Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 21 Juillet 2025
C'est une nouvelle qui était espérée depuis un paquet d'années: le manga culte Trigun Maximum de Yasuhiro Nightow (Blood Blockade Battlefront) s'offre enfin, à partir de ce mois de juillet, une nouvelle édition française chez Delcourt/Tonkam !
Initialement éditée par Tonkam en France dans les années 2000, cette série en 14 volumes était devenue introuvable en neuf dans notre pays depuis bien longtemps. Il y a donc de quoi accueillir avec joie, à partir de cet été, cette édition perfect qui prendra la forme de sept tomes doubles de près de 400 pages chacun, le tout avec couvertures rigides. Seul ombre au tableau : pour des raisons contractuelles, et même s'il n'exclut pas de la ressortir aussi un jour s'il le peut, l'éditeur n'a pas pu inclure ici Trigun, série en deux tomes lancée en 1995, que l'auteur avait dû abandonner en 1997 suite à la disparition de son magazine de prépublication, et dont Trigun Maximum est une suite directe se déroulant deux ans plus tard.
Prépubliés au Japon entre 1995 et 2007 chez Tokuma Shoten puis Shônen Gahosha, Trigun et Trigun Maximum ont donné naissance à plusieurs adaptations animées: le premier anime culte de 1998, le film Trigun Badlands Rumble en 2010, le nouvel anime Trigun Stampede en 2023... sans oublier l'arrivée en 2026 de Trigun Stargaze, dont l'histoire est vouée à se dérouler deux ans et demi après la fin de Trigun Stampede, et qui nous prouve que la licence est toujours dans le coeur de nombreux fans trente ans après sa création.
L'œuvre nous immisce sur une planète rendue très aride voire désertique par ses deux soleils. En ce lieu en proie aux sécheresses les plus violentes, l'espèce humaine tâche de survivre autant que possible. Et si la majorité des habitants tâchent de vivre dans l'harmonie et l'entraide, il subsiste malgré tout un certain nombre d'individus moins scrupuleux et sans foi ni loi. C'est dans ce contexte à mi-chemin entre Mad Max et les westerns (qui plus est les westerns spaghetti, au vu de l'ambiance générale) que nombre de personnes n'ont quasiment qu'un nom à la bouche: celui du typhon humain, Vash the Stampede, porté disparu depuis deux ans. Ennemi public numéro 1 avec une prime de 60 milliards de dollars pour sa tête, on dit de lui qu'il s'agit d'un démon qui aurait réduit en cendres une des sept villes de ce monde, et que juste avant de disparaître il aurait été impliqué dans l'affaire "Fifth Moon" ayant abouti à l'apparition d'un gigantesque trou dans la Lune. Deux ans après ces événements, personne ne sait encore que Vash, dont l'identité est régulièrement usurpée par des bandits de grand chemin, vit tranquillement sous un nom d'emprunt auprès des personne qui l'ont recueilli et soigné. Mais quand Nicolas D. Wolfwood, un prêtre aux méthodes peu académiques qui le connaît bien, retrouve enfin sa trace et l'informe que le dénommé Knives est de retour, le visage léger du typhon humain s'assombrit soudainement, e tle voici bientôt poussé à reprendre les armes et à renfiler son iconique manteau rouge...
Quant on ne connaît pas du tout le premier manga en deux tomes (et c'est là le problème de ne pas avoir pu rééditer Trigun avant Trigun Maximum) soudainement stoppé suite à l'arrêt du magazine de prépublication et au changement d'éditeur au Japon, la première moitié de ce premier volume double de Trigun Maximum peut vraiment faire un drôle d'effet, car il s'agit véritablement à la fois d'un opus de transition et de remise au point. Transition, car Nightow a dû s'appliquer à relancer la machine sans ignorer les événements de Trigun, d'où le fait que Vash a disparu pendant deux ans en plein coeur du scénario, tout comme la saga fut mise en stand-by durant deux années à l'époque. Et remise au point car, inévitablement, l'auteur se devait de rappeler toutes les bases de son récit à un nouveau lectorat qui n'aurait pas pu connaître la première série, du fait de son interruption. Cela donne une première partie de tome à la fois un peu bancale mais nécessaire, où l'on sent que la démarche est inévitablement un peu forcée, mais où le mangaka s'en tire néanmoins assez bien en proposant d'abord des premières petites affaires où les ennemis ne font pas le poids et où le côté impitoyable de cette planète aride nous est bel et bien rappelé... le tout, avant que les choses sérieuse ne reprennent réellement avec la reprise de la lutte contre le dénomme Knives et, en premier lieu, contre les bandits qu'il a engagés pour éliminer Vash: les Gung-Ho-Guns, dont notre héros avait déjà vaincu trois membres dans le premier manga, et qui ont chacun une spécialité: combat au sabre, manipulation de marionnettes... le tout étant voué à offrir sur le papier des duels assez prometteurs face à Vash et ses flingues.
Bien que le déroulement soit classique dans la deuxième moitié du tome, avec deux premiers affrontements contre ces fameux Gung-Ho-Guns dont un qui nous laisse en plein suspense là où tout a commencé, et même si on sent que Nightow tâtonne encore dans ses découpages de l'action un peu fouillis, il n'en reste pas moins que l'on se laisse largement prendre au jeu, tant il est évident que l'auteur se fait plaisir de façon communicative. Ici, ses character-designs séduisent autant dans l'expressivité que dans les vraies "gueules" des personnages. Là, la peinture de l'univers nous offre de multiples influences entre western et science-fiction pour un résultat très cinématographique (jusque dans les clins d'oeil à certains films) et où on se régale face à certains designs directement marqués par ces influences (la locomotive des sables, par exemple). Partout, ça pétarade dans un chaos délicieux et avec une pointe d'humour typique de l'auteur (notamment car Vash, malgré le contexte, peut régulièrement être très léger voire un peu "bouffon" dans son comportement). Et surtout, au fil des pages, Nightow sait régulièrement intriguer sur son personnage principal, dont on dit qu'il ne vieillit pas, qu'il vit hors-du temps, et qu'il a des capacités surhumaines... Alors, le typhon humain est-il vraiment humain ? Une chose semble pourtant sûre: il apparaît souvent plus humain que certains en souhaitant ne jamais avoir à tuer... ce qui pourrait finir par lui jouer des tours à travers celui qui est à la fois une sorte d'allié et un homme aux valeurs totalement opposées à lui: Wolfwood, qui n'hésiterait jamais à tuer ses ennemis s'il le fallait (il le prouvera déjà), dont on se demande volontiers ce qu'il mijote exactement, et qui signale bien à Vash qu'un jour, sa façon d'être pourrait le placer face à des choix douloureux, sans doute car il s'imagine le monde plus beau qu'il n'est...
Pas forcément facile à appréhender dans un premier temps si l'on ne connaît rien à l'univers imaginé par Nightow, ce premier volume double de Trigun Maximum voit néanmoins l'auteur s'en sortir assez bien pour à la fois reposer les bases et le contexte de son oeuvre, et la relancer sans trahir la continuité du premier manga Trigun. Le résultat est à la fois légèrement bancal (en nous rappelant encore qu'il aurait été parfait de pouvoir rééditer le premier manga avant Maximum) et de plus en plus prometteur au fil des pages, en nous laissant surtout sur une idée: celle que le meilleur reste à venir dans ce manga devenu un incontournable du genre.
Concernant, enfin, cette édition dite "Perfect", on a un objet assez satisfaisant pour un prix de 15,99€, quand bien même certains détails pourront faire tiquer: le format rigide ne plaira pas à tout le monde car le confort de lecture s'en retrouve toujours amoindri, quelques petites coquilles d'inattention dans les textes sont passées sous le radar de la relecture, et surtout il y a de quoi être agacé de constater que l'impression a été réalisée à des milliers de kilomètres de chez nous, à savoir en Chine. Néanmoins, il y a un vrai côté beau-livre avec ce format, la reliure plus luxueuse que la moyenne, le signet marque-page, et la couverture affichant en métallique doré le logo-titre et la silhouette de Vash sur un fond rouge rappelant la couleur de son symbolique manteau. A l'intérieur, l'éditeur a eu la bonne idée de proposer en ouverture des pages couleurs reprenant les jaquettes de la première édition française de Tonkam, pour un petit effet nostalgique garanti. Egalement, la traduction de Daniel Andreyev est assez fluide malgré quelques tournures de phrases moins naturelles, le lettrage de Tomiko Benezet-Toulze est plutôt convaincant dans l'ensemble, l'impression est propre, et le papier est à la fois souple, opaque et bien blanc.