Zingnize Vol.1 - Actualité manga
Zingnize Vol.1 - Manga

Zingnize Vol.1 : Critiques

Zingnize

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 31 Août 2022

Lancées en 2019 depuis la Belgique, les éditions Shiba restent très discrètes puisque leurs oeuvres publiées se limitaient jusque-là à deux titres, mais elles ont le mérité de fonctionner au coup de coeur pour des artistes ayant une patte bien à eux. C'est donc avec beaucoup de plaisir qu'en guise de titre d'inauguration on avait découvert en mai 2019 le très bon one-shot Laughter in the End of the World de la talentueuse et réputée Yellow Tanabe (Kekkaishi, Birdmen), avant que l'éditeur ne nous propose, à partir d'octobre 2020, de découvrir les talents de l'artiste Kent avec l'original Colorless. Lancé en langue française en cette toute fin de mois d'août, Zingnize va-t-il suivre le même chemin ?

Derrière Zingnize se cache un mangaka se faisant appeler Warainaku, auteur jusque-là inédit dans notre langue mais qui n'en est pas tout à fait à son coup d'essai: il a d'abord signé la série en 13 volumes Keyman - The Hand of Judgement à partir de 2011, a également conçu quelques histoires courtes dont la dénommée Magoichi ga Ikusa en 2012, et réalise également depuis 2012 les illustrations du light novel Ninja Slayer, une oeuvre qui a été rendue populaire à l'international par ses adaptation en manga et en anime. Zingnize, qui est sa dernière série en date, est prépubliée au Japon depuis 2018 dans le magazine Comic Ryu de Tokuma Shoten, et elle compte six volumes à l'heure où ces lignes sont écrites. Dans tous les cas, on notera un goût prononcé de l'auteur pour les récits d'action un peu bourrins et gentiment décérébrés, et ce n'est pas Zingnize qui montrera le contraire !

Ce récit nous plonge au tout début de l'ère Edo. En l'an 1600, la mythique bataille de Sekigahara a permis au troisième des emblématiques unificateurs du Japon, Ieyasu Tokugawa, de prendre le dessus sur les troupes de Hideyoshi Toyotomi, avant de se faire couronner en 1603 par l'Empereur en tant que Shôgun, signant ainsi le début du règne de la dynastie Tokugawa et le début de l'ère Edo, ce qui durera jusqu'aux années 1860 et l'ouverture chaotique du pays sur l'étranger. Mais alors qu'Ieyasu est au sommet, toutes sortes d'opposants continuent d'exister en étant bien souvent réprimés par la force: clans rivaux, bandits, voleurs... et notre personnage principal Jinnai Kôsaka, est précisément l'un de ces voleurs. Réputé pour être le plus grand de tous, même. Alors quand il reçoit dans son QG du mont Tsukuba la visite impromptue d'un jeune homme souhaitant qu'il élimine un dangereux ninja pour le bien des Tokugawa, il n'a pas franchement envie d'accepter, quand bien même l'envoyé lui affirme qu'il n'a pas le choix: s'il refuse, les sbires de Tokugawa se chargeront de le tuer. Finalement, la seule chose parvenant à motiver ce diable de Kôsaka est la découverte de la vraie nature de son interlocuteur... qui se révèle être une sublime jeune femme particulièrement bien pourvue par la nature. C'est décidé, le voleur acceptera la mission à une seule condition: que cette fille, Okiku, devienne son épouse ! Et la jeune femme a beau ne pas être franchement d'accord avec ce choix imposé par ce brigand plutôt rustre, elle n'a pas vraiment son mot à dire... Voici donc Kôsaka, ses hommes et Okiku en route pour dénicher et éliminer Kotarô Fûma, le leader du clan de ninjas Fûma, pour le compte du seigneur Chôan Ôkubo de la province d'Iwami, lui-même à la solde de Tokugawa.

Place donc, ici, à une histoire jouant volontiers sur l'Histoire avec un grand H, puisque Warainaku se fait une joie de se réapproprier certains grands éléments historiques du début de l'ère Edo mais aussi de l'époque pré-Edo: la bataille de Sekigahara, le couronnement de Ieyasu, l'évocation de vieux clans rivaux comme les Hojo, et bien sûr la reprise de figures historiques comme le mythique Kotarô Fûma et même Kôsaka qui fait partie de ceux que l'on appelait les Trois Jinnai d'Edo, ce dernier ayant même été réellement l'un des principaux rivaux/adversaires de Fûma dans la réalité historique. Mais tout ça, le mangaka se le réapproprie à sa sauce, une sauce qui n'aurait sans doute pas renié un auteur comme Kôta Hirano sur Drifters !

Car pour le moment, ici tout est surtout question de déconne régressive, avec des "gags" et situations qui passeront plus ou moins bien selon les lecteurs, puisque Warainaku se permet pas mal de chose de façon décomplexée et sans la moindre prise de tête, y compris une part d'humiliation au second degré autour de la pauvre Okiku qui n'a pas franchement son mot à dire et qui se retrouve pendant la moitié du tome avec sa généreuse poitrine qui ballote dans tous les sens entièrement nue (ça pourra clairement plaire à un public, ciblé, on ne va pas se mentir). Notre cher Kôsaka apparaît pour l'instant, malgré son statut de plus grand des voleurs, comme un costaud et un peu demeuré gaillard, d'autant plus vicelard qu'il est toujours puceau, un peu lourdingue sur les bords avec celle qu'il a décidé unilatéralement d'épouser, et potentiellement agaçant au point de se ficher ouvertement du physique de son principal ennemi quand il apparaît pour la première fois devant lui. Et côté moments d'action, cet anti-héros et son entourage ne vont pas forcément se montrer plus nobles, en enchaînant des techniques improbables, exagérées et donc potentiellement régressives et jouissives.

Mais pour que la lecture devienne précisément réellement jouissive, l'auteur va devoir gomme deux sérieux défauts.
Tout d'abord, une narration restant un peu maladroite par moment, car on sent que Warainaku prend des raccourcis dans la mise en lace de sa petite intrigue par envie de nous plonger plus vite dans son délire d'action bourrine et décomplexée.
Ensuite, l'action en elle-même, justement. Certes, le dessinateur dévoile un style visuel bien à lui, se voulant très dense, très riche, percutant, avec des designs acérés, beaucoup de remplissage faisant très rarement appel à des trames classiques, plusieurs grandes cases, pleines pages et doubles-pages voulant en mettre plein la vue... Le mangaka se fait plaisir, ça se sent réellement, mais c'est tellement le cas qu'il en oublie souvent la lisibilité de son action. C'est très souvent fouillis, trop chargé, quasiment illisibles dans certains échanges de coups, même si globalement ça en jette.

A l'arrivée, on a donc affaire à un premier volume se chargeant simplement de mettre en place un trip qui a tout pour régaler les fans de mangas un brin bourrins, sexys et régressifs, à condition que l'auteur parvienne à mieux canaliser son style pourtant prometteur. C'est tout ce que l'on souhaite, car Zingnize a tout ce qu'il faut pour constituer un bon petit divertissement dans son genre.

Concernant l'édition, Shiba nous offre une chouette copie dans l'ensemble. Derrière une jaquette donnant bien le ton, on trouve un livre assez agréable à manipuler, grâce à un papier souple et sans transparence laissant place à une très honnête qualité d'impression. Soulignons aussi la présence de quatre premières pages en couleurs sur papier glacé, un lettrage soigné de Nicolas Willame, et une traduction convaincante de Satoko Fujimoto, notamment quand il s'agit d'accentuer le côté comique avec le parler parfois contemporain des personnages.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs