Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 18 Juin 2025
Après Omaké Manga avec Assistant Assassin (dont on espère toujours la suite en France, la série étant en stand-by depuis janvier 2021 avec 3 tomes parus sur 6), Hana avec Akamatsu (et) Seven, Ki-oon avec Les Racailles de l'autre monde, naBan avec Au Bain Les Yankees, et prochainement Mangetsu avec School of Villains, c'est au tour des éditions Crunchyroll de lancer dans notre langue, en ce mois de juin, un manga de Hiromasa Okujima, et pas des moindres: Vavam Vampire. Riche de 11 volumes à l'heure où ces lignes sont écrites, cette série suit son cours au Japon depuis 2021 dans le magazine Bessatsu Shônen Champion des éditions Akita Shoten sous le titre Vavan Vavanvan Vampire, et est l'une des oeuvres les plus populaires de la carrière du mangaka, si bien qu'elle a été adaptée cette année en anime (disponible en France sur Netflix) et en film live (inédit dans notre pays à ce jour).
D'ailleurs, les éditions Crunchyroll semblent beaucoup croire au potentiel de l'oeuvre, comme le montre la conception, parallèlement à l'édition classique du tome 1, d'un petit coffret collector qui, pour un prix de 13,99€ (soit 6€ de plus que l'édition classique), contient le volume doté d'une jaquette alternative, un ex-libris et un un stand en acrylique à l'effigie du personnage principal. Bien le prix paraisse légèrement élevé pour ça, il faut avouer que cette fois-ci le résultat est assez qualitatif (ce qui n'est pas toujours le cas pour les éditions limitées de Crunchyroll): le coffret est fabriqué dans un carton assez solide et affiche à l'avant une illustration en couleurs qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le produit, la jaquette alternative est jolie en plus d'être (heureusement) réversible (le verso proposant l'illustration de la jaquette standard), l'ex-libris légèrement granuleux offre une belle illustration dans les bains, le stand acrylique est assez grand... En somme, si vous pensez accrocher suffisamment à la série pour avoir envie de posséder ce collector, il y a quand même de quoi avoir facilement envie de craquer.
Vavam Vampire nous immisce auprès de Ranmaru Mori, un jeune homme a priori sans histoires: voici dix années qu'il travaille consciencieusement en tant qu'employé des bains de la Carpe, des bains publics à l'ancienne tenus depuis plusieurs génération par la famille Tatsuno. Vivant avec les membres de cette famille depuis une décennie, il est parfaitement intégré et se présente même un peu comme un grand frère pour Rihito, adolescent de 15 ans d'une pureté absolue, voué normalement à hériter des bains plus tard, et s'apprêtant à faire son entrée au lycée. Tout pourrait s'arrêter là... à ceci près que Ranmaru est en réalité un vampire vivant depuis plusieurs siècles, et qu'en matière de mets il attend de pouvoir savourer le sang d'une personne bien précise: Rihito, cet adorable garçon qui l'a sauvé et recueilli dix ans auparavant. Dans le petit monde des vampires, chacun a des goûts précis, et pour Ranmaru le meilleur "plat" du monde se trouve effectivement en les adolescents toujours puceaux, purs et gentils quand ils atteignent pile l'âge de 18 ans. Ainsi, depuis dix ans, le vampire a parfaitement conscience de tout le potentiel du jeune garçon, dont il peut observer quotidiennement, et avec une admiration confinant presque à la passion, toute la belle pureté, le physique parfait en terme de muscle et de graisse... Et en attendant de pouvoir le "goûter", il tâche de ne se nourrir que du sang infect de criminels, pour ne pas gâcher son intégration réussie parmi les humains. Mais si Ranmaru veille soigneusement à ce que Rihito garde toute sa pureté depuis dix ans, les trois années restantes jusqu'à ses 18 ans risquent d'être beaucoup plus délicates, car l'entrée au lycée de l'adolescent va marquer les étapes les plus difficiles: la puberté, l'éveil à l'amour auprès de la mignonne et naïve nouvelle camarade de classe Aoi Shinozuka, ou encore les dangers exercés par certains loubards du lycée emmenés par le redoutable Franken.
Un ancrage dans les bains publics comme dans Au Bain Les Yankees, un petit sous-texte boy's love rappelant Akamatsu (et) Seven (et certains autres mangas de l'auteur inédits en France), sans oublier quelques racailles qui sont un élément commun à la majorité des histoires du mangaka, ainsi qu'une dose d'humour décalé où il détourne certains clichés (quitte à même s'auto-vanner par moments) : aucun doute, nous sommes bien dans un manga de Hiromasa Okujima ! Et en prime, un bon début de manga puisque l'auteur exploite assez aisément ce mélange pour déjà distiller tout ce qu'il faut d'éléments prometteurs. Côté personnages, en plus de bien s'amuser sur les aspects les plus stéréotypés de ceux-ci, Okujima met très vite en place quelques relations qui promettent déjà de semer la zizanie, ne serait-ce qu'autour d'Aoi et de l'impensable "triangle amoureux" qu'elle initie. Côté humour, les notes comiques sont assez nombreuses et dans l'ensemble assez efficaces, même si l'on sent que certains jeux de mots typiquement nippons ont été difficiles à retranscrire même pour une traductrice aussi expérimentée et efficace que Fédoua Lamodière, traductrice à la carrière déjà longue et notamment saluée pour son travail sur Dragon Ball, L'Atelier des Sorciers, Seven Deadly Sins ou encore la nouvelle édition de Ranma 1/2. Mieux encore, l'auteur a la bonne idée, à travers son personnage vampirique vivant depuis plusieurs siècles, de jouer sur pas mal de références historiques rapides, en s'amusant même à revisiter certaines choses de l'Histoire (notamment la mort de diverses personnalités), et en proposant à travers son héros une vision unique de Ranmaru Mori, un homme resté dans l'Histoire comme un loyal vassal de Nobunaga Oda.
Servi par l'habituel dessin efficace de l'auteur (qui sert plutôt bien l'humour malgré certains mouvements un peu rigides, et où les décors photoréalistes sont assez immersifs), Vavam Vampire présente un premier volume qui est alors enthousiasmant dans l'ensemble. On se demande un peu comment le mangaka pourra réussir à renouveler ses situations sur la longueur, met dans l'immédiat tout se met bien en place, l'ambiance est là, le concept est bien exploité, on s'amuse facilement à la lecture... Affaire à suivre avec plaisir !
Enfin, côté édition française, la copie est propre: le papier est souple et suffisamment opaque, l'impression est satisfaisante, le lettrage d'Isabelle Bovey est convaincant, et la traduction de Fédoua Lamodière est dans l'ensemble très limpide et vivante.