Book Girl Vol.1 - Actualité manga

Book Girl Vol.1 : Critiques

Bungaku Shôjo to Oishii Recipe

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 13 Novembre 2015

Bungaku Shôjo : derrière ce nom se cache une série de romans entamée en 2006 par Mizuki Nomura et illustrée par Miho Takeoka, qui connut rapidement un succès suffisant pour avoir diverses adaptations.
Du côté de l'animation, un OAV a d'abord vu le jour en 2009, servant de promotion au film paru l'année suivante. Dans la foulée, une série de 3 OAV est sortie en 2010. Toutes ces adaptations animées ont été réalisées au sein du célèbre studio Production I.G. côté manga, l'oeuvre a connu pas moins de quatre adaptations : deux conçues par Rito Kôsaka chez Square Enix en 2008 et 2010, et deux autres dessinées par Akira Hiyoshimaru pour Kadokawa, là aussi en 2008 et 2010. C'est l'adaptation de 2008 par Hiyoshimaru que Soleil Manga nous propose de découvrir en langue française sous le titre Book Girl. Par la me^me occasion, il s'agit de la première incursion de la saga Bungaku Shôjo dans notre pays.

Book Girl, c'est l'histoire des deux seuls membres du club de littérature d'un lycée. D'un côté, Tooko Amano, une lycéenne de 3ème année un peu différente des autres : elle aime tellement les livres qu'elle les dévore... au sens premier du terme ! De l'autre côté, Konoha Inoue, lycéen de deuxième année forcé de rejoindre le club de littérature après avoir découvert le secret de Tooko, et jeune garçon qui, sous ses allures assez passe-partout, possède pourtant un passé douloureux : devenu un peu malgré lui un écrivain à succès sous le pseudonyme féminin de "Miu Inoue", il a ensuite complètement abandonné cette voie suite à un drame... Mais aux côtés de Tooko, le voilà obligé de reprendre la plume, exerçant ses talents d'écrivain en concevant des nouvelles avec lesquelles sa camarade se régale...

La version manga ici présente se propose de croquer des petites saynètes (5 dans ce premier tome, et cinq autres dans le second et dernier volume) à chaque fois basées sur le même schéma : Konoha est chargé par Tooko d'écrire une petite nouvelle avec la contrainte d'y inclure trois termes qu'elle lui impose, et pendant que le jeune garçon s'exécute, la demoiselle dévore un autre livre bien connu qu'elle décrit ensuite selon ce qu'elle a ressenti en le mangeant. Puis, à la fin de chaque chapitre, on trouve une petite présentation du livre en question illustrée sur 8-9 pages et racontée par plusieurs personnages des romans Bungaku Shojo d'origine.

Le concept de base est clairement original et intrigant, tant Tooko est une figure que l'on aime suivre. D'apparence insouciante, commettant souvent des actions bizarres, elle se veut certes très bizarre, mais surtout attachante, amusante, et avant toute chose réellement passionnée par les livres, même si elle les dévore de bien étrange manière. Mais le concept de cette "fille de lettres" (comme la surnomme Konoha") n'est pas uniquement cela : sa façon de manger passionnément les livres offre un parallèle souvent poétique et plein de bon sens sur la nature des oeuvres qu'elle goûte. Elle les compare en effet à de vrais plats... Certaines oeuvres dégagent pour elle une impression de froideur dans laquelle on a envie de se replonger à chaque bouchée, d'autres dégagent à ses yeux une tendresse sucrée ou des couleurs acidulées... Ajoutée aux explications de chaque fin de chapitre, cette façon d'aborder les livres permet des mises en avant simples et originales. Et du Manyôshû au Journal de Sarashina en passant par Dans la combe, ces livres de genres très différents s'offrent ainsi d'habiles petites mises en valeur qui peuvent donner envie de les découvrir par nous-mêmes.
En face de Tôkô, Konoha est un garçon qui ne manque d'intérêt, lui non plus. C'est lui qui, quelques années après avoir quitté le lycée et perdu de vue Tooko, nous raconte les moments de vie de chaque chapitre, aux côtés de cette fille qui, tout en le forçant à concevoir de petites nouvelles, semble avoir complètement changé sa vie...

Mais ce concept si intéressant et ce duo de héros suffisent-ils à faire de ce manga une réussite ? Non, malheureusement, la faute à plusieurs choses.
La brièveté des chapitres contraint l'auteure à aller à l'essentiel, et cela se ressent beaucoup trop, tant on a souvent l'impression que les choses sont survolées et mal fichues. Chaque chapitre offre quelques moments où Konoha est intrigué par Tooko, puis écrit sa nouvelle pendant que la jeune fille goûte un autre livre, et le tout se finit par l'appréciation par Tooko de la nouvelle du jeune garçon... Au-delà de cette forme très répétitive d'un chapitre à l'autre, c'est la construction très abrupte des choses qui pose problème. On passe d'un élément à l'autre sans trop savoir pourquoi, sans réelle logique, et cela se ressent surtout pour les nouvelles de Konoha qui, à chaque fois, se limitent à un petit truc expédié et sans grand intérêt si ce ne sont des notes d'humour (les nouvelles de Konoha n'étant pas souvent du goût de Tooko).
A cela, il faut ajouter un aspect visuel très faiblard. Nous avons découvert Akira Hiyoshimaru en France avec le très médiocre Messiah, qui souffrait de gros problèmes de clarté dans sa narration et de dessins très inégaux. Book Girl a été dessiné avant Messiah, et les tares de la mangaka s'y ressentent donc encore plus.
Mais, surtout, le plus gros problème vient du statut d'adaptation de ce manga, basé sur une saga que l'on ne connaît absolument pas en France, et qui n'est clairement pas la meilleure porte d'entrée dans l'univers de Bungaku Shôjo. Ici, nous voici plongés aux côtés de deux héros dont nous sommes censés déjà connaître une bonne partie du background via l'oeuvre originale, et notre non-connaissance de cette dernière amoindrit largement le plaisir de lecture. En effet, il est fait référence au fil du manga à des événements et à des personnages que nous ne connaissons pas, principalement autour du passé dramatique de Konoha. Chaque chapitre permet tout de même, peu à peu, de cerner les très grandes lignes du passé du lycéen, et la présence en début de tome d'une petite présentation des personnages et en fin de tome d'une brève chronologie des événements permet d'y voir encore un peu plus clair... mais tout ceci est clairement insuffisant pour réellement s'immerger dans les tourments des protagonistes. Impossible de réellement prendre en compassion le jeune garçon que nous ne découvrons que trop superficiellement. Impossible de cerner entièrement tout l'impact qu'a eu Tooko sur lui, à cause de cette impossibilité d'approfondissement et de ces chapitres trop éclatés.
Enfin, difficile de ne pas dire un mot sur l'édition, qui nuit elle aussi un peu à la lecture. Déjà peu convaincante de base, la patte visuelle de la mangaka est encore un peu plus mise à mal par une qualité d'impression loin d'être top. Mais le pire reste la traduction, assez lourde, poussive, offrant parfois des morceaux de phrases éclatés, et plombée par quelques fautes d'inattention et quelques grossières erreurs hallucinantes, à l'image de l'utilisation par deux reprises du mot "briguant" (participe présent de verbe briguer" au lieu de "brigand"... Ca fait mal aux yeux.

Sur une base qui partait d'une excellente idée, Book Girl sombre en partie. Les dessins pauvres et la narration confuse d'Akira Hiyoshimaru ne sont pas à la hauteur, l'édition française plombe quelque peu l'ensemble... Mais c'est bien le statut d'adaptation d'une oeuvre inconnue en France qui pose problème. De par son schéma fait de petites saynètes, ce manga semble avoir surtout été conçu pour prolonger le plaisir des fans japonais connaissant déjà les romans et/ou l'anime, et ceux-ci n'étant pas sortis en France... Restent ce concept vraiment intéressant et ce duo de héros intrigants à défaut d'être réellement développés ici.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
8.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs