Divci Valka Vol.1 - Actualité manga
Divci Valka Vol.1 - Manga

Divci Valka Vol.1 : Critiques

Divči valka

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 21 Avril 2016

Après Le Chef de Nobunaga, Eureka et Arte, les éditions Komikku poursuivent dans le manga à connotation historique, et ce en nous invitant à découvrir pour la première fois en France un auteur qui n'en est pas à son coup d'essai dans le genre. En effet, après avoir débuté sa carrière au Japon en 1997, Kouichi Ohnishi s'est fait une petite spécialité des récits puisant leur source dans l'Histoire, que ce soit avec Joker en 2000, Sousou Moutoku Seiden en 2005, Dance Macabre en 2009, ou à partir de 2013 avec l'oeuvre qui nous intéresse aujourd'hui : Otome Sensô, de son nom français Divci Valka.

Divci Valka prend place au 15ème siècle, en un lieu dont généralement nous connaissons assez mal l'Histoire alors qu'il n'est pas si éloigné que ça de chez nous. Pendant que nous étions embourbés dans notre Guerre de Cent Ans, l'Europe de l'Est, et plus précisément la Bohême (actuellement la République Tchèque), connaissait à partir de 1415 l'une des plus sombre période de son histoire. Face à la corruption d'une Eglise qui devait en plus composer avec un schisme (trois Papes se disputaient une même place), certaines voix commençaient à se soulever pour revenir à une meilleure égalité entre les disciples. Parmi eux, Jan Hus, théologien de Prague ayant pris la tête du mouvement, fut rapidement mis à mort par les catholiques soutenant l'autorité du clergé, le tout sous couvert d'hérésie. Un événement qui ne fit que mettre le feu aux poudres, amenant quelques années plus tard, sous la houlette du dénommé Jan Zizka, le soulèvement des Hussites, partisans du défunt Jan Hus, paysans comme religieux et autres. Les guerres hussites, faits troubles qui amèneront rapidement à une véritable Croisade, commencèrent...
C'est dans ce contexte qu'en 1420, un petit village de Bohême est mis à feu et à sang par les chevaliers catholiques de l'ordre de Saint Jean de Jérusalem, emmenés par Heinrich Von Strakonice. Tous les habitants sont massacrés, les femmes et jeunes filles violées. Seule une survivante se dresse : la jeune Sarka, miraculeusement restée en vie après avoir subi les pires sévices. Salie, en sang, errant dans la campagne auprès de son village, elle s'évanouit avant d'être recueillie par la troupe du chef de guerre hussite Jan Zizka, qui lui propose de le rejoindre dans sa lutte et de prendre les armes pour mener sa vengeance envers ceux qui ont massacré ses proches...

Comme déjà dit, les guerres hussites marquent une période sombre de l'Histoire que nous connaissons mal, et le mangaka nous en propose un éclairage plutôt très bien fichu pour l'instant, tant ses explications sont fluides, bien distillées et documentées. Ainsi, après une scène d'introduction à ne pas mettre entre toutes les mains, l'auteur pose plutôt bien le contexte ayant amené le début du conflit, pour ensuite nous amener petit à petit vers des enjeux destinés à devenir de plus en plus grands. Car la révolte hussite en Bohême est destinée à secouer toute l'Europe de l'Est, avec notamment l'implication de l'Empereur romain germanique et roi de Hongrie Sigismond de Luxembourg, qui va s'allier au Pape Martin V pour ce qui deviendra une Croisade. Martin voyant évidemment là une occasion de consolider son pouvoir.
Toutefois, tout cela n'est pour l'instant qu'évoqué, mis en place pour la suite, car ce premier volume introductif a pour première vocation de présenter un personnage historique qui sera crucial dans le conflit : Jan Zizka, chef de guerre des Hussites, homme borgne qui restera dans l'Histoire notamment pour avoir imaginé la stratégie du wagenburg (nul doute qu'on en entendra parler dans la série), et qui impose ici un certain charisme par la façon dont il cherche à soulever le peuple... quitte à souvent se salir lui-même les mains. Le bonhomme, plutôt charismatique dans son genre, s'annonce intéressant.
Dans ce contexte, nombre d'autres figures historiques sont destinées à s'agiter, comme l'impératrice et et épouse de Sigismond Barbara de Cillei, ou le dénommé Hromadka. De même, l'auteur pousse assez loin sa peinture d'époque, par exemple via ses représentations de l'importance religieuse, les détails de certaines moeurs comme le fait de dormir nu, ou encore l'évocation de l'arme dont Sarka apprendra à se servir : la pist'ala, qui serait l'ancêtre du pistolet. Mais dans tout ça, Kouichi Ohnishi prend également plaisir à s'inspirer quelque peu de certains mythes d'Europe de L'est. par exemple, les noms de Sarka et Vlasta sont ceux d'Amazones issues de légendes de Bohême.

Pour mieux nous immerger dans son univers historique, le mangaka a pris le parti de nous faire suivre le parcours d'une jeune fille, Sarka, gamine souillée qui, sous son apparence pure et chétive, devra dès lors apprendre à se renforcer pour obtenir sa vengeance. Concrètement, entre coups durs, nouvelles amitiés avec d'autres enfants, volonté de s'affirmer dans sa vengeance et difficultés de ses premiers actes de guerre (sa première mise à mort sera un traumatisme, forcément) le parcours de la miss s'avère on ne peut plus classique dans ce premier tome, et son physique totalement mignon (presque moe par instants) pourrait même rebuter certains lecteurs tant le mangaka exagère presque ce trait. Pourtant, cette frêle gamine parvient assez facilement à devenir attachante dans sa volonté presque féministe de devenir forte pour se venger de ceux qui leur ont fait du mal à elle et ses proches.

Côté dessins, là aussi on sent que le mangaka a eu une volonté de documentation, car les costumes collent plutôt bien, de même que le physique de certains personnages historiques (en tête, Zizka et Sigismond). Au-delà de ça, Ohnishi parvient à offrir des dégaines variées à ses grandes figures, et certaines restent facilement en tête, à commencer par Zizka, encore lui, avec sa mine où l'on sent bien un esprit avisé. Certains décors et certaines vues ont aussi de quoi laisser très satisfaits. Malgré tout, tout n'est pas parfait : certaines planches sont un peu plus relâchées sur le physique des personnages, ou peinent à convaincre avec des décors visiblement issus de photos pas toujours suffisamment retravaillées et qui du coup dénotent un peu. Mais dans l'ensemble, c'est assez dense et franchement très prometteur.
Pour le reste, sachez que la mention "pour public averti" en quatrième de couverture ne ment pas, et pour cela l'auteur donne le ton dès les premières pages avec des mises à mort violentes et un viol marquant. Bienvenue dans la réalité de la guerre, que l'auteur choisit de montrer sans concession... mais en sachant tout de même se poser des limites quand il le faut. Ainsi, par exemple, la scène de viol de la petite Sarka dès les premières pages ne montre rien de l'acte et joue plutôt sur l'après-acte, quand la fillette se réveille nue et en sang. Suffisamment marquant et choquant, sans avoir besoin d'en montrer trop. Mais qu'on se le dise, cela peut déjà être largement trop éprouvant pour des âmes sensibles.

Au bout du compte, Divci Valka s'annonce donc sous les meilleurs auspices. Portée par des visuels assez prenants qui se veulent riches et sans concession, par un contexte et des personnages historiques qui s'annoncent intéressants, et par une jeune héroïne assez attachante malgré ses quelques excès de mignonnerie, cette quête de vengeance sur fond d'un sombre conflit historique a tout ce qu'il faut pour nous happer encore plus par la suite. A cela, il faut ajouter les 4 pages très claires d'explications du contexte par l'auteur en fin de tome, ainsi qu'une édition de qualité, dans les standards de Komikku, avec une jaquette épaisse et légèrement brillante qui attire l'oeil (même si le look mimi de l'héroïne ne laisse pas présager du contenu), une traduction de Yohan Leclerc très limpide et efficace (en plus d'être ponctuée de quelques tics de langage collant bien à l'époque), un papier bien épais et souple et une impression de qualité.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs