Tsugai - Daemons of the Shadow Realm Vol.1 - Actualité manga
Tsugai - Daemons of the Shadow Realm Vol.1 - Manga

Tsugai - Daemons of the Shadow Realm Vol.1 : Critiques

Yomi no Tsugai

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 06 Juillet 2023

Voici déjà 18 ans, depuis le lancement de son oeuvre la plus célèbre FullMetal Alchemist en 2005, que Hiromu Arakawa, devenue depuis une très grande dame du manga, fait le bonheur du catalogue des éditions Kurokawa en en étant la plus importante figure de proue. Au fil des années, l'autrice a pu nous séduire voire nous régaler avec des oeuvres assez variées, allant bien sûr de l'étonnant et maîtrisé mélange complexe de FMA à la fresque épique Arslan, en passant par la comédie autobiographique Nobles Paysans, la formidable tranche de vie Silver Spoon... et puis le plus anecdotique Hero Tales, citons-le quand même. Il n'y a donc rien d'étonnant à voir débarque chez l'éditeur, en ce mois de juillet si important avec l'arrivée de Japan Expo, la nouvelle série de la mangaka, qui se présente sans aucun doute comme le plus gros lancement de Kurokawa pour cette année 2023.

Née au Japon en 2021 sous le titre Yomi no Tsugai (littéralement "Tsugai des Enfers"), Tsugai - Daemons of the Shadow Realm est une série qui compte 4 volumes à l'heure où ces lignes sont écrites, et que Hiromu Arakawa dessine parallèlement à Arslan en ayant donc trois séries en cours actuellement (si l'on compte Nobles Paysans, qu'elle dessine de façon plus irrégulière). La série a vu la mangaka revenir dans le magazine qui l'a faite connaître, le Shônen Gangan de Square Enix, où elle avait publié bon nombre de ses premières oeuvres dont Fullmetal Alchemist et Hero Tales. Cela faisait une décennie, depuis les conclusions de FMA et de Hero Tales en fin d'année 2010, qu'elle n'avait plus rien publié dans ce magazine emblématique de sa carrière. Et pour son grand retour dans la revue, la mangaka a pu retrouver l'équipe éditoriale qui était la sienne à l'époque de FMA, ce qui est déjà de bon augure pour sa nouvelle oeuvre.

Série où Arakawa est seule aux commandes pour le scénario et le dessin, Tsugai nous immisce dans une époque du Japon qui, au premier abord, semble assez ancienne. Dans un village isolé niché au coeur des montagnes, tout commence par la vision mystérieuse de la naissance de jumeaux, où tandis que l'un est rapidement sorti du ventre de sa mère, on veut à tout prix éviter que l'autre n'arrive tout de suite. Visiblement promis à régner sur les mystérieux tsugai selon l'aïeule et cheffe du village, ces jumeaux sont voués à séparer le clair et l'obscur dans ce monde...
Des années après cette nébuleuse et intrigante introduction, l'un des jumeaux a bien grandi. Désormais adolescent, l'impétueux Yuru mène une paisible vie de chasseur auprès de sa mamie, entouré de ses quelques amis comme Danji, appréciant les venues au village du voyageur Dera qui parcourt les plaines, protégé par les forces surnaturelles des gardiens cardinaux qui veillent sur les lieux, et veillant lui-même avec attachement sur sa soeur jumelle Asa qui est recluse depuis sa naissance pour satisfaire un rituel divin. Tout aurait pu rester ainsi, si de mystérieux "dragons de métal" ne surgissaient pas soudainement sur les lieux, en scellant le destin du village, d'Asa et de Yuru...

Nous n'en dirons volontairement pas beaucoup plus sur les débuts du scénario de la série, et cela pour une raison: Hiromu Arakawa joue à fond la carte de la surprise, en amenant déjà son lot de rebondissements à chaque chapitre, au fil d'une intrigue où, à l'instar de Yuru, le lectorat navigue d'abord à vue en ne sachant pas trop à quoi s'attendre, avant que la dernière phase du tome n'amène quelques informations plus consistantes ainsi qu'un premier objectif plus clair pour le jeune garçon afin d'y voir plus clair. Pas de longue séquence d'exposition, donc: on découvre les choses en même temps que Yuru, et c'est surtout à travers son regard, dans le flot des rebondissements, que l'on voit s'installer le véritable univers de l'oeuvre, un univers ayant le mérite d'être assez original et déjà addictif en entremêlant un aspect traditionnel et folklorique (le village reculé, les tsugai apparentés à des sortes de yokai bienveillants ou néfastes...) à un côté beaucoup plus moderne que nous ne spoilerons pas. Sachez juste que Yuru voit soudainement tout ce qu'il pensait acquis s'envoler en fumée, qu'il a tout à découvrir d'un monde dont il ne connaissait finalement absolument rien, que lui et sa soeur sont visiblement promis à un grand destin, et qu'il est d'ores et déjà la cible de différents camps sur lesquels il ne sait forcément pas grand chose... Alors, à qui pourra-t-il faire confiance ?

Avec cette manière de raconter les choses et de devoir distiller à chaque chapitre de nouvelles données intrigantes pour constamment susciter l'intérêt sans le moindre temps mort, Tsugai, à l'image du manga Asadora! de Naoki Urasawa, s'apparente déjà à un véritable feuilleton où, un peu à l'instar des épisodes d'une série réussie, on a envie de tourner frénétiquement les pages. Concevoir un tel page turner efficace demande forcément une narration d'orfèvre, et à l'instar d'Urasawa sur Asadora! Hiromu Arakawa, riche d'une grande expérience dans le domaine, se montre impeccable sur ce plan-là. Sur ce premier tome, Tsugai est un véritable exemple de narration maîtrisée, où tout semble couler de source dans un rythme constant et avec une limpidité exemplaire. On assimile avec clarté chaque nouvelle donnée installée, tout en restant accroché aux aspects mystérieux du récit et en découvrant une palette de personnages dont on cerne déjà très bien les rôles et les possibles nuances, puisque plusieurs visages restent clairement ambigus et auront sans nul doute leurs parts de clarté et d'obscurité. Le côté aventure et la part de violence (surtout dans les premières dizaines de pages, où la brutalité des choses colle bien à la soudaineté des événements) sont contrebalancés par de régulières notes d'humour bien dosées (notamment parce que Yuru, Dextre et Senestre méconnaissent totalement le monde), et le dessin appuie bien les qualités: les designs assez typiques d'Arakawa brillent par leur expressivité (chaque personnage a vraiment ses propres mimiques) et par leurs allures bien différentes, le découpage est d'une grande limpidité y compris dans les instants d'action, et le bestiaire des tsugai tout comme les décors se veulent suffisamment riches et précis.

A l'arrivée, autant le dire clairement: le tome 1 de Tsugai fait partie de ces débuts de série hautement divertissants et totalement emballants, qui happent dès les premières pages pour ne plus nous lâcher, tant la maîtrise narrative, visuelle et scénaristique de la mangaka est là. Dans un registre aventure/action rapprochant la série de FMA, mais dans un univers bien différent, Hiromu Arakawa hissera-t-elle Tsugai au même niveau que son oeuvre la plus culte ? C'est tout ce que l'on espère après ce premier tome brillant !

Au niveau de l'édition, on retrouve l'agréable petit format shônen de Kurokawa avec un papier souple, assez épais et bien opaque, une excellente qualité d'impression, cinq premières pages en couleurs limitées au premier tirage, un lettrage très bien adapté de la part de Tomoko Bénézet-Toulze, et une impeccable traduction signée Fabien Vautrin et Maiko_O qui régalent de par le naturel et le dynamisme des dialogues.

Enfin, signalons que, pour lancer comme il se doit ce nouveaux gros morceau de son catalogue, l'éditeur a choisi de concocter une édition collector de l'oeuvre dès son premier volume. Celle-ci prend la forme d'un joli petit coffret fermé de chaque côté, joliment illustré aux couleurs de la série et conçu en carton suffisamment épais, à l'intérieur duquel on trouve le tome bien sûr, mais aussi un ex libris à l'effigie de certains personnages de la série, et surtout un beau médaillon en bois de fort bonne facture ayant le mérite d'avoir été fabriqué en France. Rien de forcément indispensable, d'autant plus que ce coffret coûte quand même 14,95€ donc 7,75€ de plus que l'édition simple, mais la qualité est là.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs