Daisy - Lycéennes à Fukushima Vol.2 - Actualité manga
Daisy - Lycéennes à Fukushima Vol.2 - Manga

Daisy - Lycéennes à Fukushima Vol.2 : Critiques

Daisy - 3.11 Joshikouseitachi no Sentaku

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 01 Août 2014

Fumi, Moé, Mayu et Ayaka étaient des lycéennes comme les autres, proches amies et passionnées de musique au point de monter un groupe. Mais leur vie a basculé le 11 mars 2011, parce qu'elles vivaient à Fukushima, à seulement 60 km de la centrale nucléaire du même nom. Depuis le jour de la triple catastrophe, tout a changé pour elles. Face aux informations contradictoires et insuffisantes sur la situation réelle, elles ne savent pas comment réagir, comme tout le reste de la population de la ville, et leur vie de groupe a manqué d'éclater.


Après avoir suivi ses parents jusqu'à Tokyo pour y subir les craintes de contamination d'un petit ami qui l'a plaquée, Moé a voulu mettre fin à ses jours et a fini par quitter la ville, restant néanmoins en contact avec ses trois amies.


Ne supportant plus de voir son père, riziculteur amoureux de son travail, bafoué par la baisse de ventes et par les insultes de personnes l'accusant d'être un assassin en vendant du riz peut-être contaminé par la radioactivité, Mayu a pris une décision forte, renonçant à ses rêves tokyoïtes pour reprendre l'affaire familiale et soutenir sa famille. Elle ne s'en rend pas forcément compte, mais ses amies, elles, la trouvent pus radieuse que jamais depuis ce choix, qui a éveillé en elle une forte prise de maturité.


Quant à Ayaka, ses parents aubergistes sont proches de devoir fermer boutique, plus aucun touriste ne venant dans la région. La situation de sa famille s'est sérieusement dégradée, le divorce n'est pas loin, et l'adolescente devra peut-être choisir entre suivre son père ou aller avec sa mère, quitter Fukushima et ses amies ou rester. Mais une troisième solution pourrait s'offrir à elle, elle pourrait bien finir par trouver sa voie, savoir ce qu'elle veut faire de sa vie, en entrant en contact avec un groupe de bénévoles et des enfants réfugiés. A son tour, Ayaka semble reprendre les rênes de sa vie, se retrouver un rêve. A moins que sa situation familiale ne l'en empêche...


Et Fumi, dans tout ça ? Pendant que ses amies avancent toutes à leur manière, elle reste bloquée, ne sachant que faire face à l'avenir qui s'annonce. A son tour, elle devra pourtant trouver le chemin qu'elle souhaite prendre, l'avenir qu'elle souhaite se construire, en observant le courage de son entourage malgré les vies et les rêves qui se brisent, et en constatant, jour après jour, que le drame de la centrale n'a pas fini de conditionner leur vie, malgré ce que dit le gouvernement.


Depuis la catastrophe, les mois continuent de passer, et les adolescentes de Daisy poursuivent leur évolution, tentant de se reconstruire des rêves d'avenir. Au jour le jour, elles observent le quotidien brisé de la vie à Fukushima dont elles font partie. Après les problèmes familiaux, les préjugés, les insultes ou les doutes personnels, Reiko Momochi, se basant sur les témoignages recueillis, continue de portraire les nombreux problèmes enclenchés par la catastrophe. Au lycée, les filles font la connaissance d'Inoué, un élève "satellite", un réfugié qui vivait dans la zone sinistrée proche de la centrale avant d'être redirigé dans ce nouvel établissement scolaire, se retrouvant par la même occasion séparé de ses amis, et de ses parents qui ont trouvé un travail ailleurs. Pas loin de chez elles, elles découvrent l'existence d'un camp de réfugiés de 400 personnes vivant comme elles le peuvent dans les logements de fortune qui leur ont été offerts. Et les jeunes filles ne peuvent qu'observer, en y apportant un peu de lumière comme elles le peuvent, ce quotidien précaire où tous tentent de survivre courageusement et avec l'entraide, sans jamais montrer leur douleur pour ne pas plomber le grand groupe. Certains, comme le vieux Kûma qui a dû se séparer de sa femme à la santé fragile, affichent encore l'espoir de pouvoir un jour retourner chez eux, là où ils ont toujours été, là où est leur place. Mais les rêves les plus forts peuvent parfois cacher le plus terrible des malaises, surtout quand rien n'est fait par les dirigeants pour faire changer les choses et rassurer la population...


Au fil des pages, la mangaka continue donc de dépeindre avec une minutie admirable le ressenti de ses nombreux personnages, touchés de près ou de loin, directement ou indirectement, par la catastrophe. Certains s'affirment, affichent clairement leur envie de reprendre leur vie en main, quitte à sacrifier certains rêves pour s'en forger d'autres. D'autres, malgré leur désir de se montrer courageux, craquent jusqu'à commettre le pire. Avec des dialogues fins et des pensées profondes, qui tapent là où il faut, Reiko Momochi dose avec beaucoup de justesse, sans pathos, les nombreuses émotions qui passent chez les protagonistes : l'espoir apporté par des petits moments de bonheur, par de nouvelles rencontres parfois salutaires et par des amitiés fortes qui persistent et se fortifient encore, l'envie d'y croire avec des objectifs qui se redessinent, la tristesse face aux drames les plus durs, l'incompréhension face à certains rêves qui se brisent et face au silence et à la désinformation d'un gouvernement qui enterre bien vite un problème très loin d'être réglé.


Malgré tous les problèmes, les héroïnes de Daisy, soudées, ont pris conscience de l'amour qu'elles portent à leur terre natale, elles continuent d'avancer avec énergie et nous disent de ne pas oublier qu'aujourd'hui encore, des personnes se battent pour reconstruire leur vie et leur terre. Mais la situation est ce qu'elle est : face au silence du gouvernement, le mieux est peut-être encore d'agir par soi-même, de reprendre en main un destin qui sera de toute façon lié à tout jamais à Fukushima. A travers les choix d'avenir de Fumi lorsqu'elle trouve enfin quelle voie choisir, Reiko Momochi lance un pavé dans la mare, avec brio, sans avoir peur de briser la loi du silence qui semble s'être instaurée. Le message est clair, fort, tape juste et sans insistance, et vient conclure avec conviction une oeuvre admirable de bout en bout, qui a su lever avec finesse le voile sur de nombreuses vérités souvent ignorées, et qui a surtout su croquer avec minutie, sous tous les angles, les vies qu'elle met en scène, en s'intéressant réellement aux simples humains se cachant derrières les grandes lignes que l'on nous rabâche la plupart du temps sur Fukushima.


Une oeuvre d'une justesse rare, humaine et profonde, tout simplement indispensable, et qui a tout pour rester pendant longtemps l'un des plus précieux témoignages qu'on ait pu voir sur Fukushima, car il s'intéresse à ce qu'il faut, loin des clichés. Le mot de la fin de Reiko Momochi, humble et sincère, touche lui aussi là où il faut, de même que la postface engagée de Michel et Bernadette Prieur, qui soulève plusieurs problématiques intéressantes.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
20 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs