Yôkai War - Guardians Vol.1 - Actualité manga

Yôkai War - Guardians Vol.1 : Critiques

Yôkai Daisensô Guardians

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 14 Juin 2023

Annoncé un peu à l'arrache par nobi nobi! (le 6 juin dernier, pour une parution du tome 1 dès le lendemain), Yôkai War - Guardians permet au label jeunesse de Pika Edition de s'intéresser aux fameuses figures des yôkai, ces créatures typiques du folklore japonais, remises au goût du jour il y a plusieurs décennie par le grand et regretté Shigeru Mizuki, et qui, depuis, peuplent considérablement l'imaginaire nippon à travers des oeuvres diverses et variées allant du jeu vidéo (Yôkai Watch, bien sûr) à l'animation (Lettre à Momo, pour ne citer qu'un exemple) en passant par les réalisation live et, évidemment, le manga.

De son nom original Yokai-dai Sensô, l'oeuvre dont il est question ici est un excellent exemple de la faculté qu'ont les yôkai à peupler tous les supports: à l'origine il s'agit d'une série de romans, dont le succès fut suffisant pour que des adaptations naissent sous d'autres formes. Ainsi, dès 2005, le célèbre et ultra prolifique réalisateur japonais Takashii Mike en a offert une adaptation en film sous le nom The Great Yokai War, puis a sorti en août 2021 un deuxième volet intitulé The Great Yokai War: Guardians et scénarisé par Yûsuke Watanabe. C'est précisément pour accompagner la sortie nippone de ce deuxième long-métrage qu'est né, quelques mois auparavant, le manga qui nous intéresse ici. Prépublié dans son pays d'origine entre fin 2021 et fin 2022 dans le magazine Shônen Ace de l'éditeur Kadokawa, ce manga achevé en trois tomes a été confié à une mangaka que l'on connaît déjà en France: Sanami Suzuki, qui avait régalé plus d'une fois sur les mangas Black Rock Shooter: Innocent Soul (disponible en France chez Panini, et où le style visuel de l'autrice collait très bien à l'univers de la célèbre licence Black Rock Shooter) et La petite Fille aux Allumettes (série parue dans notre langue chez Komikku, et dont plusieurs des histoires surnaturelles étaient un délice d'imagination et de verve graphique dans différentes tonalités). Et histoire de clarifier les choses puisque le nom de ces trois oeuvres est proche: Yôkai War - Guardians n'a rien à voir avec la licence Yôkai Watch, ni avec le manga Yôkai Wars qui a été annoncé en France par les éditions Mana Books il y a quelques semaines.

On plonge ici aux côtés de Kei Watanabe, un jeune garçon de 11 ans qui, déjà à son âge, semble complètement blasé par la vie: il s'ennuie en permanence, il n'a aucune passion, il ne suit pas en cours... son mal-être venant en grande partie de sa triste situation familiale que l'on découvre très vite: son père est décédé. Et il a beau savoir que son petit frère Dai n'y est pas pour grand chose, il ne peut s'empêcher de rejeter toute la faute de ce drame sur cet enfant qui est pourtant joyeux et aimant envers son grand frère.
Tout aurait pu s'arrêter là. Cela aurait pu n'être qu'une histoire de famille malheureuse de plus, si Kei n'était pas promis à un avenir hors du commun impliquant les yôkai, les démons, une guerre entre eux, et tout bonnement le sort du Japon tout entier. Une nuit, des yôkai viennent effectivement le visiter pour lui apprendre qu'il est le descendant de Watanabe no Tsuna, un célèbre samouraï et chasseur de yôkai ayant vécu il y a plusieurs siècles, et qu'en tant qu'héritier de ses capacités il est peut-être le seul humain au monde à pouvoir arrêter la progression de Yôkaijû (un mix entre les mots "yôkai" et "kaijû", ce dernier qualifiant les monstres géants typiquement japonais comme Gojira/Godzilla), une colossale créature qui avance petit à petit vers Tôkyô, en étant proche de détruire la mégalopole et de provoquer la submersion du Japon ! En plus de ça, yôkai et démons sont divisés en deux camps face à cette menace: si certains souhaitent empêcher le pire d'arriver, d'autres soutiennent Yôkaijû, estimant que les humains ont beaucoup trop empiété leur territoire et sali la Terre, et donc que leur disparition ne peut être que bénéfique.
Bien que fier de se découvrir soudainement un prestigieux aïeul, Kei, au départ, se demande s'il pourra vraiment être à la hauteur de sa mission, de ce grand destin, d'autant plus qu'il va devoir prouver qu'il a le courage et les capacités pour ça. Mais il pourrait bien tirer une motivation supplémentaire dans un désir: préserver sa famille qui a déjà assez souffert comme ça, dès lors que son petit frère se trouve emporté dans le monde des yôkai et qu'il doit le sauver...

Au vu du pitch de base et du déroulement de ce premier tome d'introduction, le constat est sans appel: le récit reprend bel et bien un petit paquet de poncifs propres à ce genre de petit shônen d'aventure/action, sans grosse surprise particulière pour le moment: un très jeune héros masculin déjà désabusé par la vie mais qui se retrouve soudainement avec un grand destin entre les mains, l'arrivée de premiers alliés et d'une arme spécifique (un katana extraordinaire, en l'occurrence) pour l'aider à combattre une grande menace pesant sur le Japon entier, un fond plus personnel où la quête pour sauver Dai devrait à la fois le sortir de sa torpeur et le rabibocher avec sa famille... En somme, des ingrédients standard, qui n'étonneront aucunement les habitués du genre, mais qui ont tout à fait de quoi plaire à un public assez jeune ou tout simplement à celle et ceux n'ayant pas encore fait une overdose de ce genre de récit... d'autant plus que la série a d'ores et déjà, assurément, deux belles qualités à confirmer sur les tomes suivants !

Tout d'abord, l'univers typique des yôkai, bien sûr. Plonger dans le vaste monde de ces fantastiques créatures folkloriques japonaises est souvent un plaisir, et c'est une nouvelle fois le cas ici. Certes, le récit n'en fait pas grand chose pour le moment: les yôkai sont certes déjà assez nombreux à apparaître mais ne font pas grand chose pour le moment, le contexte de guerre entre les deux camps de yôkai/démons est plutôt expédié dans le fond... Mais on appréciera non seulement les diverses petites références rapides folkloriques et mythologiques (on a quelques informations sur les spécificités de certains yôkai, et Watanabe no Tsuma est un samouraï ayant réellement existé il y a environ mille ans), mais aussi le plaisir évidemment que montre Sanami Suzuki à les dessiner avec son style graphique typique.

Ensuite, la patte visuelle de Suzuki, justement. Si le fond ne montre rien d'original pour l'instant, on sent bien une volonté de la mangaka de faire valoir sa patte assez personnelle dans ce cadre très typé shônen d'aventure. En plus de proposer une belle diversité dans l'allure de ses nombreux yôkai tantôt très connus (kappa, nurarihyon, bimbogami, zashikiwarashi...) tantôt moins renommés, l'autrice cherche plus d'une fois à proposer de jolies montées artistiques, à l'image de certaines perspectives et de quelques contrastes noir/blanc qui rappelleront volontiers l'esthétique de Black Rock Shooter, que l'autrice avait fort bien retranscrite dans son manga Innocent Soul. Grâce à certains encrages prononcés et décors foisonnant avec différents effets (fumée, etc), l'autrice offre également plusieurs cadres franchement immersifs et accentuant bien l'ambiance, surtout quand il s'agit de doubles-pages.

On attendra alors sans le moindre déplaisir la suite de cette petite série d'aventure qui, derrière ce tome de mise en place au déroulement typique du genre, a des qualités à faire valoir et à affirmer.

Côté édition, on a droit à quatre premières pages en couleurs sur papier glacé, à un papier souple et suffisamment opaque permettant une qualité d'impression convaincante, à un lettrage appliqué, et à une traduction claire de Vincent Marcantognini qui est également ponctuée de quelques astérisques appréciables. Soulignons aussi que l'éditeur a choisi de concevoir une jaquette bien différente de celle de l'originale japonaise, avec une autre illustration donnant assez bien le ton elle aussi (l'illustration nippone, elle, est visible sur la quatrième de couverture) et un logo-titre assez bien pensé en étant translucide.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs