NIGHTOW  Yasuhiro - Actualité manga

NIGHTOW Yasuhiro 内藤泰弘

Interview de l'auteur

Cette année, Japan Expo accueillait Yasuhiro Nightow, pour fêter l'arrivée dans le catalogue des éditions Dybex du film Trigun Badlands Rumble. Disponible, enjoué et simple au point qu'il n'était pas rare de le croiser au détour d'une allée de la convention, l'homme à l'origine de Trigun et Gungrave accepta de nous accorder une interview, dont voici le compte-rendu.




Manga-news: Yasuhiro Nightow, bonjour ! Avec quels mangas avez-vous grandi ? Certains vous ont-ils inspiré ?
Yasuhiro Nightow: Mon plus vieux souvenir de manga est la lecture de Tensai Bakabon, de Fujio Akatsuka. Quand j'étais au collège, j'ai été très influencé par Leiji Matsumoto. Il m'arrivait souvent de reproduire ses dessins. En dehors du manga, je reproduisais également des planches de Snoopy. Puis j'ai découvert des auteurs comme Rumiko Takahashi, puis, encore plus tard, j'ai été séduit par le travail de Katsuhiro Otomo et de cette nouvelle vagues d'auteurs qui arrivaient. C'est à cette période que ma vision du manga est vraiment passée de la position de lecteur à celle d'artiste.


Trigun est une série étonnante, qui, notamment, mêle habilement action et humour dans un monde original. Comment avez-vous créé cet univers ?
Je ne pense pas que cet univers soit si particulier que ça. Avant de commencer le manga Trigun, j'ai moi-même lu un manga de type western, ça m'a beaucoup plus, et c'est à partir de là que j'ai à mon tour commencé à créer un univers typé western. J'y ai ensuite ajouté une touche de science-fiction, avec pas mal de technologie, une ambiance un peu cyber.




Quelles ont été vos inspirations pour créer cet univers ? Vous souvenez-vous du nom du manga western que vous avez évoqué ?
Malheureusement, je ne me souviens plus du nom de ce manga. Mais parmi mes autres sources d'inspiration il y a l'illustrateur de comics et d'heroic fantasy Simon Bisley, qui a dessiné Slaine.


A votre avis, entre le manga Trigun et Trigun Maximum, quels sont les éléments qui ont le plus changé dans votre travail ? Notamment au niveau du design et du dynamisme de l'ensemble...
Ce n'est pas le même éditeur. Au début, ma série Trigun était éditée par Tokuma Shoten, mais ça n'a pas marché et la série a donc été arrêtée. Plus tard, c'est l'éditeur Shônen Gahosha qui a pris le relais. L'éditeur souhaitait d'abord que je me lance dans une toute nouvelle série, mais je n'étais pas satisfait d'avoir dû laisser Trigun en plan. L'éditeur a accepté que je reprenne Trigun, et je pense que le fait que l'adaptation animée était en négociations à cette époque a joué dans la balance pour que mon envie de reprendre la série soit acceptée. Or, à cause de problèmes de droits, on ne pouvait pas mettre le même titre. J'ai donc rajouté le mot "Maximum". Les deux séries sont donc liées, l'univers est le même, rien n'a changé de ce côté-là.
Par contre, je pense que des choses ont changé dans mon style en lui-même entre Trigun et Trigun Maximum. Entre les deux séries, un certains laps de temps s'est écoulé, et j'ai pris conscience qu'à force de vouloir proposer un contenu très dynamique dans Trigun, mes scènes d'action n'étaient pas toujours très lisibles. Dans Trigun Maximum, j'ai donc essayé de faire des scènes plus claires et mieux intégrées à l'histoire. Entre l'idée et la mise sur papier, il y a parfois un décalage. Il n'était pas toujours évident pour moi de bien retranscrire en dessin les idées que j'avais, qui avaient tendance à se complexifier au fil du dessin, ce qui pouvait nuire à la lisibilité du résultat final. Dans Trigun Maximum, j'ai donc redoublé d'efforts pour conserver la logique de l'histoire.




Quel fut votre rôle exact sur les adaptations animées de Trigun ?
Pour la série, je ne connaissais pas très bien le milieu de l'animation car je n'y avais jamais travaillé, mais heureusement, il y avait une bonne équipe derrière, et c'est plutôt elle qui a bien travaillé. Le scénariste était Yôsuke Kuroda, et il a très bien géré la situation. Quant au directeur, il voulait garder son style, ne pas être trop dérangé par le style du manga. Il y a eu beaucoup de discussions, et de mon côté je suis resté en tant que dessinateur de base.
Par contre, pour le film, j'ai beaucoup parlé du scénario avec le directeur et étais donc plus impliqué.




A votre avis, qu'est-ce que les adaptations animées Trigun ont apporté de plus à votre oeuvre ? Notamment au niveau musical...
Par rapport au manga, il y a beaucoup d'éléments en plus, comme la musique et les jeux de lumière, et j'étais très content de voir que tout ceci renforçait le dynamisme et l'aspect un peu cinématographique de Trigun.


Gungrave est un anime, mais est, à la base, un jeu vidéo. Comment sont nées les différentes étapes de cette oeuvre ? Quel fut votre rôle exact sur le jeu puis sur l'anime ?
Au début, je n'ai pensé qu'au jeu vidéo. Pour que cela devienne ensuite une série animée, il a fallu beaucoup de travail, notamment au niveau du scénario. Il fallait tenir 24 épisodes, ce qui était long, et si l'on ne faisait que respecter l'histoire du jeu vidéo il n'y avait pas matière à tenir aussi longtemps. Nous avons donc rajouté des éléments, par exemple au niveau de la personnalité des protagonistes. Le scénario était une nouvelle fois mené par Yôsuke Kuroda, et une fois par semaine, avec toute l'équipe, nous en discutions. J'étais aussi dans l'équipe et j'ai donné mes avis sur le scénario et sur la direction à donner à cette série.




D'où vous sont venues vos inspirations pour créer l'univers assez mafieux puis "horrifique" de Gungrave ?
J'ai eu envie de mélanger plusieurs univers, un peu comme je l'avais fait avec Trigun. Cette fois-ci, je me suis basé sur un univers de yakuzas, auquel j'ai une nouvelle fois ajouté des éléments de science-fiction, comme des monstres.


On constate, par exemple, la volonté du personnage de Harry de gravir les échelons au sein de son gang. Pour dépeindre cet aspect, vous êtes-vous documenté ? Où êtes-vous allé puiser vos idées ?
J'ai regardé beaucoup de films de mafieux, c'est un univers que j'adore. Mais en tout cas, je peux vous assurer que je ne fréquente pas de mafieux ! (rires)


Avez-vous un film de référence en particulier dans ce domaine ?
Les Affranchis de Martin Scorcese




De manière générale, on sait que vous êtes un grand fan de cinéma, surtout de cinéma américain...
C'est vrai. J'ai un goût particulier pour tous les films de superhéros, alors en voir débarquer autant depuis quelques années me réjouit ! Parmi ceux-ci, j'ai vu un nombre incalculable de fois la trilogie Blade !


On constate dans vos œuvres un gros travail sur le look et la dégaine de vos personnages, Vash et Brandon (de Gungrave) en tête. De même, on remarque un souci du détail dans la conception des éléments mécaniques, robotiques... Quels éléments vous-ont inspiré pour créer des personnages aussi marqués ?
Pour le personnage de Vash, j'ai d'abord imaginé un personnage très puissant, mais en même temps très gentil et comique, plutôt pacifiste. Je me suis dit qu'un personnage comme ça serait amusant. Quant à son look, je voulais quelque chose de très marquant. En ce qui concerne Brandon, à la base il vient du jeu vidéo, et moi-même, quand je joue à un jeu vidéo, je n'aime pas les personnages qui parlent beaucoup. J'ai donc choisi une personnalité renfermée.
Sinon, j'ai toujours aimé tout ce qui est design industriel, et il m'arrive souvent d'observer autour de moi des éléments qui en sont issus. Il s'agit sans doute d'une source d'inspiration.


Vous avez travaillé dans le domaine du manga, celui de l'animation, celui du jeu vidéo. Quel univers vous plaît le plus, et pourquoi ?
C'est le manga. Je suis initialement mangaka, donc c'est très important pour moi. Et puis travailler dans le manga m'offre plus de liberté que dans les autres domaines, plus encadrés.
 



A votre avis, lequel de vos personnages vous ressemble le plus ?
Je pense que chacun des personnages que j'ai créés me reflète un peu, car dans chacun, j'ai mis une partie de moi. Cela dit, je dirais quand même que Vash me ressemble beaucoup pour son caractère à la fois déterminé et plus comique (j'adore faire le guignol !).


Quels sont vos projets actuels ?
Je suis en train d'écrire une série dans le magazine Jump Square de Shueisha, qui se nomme Kekkai Sensen, et qui est une préquelle à un autre manga, Kekkai Sensou, un one-shot également sorti dans le Jump Square. Je viens d'en publier le troisième tome.


Vous êtes très proche de l'univers de la bande dessinée américaine...
C'est vrai. Par exemple, ma nouvelle série se situe à dans une ville de New York proche de la science-fiction, avec des monstres. Je me suis dit que cela pouvait rapprocher mon oeuvre des comics.
Sinon, oui, j'adore cet univers. Je vais souvent au Comic Con de San Diego en tant que fan, pour rencontrer des artistes américains aux styles souvent très différents, et qui ont, à mes yeux, tous apporté quelque chose à leur art. En comparaison, j'ai le sentiment qu'au Japon, les conventions sont moins authentiques, laissent une part moins importante aux fans eux-mêmes. La proximité avec les artistes est moins poussée.


Merci pour cette interview !


Remerciements à Yasuhiro Nightow, à l'interprète et à Dybex.