Vinland Saga Vol.26 : Critiques

Enfin arrivés au Vinland, Thorfinn et les siens s'appliquent à commencer à bâtir une colonie prospère et pacifique, y compris vis à vis des natifs des lieux, les Mi'kmaq menés par Pulmuk, avec qui ils espèrent parvenir à établir un contact solide et à bien s'entendre. Alors, que se passera-t-il le jour où les natifs viendront d'eux-mêmes se présenter face à nos héros ? Certains colons comme Thorfinn et Gudrid sont enjoués, d'autres sont craintifs, d'autres encore sont prêts à se battre à l'image d'Ivar qui a secrètement amené son épée avec lui. Et c'est évidemment pareil du côté des natifs: si certains comme Pulmuk sont assurément enclins à cohabiter, d'autres restent plus réticents. Parmi ces derniers, le chaman Misqe'gpi'gw craint que l'abattage d'arbres pour ouvrir des champs ne finisse par détruire la forêt, et ces craintes sont d'autant plus fortes que sa jeune disciple Nisqauji'j a des visions de mauvais augure...

De manière très logique, les premiers vrais contacts entre les deux peuples constituent un enjeu essentiel de ce volume, et l'on suit tout ceic avec beaucoup d'intérêt, tant Makoto Yukimura cherche soigneusement à y mettre des nuances. Ainsi, en s'installant peu à peu comme le natif le plus craintif envers l'installation des colons, Misqe'gpi'gw se révèle intéressant via le rituel qu'il pratique, un rituel où ses visions du futur montrent tout le mal que les guerriers et conquérants colons pourront faire dans les siècles à venir, Yukimura exploitant alors efficacement cette petite touche surnaturelle pour rappeler les méfaits qui ont pu être commis par les gens colonisateurs au fil du temps sur les peuples natifs. Le chaman saura-t-il, alors, comprendre que Thorfinn ne fait pas partie de ces gens-là ? La question reste entière, d'autant plus que même si Thorfinn et une grande partie des siens sont pacifiques, parmi les colons il y a toujours des gens comme Ivar qui doutent et qui gardent encore un esprit guerrier. Quant à la jeune Nisqauji'j, malgré ses visions sombres elle semble déjà avoir une approche différente en apprenant peu à peu à découvrir le mode de vie des colons et, surtout, leur langage grâce à un Gros-Yeux improvisé interprète. Une communication s'installe bel et bien, petit à petit, et on suit cela dans un climat assez apaisé dans l'ensemble, ce qui colle très bien au message que souhaite véhiculer le mangaka.

Par ailleurs, ce climat apaisé, on le retrouve dans plusieurs autres situations au fil du tome, à commencer évidemment par les échanges/trocs que font les deux peuples et les découvertes qu'ils s'apportent l'un l'autre (le maïs, le sucre d'érable, le jeu sportif chunkey...). Au fil de mois que Yukimura nous fait ressentir soigneusement par le biais de la nature qui change (à l'image du blé poussant dans les champs), les cultures, élevages et habitations se consolident, et au gré de tout ceci l'auteur offre de belles évolutions plus personnelles au fil du temps. Ainsi découvre-t-on la façon dont l'ancien jomsviking Valgar a rejoint Thorfinn en découvrant une façon de vivre éloignée de la guerre, apprend-t-on une belle nouvelle du côté de Gudrid, suit-on les petites disputes de Karli qui a lui aussi des choses à apprendre aux adultes, et voit-on Hild franchir une étape cruciale dans son parcours, à partir du moment où sa traque d'un ours la pousse à réfléchir. La vengeance étant par nature très souvent inutile, seuls le temps qui passe, la rédemption du fautif et le pardon peuvent réellement apaiser les coeurs. Et cela nous laissera sur des toutes dernières pages particulièrement touchantes, tant celles-ci viennent cristalliser une idée essentielle que Yukimura avait installée il y a désormais un paquet de tomes autour de ce personnage.

"Tu as travaillé dur pour me libérer de cette malédiction qu'est la vengeance. Tu es un véritable guerrier."

Peut-être n'est-ce qu'un moment de calme avant une possible tempête, car Yukimura nous fait bien sentir qu'il reste des doutes dans l'idéal pacifiste que Thorfinn est en train de bâtir. Mais une chose est sûre: ce tome rayonne sur bien des points,captive dans son atmosphère, Makoto Yukimura excellant dans sa manière de faire ressortir les avancées bénéfiques de ses personnages.