Toutes nos condoléances Vol.1 - Actualité manga

Toutes nos condoléances Vol.1 : Critiques

Maido o Shū shō-sama

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 04 Décembre 2013

Rares sont les oeuvres japonaises qui ont osé évoquer de face les métiers liés à la mort. On peut citer le superbe film Departures de Yojiro Takita, ou encore la tentative ratée qu'est Epitaph côté manga, mais de manière les métiers de la mort, vus d'un mauvais oeil au Japon, restent très rarement abordés. Alors quand on voit arriver un manga comme Toutes nos condoléances, qui nous offre en personnage principal un jeune homme devenu récemment croque-mort, on est forcément intrigué.

Toutes nos condoléances, c'est donc l'histoire de Jirô Mito, qui, après avoir raté ses examens d'entrée à la fac, est contraint d'intégrer l'entreprise familiale aux côtés de son père, bien qu'il n'en ait aucunement l'envie. Et pour cause : l'entreprise n'est autre qu'une petite société de pompes funèbres, le genre de travail qui vaut à ceux qui l'occupent d'être rejetés par tous. Au fil des missions, Jirô va pourtant être amené à changer de mentalité vis-à-vis de son travail, beaucoup plus humain qu'il ne le pense...

Les premiers chapitres se consacrent à des missions typiques : quelqu'un est mort, les endeuillés téléphone aux pompes funèbres, et Jirô doit alors s'occuper d'organiser tout l'après-mort, du cercueil jusqu'à la cérémonie funèbre. C'est l'occasion pour lui d'expérimenter les difficultés propres à son travail : faire face aux morts qui sont parfois atroces (l'exemple du cadavre retrouvé en mer), rester sobre face aux endeuillés pour éviter de leur manquer de respect... et se prendre des remarques parfois très dures à encaisser de la part des personnes endeuillées, qui voient dans ces croque-mort profitant du malheur d'autrui pour s'enrichir.

Des premières épreuves difficiles pour Jiro. Mais au-delà des premières impressions néfastes, le jeune homme va peu à peu se rendre compte que son travail est tout ce qu'il y a de plus naturel (heureusement qu'il y a des croque-mort), et, surtout, qu'il peut revêtir une portée très humaine. Cela, Jirô le ressent surtout en faisant la connaissance des familles endeuillées, dont il doit cerner le caractère, et dont il est amené à percer certains secrets avec, à la clé, l'arrivée d'un moyen pour les aider à s'en sortir. Ces petites histoires de famille ne sont clairement pas le point le plus approfondi de la série : ils se basent sur des éléments très classiques (parents divorcés, problèmes sentimentaux...) et abordés de manière banale avec conclusion prévisible... mais le tout suffit à souligner l'humanité qui se cache derrière chacun, et fait prendre conscience à Jirô que son travail est essentiel et peut même être bienfaisant.

Evidemment, l'oeuvre ne se contente pas de décrire des croque-morts et des deuils, et s'intéresse aussi à la vie même de Jirô et de son entourage. Et là aussi, tout est très classique, mais bien mené. Ainsi, la première histoire est l'occasion pour Jirô de retrouver son amour de lycée, Shiori, jolie jeune femme devenue infirmière et qui deviendra ensuite un personnage récurrent et essentiel de la série. Au sein de la petite entreprise familiale, c'est pour l'instant le père de Jirô qui se dégage du lot : rustre et donnant souvent l'impression d'être à la limite de l'incompétence, il est un homme bourru qui apporte pas mal de notes d'humour, mais pas que, car si Jirô entretient avec lui une relation houleuse en partie due à l'échec de sa vie de famille, il aura plusieurs occasions de voir que cet homme peut être fiable et lui aussi très humain et compréhensif (la raison l'ayant poussé à dépenser toute une paie au pachinko en est un bon exemple). En ce qui concerne les deux autres membres de l'entreprise, pour l'instant ils sont malheureusement assez discrets, et on espère donc les voir un peu plus dans le deuxième tome, notamment le vieux Muto, sorte de mentor qui a connu plusieurs générations dans l'entreprise, et qui pourrait donc bénéficier d'un background intéressant. Enfin, les deux derniers chapitres voient débarquer le traditionnel rival, Mizumoto véritable cliché du beau gosse séducteur, ambitieux et ultra prétentieux, et donc exemple même du personnage que l'on prend dès le départ un plaisir fou à détester ! Le bonhomme est évidemment extrêmement cliché, et l'auteur en joue pour apporter encore un peu plus d'humour. Et s'il est cliché, il évite heureusement l'écueil du rival amoureux (puisqu'il se fait très vite remballer par Shiori, ouf) pour plutôt être un redoutable rival professionnel, amenant l'auteur à jouer sur une opposition entre grande entreprise nationale ambitieuse et petite société familiale.

Si le métier de croque-mort est au coeur de l'oeuvre, il n'en est donc pas le seul élément important, et évite totalement d'être pesant puisque les aspects plus tranche de vie/quotidien/comique décrits précédemment équilibrent la balance. Il y a toutefois la fin du tome qui laisse un peu plus circonspect, car elle s'éloigne un peu plus du thème des pompes funèbres pour faire dans l'humour basique appuyé par la rivalité entre Jirô et Mizumoto. Espérons que cet écart un peu plus important ne soit que passager.

Pour revenir sur les clichés, il faut dire que Tobio Mizuno joue beaucoup là-dessus pour alléger sa série, un peu à la manière de ce qu'a pu faire Rumiko Takahashi sur Maison Ikkoku (pour ceux qui connaissent, le caractère de Mizumoto rappelle d'ailleurs beaucoup celui de Shun Mitaka dans la série de Takahashi). La comparaison peut aussi être graphique, car Tobio Mizuno possède un style résolument simple, un peu old school (certains visages de loin de Jiro font d'ailleurs penser à Yusaku Godai, le héros de Maison Ikkoku), et une façon de raconter les choses qui va à l'essentiel. Mais cette comparaison s'arrête à peu près là, Tobio Mizuno ayant un trait tout de me^me beaucoup plus simpliste et caricatural : les visages comportent peu de détails et jouent sur des faciès un peu minimalistes (par exemple, les sourcils de Jiro ne sont rien d'autre que de gros traits noirs droits, les larmes sont souvent représentées par des lignes droites...). Les plus exigeants pourraient trouver ça trop basique, un peu vide et moche, mais dans les faits, c'est suffisamment expressif et ça colle bien à l'ambiance voulue par le mangaka.

Au final, Toutes nos condoléances a plus d'un tour dans son sac : un sujet rarement vu et joliment abordé dans ses difficultés, son humanité et son aspect essentiel, une ambiance bien équilibrée et qui évite très bien d'être pesante, et des personnages qu'on prend plaisir à suivre. Une très bonne impression à confirmer dans le deuxième et dernier volume !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs