Dans l'intimité de Marie Vol.1 - Actualité manga
Dans l'intimité de Marie Vol.1 - Manga

Dans l'intimité de Marie Vol.1 : Critiques

Boku wa Mari no Naka

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 12 Juin 2015

Quand il a quitté sa province de Gunma pour poursuivre ses études d'économie à Tokyo, Isao Komori partait confiant, rempli d'espoirs d'une vie nouvelle : indépendance, soirées entre potes étudiants, voire petite amie... Mais au fil des mois, les choses ont pris une autre tournure. Incapable d'aller vers les autres, attendant plutôt que des gens viennent lui parler, il a vu se former des bandes pendant que lui restait tout seul. Et c'est tout naturellement que, désabusé, il a finalement laissé tomber l'université au bout d'un an, et qu'il vit désormais en reclus dans son petit studio sans perspective d'avenir, avec pour seuls loisirs la branlette, la nourriture et les jeux vidéo qu'il peut se payer avec l'argent d'une mère persuadée qu'il suit encore ses études. Mais son plus grand plaisir secret, son rayon de soleil, reste la magnifique lycéenne qu'il croise chaque fois à la même heure à la supérette du coin, et qu'il observe et suit de loin, sans jamais l'aborder. Et cela dure depuis un an.
Mais les choses prennent un tour inattendu le jour où l'adolescente le surprend en train de la suivre, se retourne en esquissant un léger sourire étrange et... plus rien. Isao se réveille dans un lit et une maison inconnus, et dans un corps qui n'est pas le sien, mais qu'il connaît : celui de Marie...

Officiant dans le milieu du manga depuis le début des années 2000,  Shûzô Oshimi est un auteur qui s'est taillé une réputation assez sulfureuse en quelques oeuvres, dont le renommé Aku no Hana/Les Fleurs du Mal, titre adapté en animé qui a beaucoup fait parler de lui pour son portrait psychologique de personnages aussi dérangeant qu'abouti.
Avec Dans l'intimité de Marie, l'une de ses dernières oeuvres en date débutée en 2012, on le découvre enfin en langue française à travers un titre où il récidive dans le dérangeant, à travers un pitch de base au grand goût de déjà vu, mais dont le développement promet d'être fortement éloigné des habituelles recettes humour/ecchi/fan-service.
Ici, aucune de ces recettes éventuellement agréables, mais totalement éculées n'est là, pour une raison claire : Isao a beau avoir quasiment stalké Marie pendant une année entière, il ne lui a jamais rien fait, n'a jamais cherché à en voir plus que de raison. Il la sacralise, elle et son corps, au point qu'une fois son esprit transféré dans celui-ci, il prend soin de se bander les yeux ou de les fermer quand il/elle se déshabille ou prend son bain. Bien sûr, Isao, comme tout garçon, est forcément intéressé par le sexe opposé. Comme tout garçon, il se masturbe et est titillé à la vue d'une culotte, mais Oshimi prend clairement le parti de rester réaliste, et s'approprie les fantasmes masculins pour surtout mettre en place une intrigue promettant d'aborder avec nuances la société et les rapports entre hommes et femmes. Mais pour l'instant, tout est surtout question de mise en place.

Pour l'heure, on se contente principalement de suivre les errances et les premiers pas d'Isao dans cette situation très délicate. Il laisse derrière lui son petit studio jonché de sacs-poubelle pour découvrir une famille normale, puis des amies qu'il ne connaît forcément pas, et auprès desquelles il devra difficilement tenter de faire bonne figure alors que ses préoccupations sont tout autre. Le voilà pris dans des conversations entre filles, dans un corps qui n'est pas le sien, et sa méconnaissance du sexe opposé le pousse forcément à commettre des petites bévues qui le font paraître étrange : trop écarter les jambes sur sa chaise en cours, enlacer un peu trop la meilleure amie de Marie... On devine à travers tout cela un long et difficile processus de resociabilisation pour le jeune homme. Mais avant même tout ça, une question le taraude très vite : s'il est dans le corps de Marie, qu'est devenu l'esprit de la jeune fille ? Est-elle elle-même dans le corps de notre héros ? Et si ce n'est pas le cas, alors où est passée Marie ?

Dans ce cadre, Oshimi adopte une narration qui se veut clairement introspective sur Isao. On suit de l'intérieur ses interrogations, ses doutes, ses maladresses et ses nombreuses inquiétudes, pour un résultat qui commence déjà à dépeindre avec une certaine vérité le regard que peut avoir l'homme sur l'autre sexe. Mais cela devrait également marcher dans l'autre sens avec le très étrange personnage de Yori Kakiguchi, lycéenne qui semblait aduler à sa manière Marie et qui comprend très vite que la vraie Marie n'est plus là. Et si ce personnage peut clairement sembler introduit trop soudainement et comprendre trop vite ce qui se passe, on reste clairement intrigué non seulement par son intérêt dévorant pour Marie, mais aussi par le regard de femme qu'elle pose sur le corps d'Isao vers la fin de tome. Le résultat est une oeuvre qui devrait avoir des choses à dire autant aux filles qu'aux garçons... Affaire à suivre. En attendant, les choses se mettent doucement, mais sûrement en place, installent une ambiance et nous immergent dans un récit qui devrait vite gagner encore en intérêt, à condition d'être dans d'assez bonnes conditions pour se plonger pleinement dedans.

Le dessin du mangaka est très soigné, immersif et suffisamment expressif, et sait mettre en avant les corps en évitant toute trace de fan-service/ecchi. Le découpage sobre évite tout égarement et se focalise avant tout sur les personnages. L'édition d'Akata, elle, profite d'une traduction très efficace, d'un papier épais, d'une impression de bonne qualité et d'une première page en couleur plaisante.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs