qu'une telle chose se produise, personne ne connaît l'histoire de ces balles...à l'exception du visiteur qui n'est pas celui qu'il prétend être! Le vieil homme s'endort et un esprit sort de son corps, libérant son hôte de sa possession! Il prétend se nommer "Grey", autrement connu sous le surnom de "l'homme en gris", le célèbre fantôme ayant hanté le théâtre de Drury Lane pendant des décennies. Les rôles s'inversent alors et c'est la conservatrice qui se montre curieuse et écoute attentivement le récit du fantôme qui va raconter son histoire, ou comment il a rencontré et suivi la célèbre Florence Nightgale au cours de sa vie pleine de rebondissements!
C'est au cours d'une rencontre avec la jeune femme au sein du fameux théâtre que l'esprit va prendre connaissance de son vœu: mourir! Grey va accepter de mettre fin à ses jours, mais il veut attendre que son désespoir soit profond afin de se nourrir de cette merveilleuse aura qui entoure la jeune fille, revivant ainsi un drame shakespearien comme il les affectionne tant...
Il va donc la suivre des années durant, allant même jusqu'à l'aider à affronter des esprits se nourrissant de la colère des humains...

Voilà une entrée en matière particulièrement riche qui nous dévoile très rapidement de très nombreux éléments! On sait donc dès le départ que l'auteur va nous proposer quelque chose de complexe, mêlant de nombreux éléments, et on sait aussi que son talent sera exploité au maximum...tant mieux!

Tout d'abord qui sont les deux personnages principaux?
Cela semble être la marque de fabrique de l'auteur pour sa collection Black Museum, il mêle histoire et folklore! En ce qui concerne l'histoire, il est contraint de respecter certains éléments, mais pour le folklore il a carte blanche et réinterprète à sa sauce les légendes urbaines victoriennes!
Le théâtre londonien de Drury Lane est le plus vieux de la ville, datant du 17e. On dit qu'il est le théâtre le plus hanté au monde, et ce par plusieurs esprits! Celui qui nous intéresse, le plus connu d'entre eux,  "l'homme en gris" est aperçu à plusieurs reprises sur le balcon du théâtre pendant les représentations avant de disparaître dans un mur! Si on sait peu de choses sur l'identité présumée du fantôme, on découvrit à la fin du 19e une chambre secrète derrière le mur où il disparaît habituellement, chambre dans laquelle on trouva un cadavre avec un couteau planté dans la cage thoracique!
[plus d'info ici: http://uklegacies.blogspot.fr/2010/11/l ... terre.html]

Vient ensuite Florence Nightengale, personnage historique ayant permis une nouvelle approche et une nouvelle vision des soins infirmiers, féministe convaincue, son parcours est relaté dans le titre, avec un angle de vue différent certes, mais l'auteur tente de se rapprocher au mieux de ce qu'on sait d'elle, ses ascendances bourgeoises, son sens du sacrifice, son combat pour sauver des vies...
Parmi les lecteurs de mangas, ceux qui ne la connaissent pas pour son œuvre connaissent peut-être son clone de "Afterschool Charisma"!

En réunissant ces deux grandes figures britanniques qui n'auraient à priori jamais dû se rencontrer, l'auteur nous promet un récit original dont lui seul a le secret!

Fujita commence donc par nous présenter le théâtre, posant d'emblée une ambiance bien spécifique, puis il provoque la rencontre des deux personnages après nous avoir présenté Grey (qui se présente lui-même, puisqu’ici c'est lui le narrateur). Et étant donné qu'on ne sait rien ou presque sur ce fantôme, Fujita pouvait en faire ce qu'il voulait...il en fera un duelliste hors pair fasciné par les représentations théâtrales et plus précisément les drames!
Et c'est un drame qui va se présenter à lui en la personne de Florence, jeune fille ayant la possibilité de voir les esprits y compris les "ectoplasmes" vivants sur les épaules de tout un chacun, se nourrissant de leurs sentiments négatifs et menaçant les autres esprits de chaque humain, les plus forts, se nourrissant des plus faibles, provoquant dépression et souffrance chez leurs humains...Ce qui est le cas de Florence, son esprit prenant le pas sur elle, elle est déprimée et désir la mort...Grey, en tant qu'esprit lui aussi et également ancien duelliste va trancher son ectoplasme lui permettant de reprendre du poil de la bête...

On retrouve donc la folie et le génie de l'auteur avec un tel concept, qui n'est pas sans rappeler les Stands de Jojo, toutes proportions gardées, mais cela n'est en rien surprenant quand on se rappelle qu'il s'était déjà inspiré de l’œuvre de Hirohiko Araki dans une de ses précédentes séries, à savoir Karakuri Circus.
Mais ici, contexte oblige, tout y est beaucoup plus théâtral, y compris les ectoplasmes qui possèdent tous un design remarquable, personnification des sentiments négatifs, de l'angoisse et du malaise... Mais si au départ l'auteur insiste grandement sur ces ectoplasmes, ils finiront par laisser leur place, ils seront moins présents, l'auteur préférant recentrer son récit sur ses deux personnages principaux, leur évolution et leur relation étrange...

Ainsi on va revivre un morceau d'histoire, littéralement, vu avec les yeux de Grey (narrateur rappelons le) et de Florence qui a véritablement participé à cette histoire... L'approche est certes celle de Fujita, mais les faits relatés sont véridiques, par exemple l'implication de la jeune infirmière dans la guerre de Crimée!
Et si au début du récit, le narrateur n'évoque que la vie de Florence, peu à peu cela s'équilibre et l'auteur va finir par développer l'histoire de Grey, revenir sur sa mort, son amour perdu, sur pourquoi il hante le théâtre... Fujita va donc raconter en parallèle la vie de deux personnages diamétralement différents, que tout oppose, une bourgeoise qui va consacrer sa vie à aider et sauver des gens, et un orphelin qui finira par distribuer la mort!
Il est alors amusant de voir comment, même après sa mort, Grey va évoluer au contact de cette femme si forte de caractère, une femme qui va le fasciner par sa bonté!
Et surprise sur la fin du tome, l'auteur va introduire une nouvelle figure historique qui va croiser la route de notre atypique binôme!

L'ambiance de ce premier tome est vraiment unique, et malgré la densité du récit, on le dévore tant le savoir-faire de l'auteur nous absorbe. L'humour n'est pas oublié, on trouve de l'action, un peu d'angoisse, de l'histoire, une véritable tension, sans oublier une mise en scène remarquable, elle aussi très théâtrale!
A chaque fin de chapitre, on revient sur Grey et la conservatrice du musée, resituant le statut de narrateur de Grey, et nous resituant également dans une autre temporalité, bien après celle de Florence!

Le trait de Fujita est tel qu'on le connaît et qu'on l’apprécie, difficile d’accès peut être, mais terriblement dynamique et vivant! L'auteur nous offre des arrières plans absolument magnifiques, laissant deviner tout un travail de recherche sur l'architecture de l'époque!
L'édition de Ki-oon est, à l'instar de Springald, absolument magnifique; le lecteur bénéficie de quelques explications dans des encarts discrets, mais utiles... une réussite sur toute la ligne!

Ce premier tome fascine totalement, de par son mélange des genres, entre récit historique et fiction d'aventure fantastique, de par son ton et son ambiance, et grâce au talent, qu'on ne vantera jamais assez, de Fujita!


Critique 1


Après Springald, la collection Black Museum de Kazuhirô Fujita est de retour avec, cette fois-ci, un récit qui comptera deux épais volumes, le premier d'entre eux faisant pas moins de 300 pages.

Sorti au Japon en 2014-2015 chez Kôdansha, Ghost & Lady suit le même principe que Springald : l'auteur nous offre une "histoire dans l'histoire" pour offrir sa propre interprétation d'une légende urbaine de l'Angleterre du XIXème siècle, et le tout commence donc par l'arrivée au sein du Black Museum (un lieu qui, pour rappel, existe réellement : aussi appelé le Musée du crime de Scotland Yard, c'est un endroit archivant des objets et pièces à conviction sur des affaires criminelles) d'un homme qui est à la recherche d'un objet (ici, deux balles qui se sont encastrées) et qui va raconter son histoire à la conservatrice du "musée". Mais d'emblée, le visiteur offrira une sacrée surprise à la gérante, en étant autre que le fantôme dont il sera question tout au long de la lecture !

Ce fantôme n'est autre que l’homme en gris (ou Grey), un mythique esprit du théâtre londonien de Drury Lane qui a sévi pendant plus d’un siècle, et dont on dit que les apparitions étaient signe de succès pour les nouvelles pièces de théâtre. Qu'était ce fantôme qui a défrayé la chronique pendant des décennies ? Etait-il un passionné de théâtre ? Un simple amateur de bonnes pièces ? Un porte-bonheur comme l'affirmait la légende ? Encore autre chose ? Fujita nous livrera assez rapidement sa propre vision de cet être en en faisant un ancien duelliste n'ayant aucun souvenir de la façon dont il est mort et de la manière dont il s'est retrouvé à Drury Lane... mais le récit imaginé par l'auteur est loin, très loin de se limiter à cela.

Car il s'avère que si Grey aime les pièces de théâtre de qualité, c'est pour une raison précise : d'ordinaire, il voit au-dessus de la tête des gens des "ectoplasmes", esprits nés de tous leurs sentiments négatifs, particulièrement bruyants et qui le dérangent dans sa tranquillité, et ces esprits maléfiques ne s'apaisent que quand leurs "possesseurs" sont captivés par le spectacle, évacuant dès lors leurs mauvaises pensées. Cette idée apporte une note fantastique et inquiétante plus prononcée, ainsi qu'un parfum de danger et d'aventure puisqu'en temps qu'ancien duelliste, Grey a la faculté de pouvoir combattre ces ectoplasmes. Mais jusqu'à présent, il n'en a rien fait.
Mais cela, c'était avant que débarque face à lui une femme ayant l'étrange capacité de le voir ! Au-dessus d'elle, le plus imposant ectoplasme que Grey ait jamais vu, mais aussi le plus étonnant et terrifiant puisque celui-ci, jour après jour, n'a de cesse d'attaquer et de miner l'âme de sa propre créatrice, abattue et désespérée... Son souhait ? Que Grey la tue. Son nom ? Florence Nightingale.

Si ce nom vous dit quelque chose, ce serait on ne peut plus normal, car Florence Nightingale est une personnalité historique ayant marqué son époque en tant qu'infirmière modèle ayant contribué à la modernisation des soins d'alors. Pour Grey, fantôme cynique et désabusé qui promène sa carcasse (enfin, ce qu'il en reste...) sans but depuis de nombreuses décennies, l'occasion d'être non plus un simple spectateur, mais un créateur de drame théâtral est trop belle, et plutôt que de tuer Flo immédiatement, il prendra soin de suivre celle qui sera l'actrice principale de sa pièce, et qu'il tuera uniquement quand elle sera complètement désespérée, comme dans toute bonne tragédie à la Shakespeare.

Le prétexte est alors parfait pour nous plonger dans ce que l'on peut considérer comme un morceau d'Histoire, car à travers les yeux de Grey, Fujita nous propose tout simplement, du moins pendant une très grosse partie de ce tome, de suivre le parcours qui fut celui de Florence Nightingale. La découverte de sa voie quand, le 7 février 1837 dans la grande demeure familiale aristocratique d'Embley Park, elle dit avoir reçu pour mission de Dieu de venir en aide aux autres. L'opposition de ses parents, ses premiers pas à l'hôpital de Harley Street qu'elle entreprend de réhabiliter, son rôle pendant la guerre de Crimée à l'hôpital de Scutari... le tout, tout en renvoyant régulièrement à d'autres éléments de sa vie, à nombre de rencontres historiques comme Richard Milnes, le journaliste William Howard Russell, Hall.

Pendant une grande partie de ce premier tome, on peut alors dire que Florence Nightingale, la "Lady" du titre, vole la vedette à Grey, tant ce sont ses pas que l'on suit. De par la fidélité historique voulue par Fujita, le récit peut se révéler très linéaire dans son déroulement, voire parfois un peu longuet, car les textes sont nombreux. Mais la richesse du contexte est très bien rendue (surtout concernant la précarité des soins médicaux de l'époque, les enjeux de la guerre de Crimée, ou l'opposition de l'armée à la venue d'infirmières sur-le-champ de bataille), et le mangaka parvient à dépeindre en Flo une femme attachante, de par la persévérance qu'elle affiche, sa détermination à soigner les malades plutôt que les accompagner vers la mort, son rejet de la vie aristocratique sans problème qui l'attendait, sa profonde empathie et son humanité. Et puis, l'ensemble est bien dynamisé par Grey, par ses répliques parfois bien cyniques, par ses observations, par ses quelques duels face aux ectoplasmes des "adversaires" voulant nuire à Florence... Face à ce bout de femme qui se démène et qui ne lâche jamais rien là où elle devrait pourtant enfin être au comble du désespoir, comment réagira le fantôme, censé attendre simplement le moment parfait pour la tuer ? Entre cynisme et romantisme, l'"homme en gris" pourrait bien finir par évoluer aux côtés de cette femme... et peut-être lui rappeler des douleurs oubliées, issues de l'époque où il était en vie. Une chose est sûre, "Ghost" et "Lady" forment un duo passionnant à suivre, et par la suite ils devraient passionner encore plus, au vu des derniers chapitres venant considérablement enrichir au bon moment la figure de Grey, tandis que l'auteur s'amuse à reprendre à sa sauce une autre figure historique, française cette fois.

Entre légende urbaine, aventure fantastique, portrait historique, et drame théâtral, Kazuhirô Fujita livre alors, comme dans Springald, un mélange de genres bien pensé et qui témoigne de son imaginaire débordant. Et le tout s'accompagne d'une narration et de visuels aux petits oignons.
Jamais statique malgré la linéarité que le récit affiche souvent, la narration doit beaucoup, une nouvelle fois, à cette manière de conter une histoire dans l'histoire, voire une histoire dans l'histoire dans l'histoire quand Grey narre son passé à Flo, tout ceci étant à la base narré plusieurs décennies plus tard par le fantôme à la conservatrice du Black Museum. Les réactions de cette dernière sont d'ailleurs tout aussi excellentes que dans Springald, tant elle se prend de passion pour le récit de Grey, attendant toujours plus impatiemment la suite de l'histoire tout comme le lecteur. Il faut également souligner les très nombreuses citations shakespeariennes faites par le fantôme, qui collent à chaque fois aux situations et amènent aussi leur pointe d'originalité.
Visuellement, les planches sont denses et fluides (sauf peut-être lors de certains duels contre les ectoplasmes, qui de toute façon ne durent jamais plus d'une ou deux pages), le travail d'encrage est excellent en amenant l'intensité souhaitée, le design expressif et dynamique des personnages répond à ceux souvent très originaux des ectoplasmes. Les décors sont très présents, bien ancrés dans l'époque, autant dans le rendu du contexte de l'époque (insalubrité des soins médicaux, horreur de la guerre de Crimée...) que dans la précision de bâtiments historiques bien rendus (comme Drury Lane, l'hôpital de Harley Street, Embley Park...). La mise en scène est souvent travaillée, et son aspect parfois presque théâtral déjà observé sur Springald se ressent forcément encore plus.

Au fil de ses 300 bavardes pages, ce premier volume de Ghost & Lady séduit donc beaucoup, grâce à tout le soin et à la minutie que Fujita apporte à son récit, à son mélange de genres, à sa réinterprétation de la légende urbaine de l'homme en gris, à la grosse part historique, à ses visuels... C'est avec impatience que l'on attend la suite !

A l'instar de Springald, le titre bénéficie d'une édition magnifique.
La jaquette, avec son aspect granuleux, ses dorures et sa maquette, offre à l'objet un style qui rappelle un vieux livre d'époque. Le papier est bien épais tout en restant souple, l'impression en Italie chez Lego est excellente est de qualité, les 4 premières pages en couleurs sont très plaisantes, le travail sur les choix de police et sur le sous-titrage des onomatopées est très convaincant...
On retrouve à la traduction Sébastien Ludmann, qui fait à nouveau des merveilles dans le rythme apporté et dans le dynamisme installé par les dialogues. Il faut apprécier les différences de niveaux de langage  selon les personnages, Grey ayant par exemple une façon de parler plus fleurie tandis que Flo conserve une langue assez soutenue.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Erkael

18 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs