Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 20 Janvier 2025
Presque trois ans après La sérénade du corbeau qui, lors de sa publication française en novembre 2021, nous avait facilement séduits, Sakuhiro a fait son retour dans le catalogue des éditions Hana au mois d'octobre dernier avec Une nuit d'amour dans la ville antique. De son nom original "Rajo Koizukiyo" (littéralement "L'amour de la nuit de lune" ), ce récit n'est autre que le spin-off de La sérénade du corbeau. Il s'agit initialement d'un one-shot dont Sakuhiro a initialement prépublié les chapitres en 2020-2021 dans le magazine Comic Marginal de Futabasha (magazine qui avait aussi accueilli La sérénade du corbeau), mais plus tard une suite a vu le jour, si bien qu'un deuxième volume est sorti au Japon en juin 2024. Notons enfin qu'un autre spin-off, "Koizome Ryu Amegoromo", a aussi vu le jour là-bas en 2022, en restant inédit en France pour le moment.
Signalons tout de suite que, bien qu'Une nuit d'amour dans la ville antique se déroule dans le même univers que La sérénade du corbeau et possède des personnages communs, cette nouvelle oeuvre peut se lire de manière totalement indépendante, sans nuire le moins du monde à la compréhension. A Kyoto, on y découvre Kon Higashimikado, descendant d'une longue lignée d'exorcistes qui, parallèlement à ses études à l'université, entretient l'héritage familial, d'autant plus qu'il voit facilement les êtres venus d'ailleurs et qui sont invisibles au commun des mortels. Un beau jour, il aperçoit dans le ciel un démon à quatre cornes chevauchant un gigantesque squelette et, intrigué par cette fascinante apparition, entreprend de faire des recherches dessus. C'est dans ce contexte qu'il se voit confier par les siens une mission qui va faciliter ses recherches: aller réparer la barrière magique protégeant la Tour Kasumi, un bordel en forme de bateau réserve aux démons, afin que celui-ci reste protégé des êtres plus nuisibles. Accueilli avec les honneurs, logé et nourri, on lui dit même qu'il peut coucher avec qui il veut sur place ! Et quand il retrouve en ce lieu le fameux démon à quatre cornes, nommé Shiki, ancien prostitué, avec qui il a va entamer un lien un peu à part, jusqu'à sentir ses sentiments pour lui grandir. Mais dans un tel monde, une relation entre un humain (qui plus est un exorciste) et un démon est-elle possible ? Et qui est réellement Shiki, autour de qui plane tout un voile de mystère et qui semble vouloir atteindre un certain but ?
Tout comme La sérénade du corbeau, ce nouveau récit a de quoi vite capter l'attention grâce à sa petite part de mystères initiale autour de Shiki et, surtout, grâce à sa part surnaturelle exploitant à la fois les relations entre exorcistes humains et démons et certains éléments de la mythologie nippone, puisque le scénario va rapidement se développer autour du légendaire et célèbre chef démon Shuten-dôji. Toute les idées sont alors au rendez-vous pour nous intriguer et capter notre attention, d'autant plus que Sakuhiro soigne assez ses architectures et designs fantastiques sur le plan visuel, en plus d'offrir quelques personnages secondaires facilement attachants comme Gara, monstre géant squelettique pouvant aussi prendre l'apparence d'une fillette, et dont les origines sont intéressantes sur le papier.
Et pourtant, bien que l'histoire ait son charme à la base, et qu'on la suive jusqu'au bout sans le moindre déplaisir, on sent souvent que tout va un peu trop vite: il y a de quoi regretter le manque d'impact qu'ont finalement la plupart des personnages secondaires (Gara en tête, d'ailleurs), l'intrigue autour de la quête de Shiki manque un peu de substance, l'évolution sentimentale apparaît bien rapide... sentiment renforcé par des transitions et une écriture parfois un peu maladroites. Mais cette dernière impression est peut-être due aussi à une traduction qui n'apparaît pas toujours très naturelle et où il reste plusieurs petites coquilles ayant échappé à la relecture.
Pourtant, si l'on excepte ces petites soucis, l'édition française en elle-même n'est pas mauvaise. Malgré ses légères maladresses la traduction de Valentine Seyteur reste assez claire, le lettrage est assez propre, le papier épais et opaque permet une qualité d'impression correcte malgré quelques moirages, et la première page nous gratifie d'une jolie illustration en couleurs sur papier glacé.
Reste qu'à l'arrivée, ce one-shot, bien que plaisant à suivre, à un petit goût de trop rapide, de trop peu, d'un peu inabouti... peut-être que le deuxième volet, probablement prévu en France lui aussi, changera la donne ?