Deathco Vol.1 - Actualité manga
Deathco Vol.1 - Manga

Deathco Vol.1 : Critiques

Deathco

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 12 Janvier 2016

Critique 1
Malfrats et criminels, garde-à-vous ! Les Reaper peuvent être n’importe où et se glisser en douce chez vous, la nuit, pour vous porter le coup fatal ! Une société secrète connue sous le nom de « Guilde » propose à n’importe qui de s’improviser mercenaire et faucher les vies selon les ordres donnés. La particularité de ces assassins en herbe  est d’être costumés, leur permettant de préserver leur identité et créant un massacre décalé lorsqu’il y a besoin. Parmi les Reaper, il y a la jeune Deathko, génie du meurtre qui n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il s’agit de remplir sa mission…

Série très attendue pour le début 2016, Deathco n’est autre que la dernière pépite signée Atsushi Kaneko que nous connaissons notamment pour Soil ou Wet Moon. Afin de célébrer cette sortie, Casterman nous propose en simultanée les deux premiers opus de la série qui se poursuit toujours au Japon. Voilà de quoi nous plonger en profondeur dans l’univers d’une série qui ne manque pas de secouer, et ce dès les premières pages…

Le premier constat en consultant l’ouvrage est flagrant, surtout quand il s’agit d’une première approche du travail d’Atsushi Kaneko : le style visuel du mangaka est surprenant et met une véritable claque. Cases toujours riches et, surtout, une utilisation ingénieuse de l’encrage qui permet d’appuyer l’univers sombre de Deathco, et personnages hauts en couleur dans leur esthétique, choix justifié par l’essence même des « Reaper » qui se doivent d’être accoutrés différemment durant leurs missions. A ceci, on peut ajouter le talent de narrateur de l’auteur puisque ses cases sont toujours riches et jouissent d’une construction aux petits oignons, ce qui n’était pas forcément chose aisée étant donné le défouloir que représente ce premier opus en termes d’action.

En dehors de la patte graphique de Kaneko, ce premier volet bouscule autant qu’il intrigue. Evidemment et dans un premier temps, on trouve une volonté d’offrir un divertissement bourrin à souhait, ici symbolisé par le carnage de l’affrontement entre Reapers et bandit qui occupe une large partie du tome et constitue un premier arc tandis que le second vient ouvrir la fin d’opus. Mais le carnage est bien plus psychologique que sanglant, c’est surtout l’ambiance et l’esthétique de l’œuvre qui viennent nous oppresser. Les cadavres ont beau s’accumuler, l’auteur ne joue pas la carte simpliste des hémoglobines à foison, son horreur est beaucoup plus subtile que ça et rend alors le tout divertissement, captivant visuellement, mais jamais indigeste puisque la surenchère de violence est dotée d’une facette très différente.
On retient alors de ces quelques chapitres l’univers de la série, visiblement moderne, mais toujours dépeint d’une manière sombre, voire même très burtonienne, quand il s’agit de présenter l’habitat de Deathko, un immense château truffé de pièges, loin de la crédibilité de l’univers qui nous démontre ici une modernité et un réalisme par ses criminels qui pratiquent trafics en tous genres et assassinats. Celle qui nous intrigue alors forcément est Deathko, cette jeune fille inventive lorsqu’il s’agit de tuer ou d’inventer des gadgets pour éliminer ses proies, proies qui se trouvent d’ailleurs dans tous les camps. Véritable anti-héroïne, on la cerne avec grand mal au départ puisque sa première apparition se fait dans le feu de l’action, il faut alors attendre la dernière partie de volume pour la découvrir elle, son environnement ainsi que sa psychologie très décalée qui est aux antipodes du crime « rationnel » des criminels ciblés par la Guilde alors qu’elle joue les justicières en massacrant ce qui se présente à elle. Personnage énigmatique donc, mais qu’on ne peut s’empêcher d’apprécier, ne serait-ce pour son visuel, on se demande alors de quelle manière Deathko sera mise en scène et renouvellera ses actions.

Et justement, c’est parfois le trop grand décalage de la série qui a tendance à rebuter. Les délires esthétiques d’Atsushi Kaneko apportent une ambiance certaine, et ce dès l’apparition de ce Reaper vêtu en Joker en tout début du tome, mais on a tendance à penser que le mangaka va parfois trop loin pas toujours de manière très utile, sa surenchère n’étant finalement pas dans la violence par dans l’esthétique : accumulation de personnages dont les accoutrements sont souvent dignes des cirques ou du monde d’Halloween dans L’étrange noël de Monsieur Jack, loufoqueries trop appuyées quant à leurs moyens de tuer... La série bénéficie alors à la fois d’un ton très marqué, mais qui a tendance à l’être trop par moment. Vient enfin le personnage de Deathko qui n’est pas exempt de défauts, car si on s’attache d’une certaine manière à la demoiselle dans le sens où on cherche à la découvrir, la psychologie du personnage ne vole pas très haut et se contente pour le moment d’un « je hais tout et tout le monde », on s’attendait peut-être à quelque chose de plus audacieux, mais espère être agréablement surpris par la suite.

Pour honorer l’auteur, Casterman offre une édition d’excellente facture. La traduction est excellente et on félicite l’éditeur d’avoir soigné son papier et son impression étant donné l’importance des niveaux de noir dans le dessin du mangaka.

Ainsi, ce premier tome de Deathco est déroutant. Atsushi Kaneko nous offre une véritable « Deathcothèque » de la mort, du macabre et du décalage en ne nous laissant un peu de répit qu’à la toute fin du tome. Certaines limites viennent se poser, mais globalement, le spectacle est jouissif, notamment l’impact visuel de l’œuvre qui justifie à elle seule la lecture du volume. Reste à voir comment la série évoluera sur le long terme !


Critique 2
Elle se sera faite attendre longtemps, et la voici enfin ! Deathco, la dernière série en date du génial Atsushi Kaneko, nous invite dans son univers sans foi ni loi avec la parution simultanée de ses deux premiers volumes dans le label Sakka de Casterman. Et avec leurs illustrations percutantes uniquement en noir, blanc et un peu crème, les couvertures donnent tout de suite le ton, celui d'un univers dans lequel il ne fait pas forcément bon vivre.

Cet univers, on le découvre au fil d'un premier volume qui le pose de façon aussi claire que prenante. Ici, n'importe qui peut devenir un Reaper, c'est à dire un tueur à gages, chargé par la mystérieuse "Guilde" d'abattre les cibles désignées. Et... voila. Le point de départ, c'est uniquement ça, et c'est tout ce qu'il y a à savoir pour profiter d'une longue introduction qui nous met directement dans une ambiance où, en premier lieu, les lecteurs de Bambi (première série de l'auteur parue en France, chez Imho) auront surtout l'impression de retrouver le même goût que ce road trip punk jusqu'au bout du flingue : au fil d'une mission où plusieurs Reapers sont sur les rangs, au coeur d'une grande demeure assez sombre, ça pétarade à tout va, tandis que s'étalent sous nos yeux nombre de tueurs aux dégaines... peu courantes, allons-nous dire. Bonhomme élancé en costume d'arlequin perché sur un poteau sous la lune, gugusses en costumes de lapin découpant leurs ennemis à la hache à bicyclette, cheerleaders grimées de noir, hommes aux masques monstrueux... S'étale devant nous une jolie petite "galerie des horreurs" faisant régulièrement écho aux flyers de musique punk que Kaneko aime tant, et nous immisçant efficacement dans une ambiance folle furieuse, où les règles de bonne conduite sont... euh... bonne con-quoi ?

C'est dans cette ambiance régressive à souhait et hautement jouissive qu'une silhouette, petit à petit se dégage du lot. Emmitouflée dans une cape noire, des jouets mortels dans les mains, elle s'invite à la "fête", à cette "deathcothèque" particulièrement mortelle, pour finalement avoir le dernier mot, dézinguer la cible et pourquoi pas quiconque se dressera sur son chemin, si besoin. Félicitations, vous venez d'avoir votre premier contact avec Deathko, l'héroïne quasi-éponyme de la série. Et félicitations, bien que vous ayez croisé sa route, vous êtes encore en vie.

Car généralement, quand on croise Deathko, on n'en ressort pas indemne. Au bout de ce premier massacre introductif, la dernière partie du volume s'intéresse plus spécifiquement à cette jeune fille qui, dans un premier temps, apparaît particulièrement cinglée et flippante, tuant tout le monde sans état d'âme, criant rageusement son nom et tirant la langue tout en abattant ses instruments de mort... Totalement punk, vous dit-on, encore plus au vu de sa bouille elle aussi grimée de noir, mâchant souvent un chewing-gum aussi sombre que ses lèvres, ces dernières étant affublées d'un joli piercing...
Totalement punk ? Ah bon ? Pas tout à fait, à vrai dire. Car quand Deathko ne bute pas les gens violemment et avec une rage mêlée de plaisir, elle retourne dans le lugubre château où elle vit avec une grosse dame énigmatique, s'enferme dans sa cave pour construire de nouveaux jouets mortels... ou pour déprimer, toute persuadée qu'elle va bientôt mourir. Car la petite Deathko, c'est aussi une ado dépressive, qui ne voit décidément rien de bon dans ce monde dystopique, cauchemardesque, où elle se traîne presque comme une prisonnière. Un caractère en deux temps, comme la couleur de ses cheveux, et qui en fait d'emblée une héroïne résolument unique et captivante.

Mais que serait tout cela sans la "patte Kaneko" ? Il n'y a bien que lui pour imaginer un trip aussi atypique, et on y retrouve forcément toute sa richesse graphique développée au fil de ses précédentes séries. Bien sûr, la violence punk digne de Bambi est là, mais l'intro meurtrière dégage également l'ambiance des bons vieux films noirs sans concession que l'auteur adore, cette ambiance qu'il avait déjà exploitée dans plusieurs passages de Soil et dans Wet Moon. Certains petits instants comme celui dans la "deathcothèque" rappellent le David Lynch tortueux que le mangaka adore. Et comme dans Soil ou Wet Moon, on retrouve une obsession fascinante pour certains motifs ou certains lieux marquants. Elément central de Wet Moon, la Lune s'érige cette fois-ci comme une observatrice et une accompagnatrice silencieuse, et ce dès la première page. La grande bâtisse où a lieu le massacre du début n'est guère accueillante... et que dire de ce château où vit Deathko ? Perché sur une falaise abrupte, et regorgeant de "surprises" macabres : des chauve-souris à la mine blasée, des pièges en tous genres comme le lustre, un poisson monstrueux dans la piscine, un éclairage qui laisse à désirer, des colonnes anciennes érigées au milieu de pièces qui paraissent ne pas avoir de plafond... On nage (ou, plutôt, on suffoque) dans un cadre morbide et gothique que ne renierait pas le Tim Burton de la bonne époque, et qui colle à merveille à la facette dépressive de notre petite tueuse. D'autant que sa cave adorée est une merveille de genre avec tous les "jouets" mortels qu'elle y fabrique, et que Kaneko en rajoute encore avec de petites idées fantaisistes vraiment bienvenues, comme cette société "Pizza of the Dead", ou ce petit nuage noir au-dessus de la tête de Deathko quand elle déprime.
Pour sublimer tout ça, le trait épais de l'auteur fait à nouveau des merveilles, tout comme ses nombreux jeux sur le noir et sa mise en scène qui semble étudiée à chaque case. On pourrait parler longuement de cette dernière, s'amuser à décortiquer chaque page où les angles de vue, le découpage et l'encrage font des merveilles d'ambiance. Il y a par exemple ces premières pages en couleur avec la chauve-souris, le chewing-gum puis la vue sur la demeure la nuit et Deathko au premier plan, qui posent d'emblée l'atmosphère. Ces plans serrés sur les regards. Cette scène digne des Batman de Burton où une bombe en forme de tête de poupée sort de l'obscurité pour venir rebondir jusqu'à sa cible... C'est un régal de chaque instant.

L'édition de Sakka est aux petits oignons, avec ses pages couleurs, sa traduction d'Aurélien Estager totalement emballante et sans fausse note (entre autres, les passages où Deathko parle d'elle à la troisième personne de façon parfois presque poétique sont parfaits pour souligner le caractère de la jeune fille), son papier à la fois souple, pas trop lourd et suffisamment épais pour ne pas avoir de problèmes de transparence et pour mettre en valeur tout le travail de Kaneko via une très bonne impression.

Un univers dystopique et cauchemardesque fascinant. Une patte visuelle unique et plus géniale que jamais, pour une ambiance où Lynch, Tarantino et Burton semblent s'être accouplés. Un personnage principal inquiétant dans sa haine meurtrière, étonnamment attachant dans son côté dépressif, et captivant dans tous les cas. Un mélange d'ambiances fascinant où Kaneko réinvente le "gothico-punk" pour un trip régressif et délicieusement jouissif. Tout est là pour que vous craquiez pour Deathko. Mais c'est dommage pour vous, car Deathko déteste le monde entier.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

17.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs