Trillion Game Vol.1 - Manga

Trillion Game Vol.1 : Critiques

Trillion Game

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 07 Septembre 2022

Ryoichi Ikegami a beau être un mangaka cultissime, dont la carrière dure depuis plus d'un demi-siècle et dont la bibliographie est très étoffée, le fait est que cela fait de nombreuses années qu'il n'est quasiment plus édité chez nous, si l'on excepte quelques surprises de temps à autre, comme Mob - Shinigami sorti chez Black Box il y a quelques mois. C'est donc avec un intérêt certain que l'on voit les éditions Glénat avoir l'excellente idée de le relancer dans notre pays en ce mois de septembre, avec deux oeuvres, l'une étant une nouvelle édition au format Perfect de Sanctuary (l'un des mangas de mafieux les plus célèbres du duo Ikegami/Buronson, et l'autre étant une oeuvre plus récente et jusque-là inédite en France: Trillion Game. Lancée au Japon fin 2020 dans les pages du Big Comic Superior de l'éditeur Shôgakukan (magazine ayant vu passer pas mal de série d'Ikegami dont Sanctuary, Strain et Crying Freeman), l'oeuvre est la première collaboration du dessinateur vétéran avec un scénariste bien connu: Riichiro Inagaki, celui à qui l'on doit les succès EyeShield 21 et Dr.STONE. Il s'agit, par ailleurs, du tout premier récit d'Inagaki plus adulte et estampillé seinen.

Le pitch de base de cette nouvelle série est assez simple: deux amis de lycée, en voyant que la capitalisation boursière de trois grands géants (Google, Amazon, facebook) représente un trillion de dollars, se sont fixés un objectif dingue: monter une entreprise qui accumulera à elle seule ce trillion, pour pouvoir obtenir tout ce que le monde a à offrir. Le récit démarre d'une manière assez originale puisque l'on sait dès les premières pages qu'ils sont déjà dans le top 10 des hommes les plus riches de la planète. pourtant, à l'heure où Gaku, le génie en informatique du duo, s'installe à Odaiba dans une grosse baraque tape-à-l'oeil avec sa secrétaire Mizuki, il a toujours en tête que toute cette richesse, toute cette gloire n'étaient pas forcément ce dont il rêvait dans son adolescence, lui qui désirait juste gagner suffisamment pour mener une petite vie heureuse dans une maison en bord de mer avec un chien et une épouse aimante. mais son binôme est passé par là: Haru, un homme qui semble son exact opposé en matière de sérieux, d'intelligence et de compétences, mais qui a toujours eu pour lui une ambition et un culot monstres.

Ce premier volume nous invite alors à suivre les premiers pas du duo d'amis pour fonder leur entreprise après différents échecs en entretien d'embauche, l'un à cause de son manque d'aisance à l'oral malgré ses capacités, et l'autre parce qu'il n'en fait qu'à sa tête en ayant décidé de démissionner dès le premier jour après avoir pourtant été accepté grâce à ses talents oratoires. Toute cette phase pose, d'ailleurs, très bien l'étonnante complémentarité entre les deux garçons, car tandis que Gaku a surtout son intelligence, son sérieux et son génie en informatique pour lui, Haru, lui, est avant tout un beau-parleur, très calculateur, sans limite morale, on ne peut plus doué dans les impostures et les belles paroles pour se mettre les gens dans la poche. Séparément, ils ne valent pas forcément grand chose, mais ensemble ils forment un duo détonnant. Un duo qui, à termes, se révèlera même assez soudée et un brin touchant, ne serait-ce que, parce que derrière ses ambitions folles parfois agaçantes, Haru témoigne d'une profonde confiance envers Gaku (la scène de la montre, vers la fin du tome, en est un bon exemple), et c'est bien cette confiance qui permet peu à peu à Gaku de gagner plus de confiance en lui, car il a quelqu'un qui croit en ses capacités après tous ses échecs en entretiens d'embauche.

C'est donc un duo certes assez caricatural mais plutôt prometteur que l'on suit ici dans leurs premières manigances pour fonder leur entreprise. Monter une start-up sans avoir de secteur d'activités précis (ce qui ne pose aucun souci à Haru), chercher des investisseurs en faisant jouer la concurrence quitte à monter un faux business plan, à mentir ou à manipuler les choses à leur avantage (en tête les promesses de financement de l'exquise mais vénéneuse Kirika, fille d'un PDG de banque qui n'est pas du genre à se laisser faire derrière ses allures de petite princesse bourgeoise),et enfin tâcher de briller dans un concours de hackers dans lequel ils misent déjà tout. C'est plutôt intéressant, surtout quand les auteurs font appel à une bonne part de cynisme autour des manipulations, mensonges et autres vices du business, mais malgré tout il sera possible de rester un peu sur sa faim pour le moment, puisque les premières étapes apparaissent étonnamment faciles voire parfois plutôt rushées.

Sur le plan visuel, retrouver le trait adulte et rigoureux d'Ikegami, immédiatement identifiable, est toujours un plaisir, même si l'on sent que le dessinateur a des baisses d'intensité parfois dans les designs (par moments irréguliers) et dans les fonds (parfois plutôt vides). Après tout, à 78 ans à l'heure où ces lignes sont écrites, difficile pour l'illustre artiste vétéran de maintenir le même niveau qu'autrefois, et l'on peut plutôt dire qu'il s'en sort très bien pour son âge, certains visages de face et silhouettes en gros plans sur d'assez grandes cases étant même saisissants.

Malgré quelques éléments trop faciles/rushés, Trillion Game pique la curiosité grâce à son binôme principal, et surtout grâce à son concept qui, au vu du cynisme déjà régulièrement présent, pourrait développer quelque chose d'assez dénonciateur vis-à-vis de ces milieux-là. Affaire à suivre, donc !

Quant à l'édition, malgré un papier fin et peu agréable à manipuler elle est convaincante: pas de transparence, une impression d'honnête facture, un lettrage soigné de Clair obscur, une traduction claire d'Akiko Indei et Pierre Fernande, et une jaquette sobre restant très proche de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs