Tomie - Intégrale (Mangetsu) - Actualité manga
Tomie - Intégrale (Mangetsu) - Manga

Tomie - Intégrale (Mangetsu) : Critiques

Tomie

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 20 Août 2021

Junji Itô est un auteur dont le succès chez nous est une sorte de paradoxe. Largement édité aux éditions Tonkam autrefois, ses ouvrages furent écartés du commerce par faute de ventes. Mais depuis, une fascination toujours plus forte pour ses récits s'est crée chez nous, au moins qu'une puissante demande naisse, faisant le jeu des spéculateurs sans vergogne. Pour les éditeurs d'aujourd'hui, une course aux droits était forcément entamée. Tonkam, aujourd'hui devenue Delcourt/Tonkam suite à sa fusion complète avec la branche manga de Delcourt, a pu conserver quelques parts du gâteau avec les récentes intégrales de Spirale et Gyo, et avec l'édition au format poche de La déchéance d'un homme, adaptation de l’œuvre littéraire d'Osamu Dazai par Itô. Mais c'est une autre maison qui remportera l'honneur de republier l'un des maîtres du manga d'horreur, le nouvellement arrivé Mangetsu.

Comme bien d'autres, Sullivan Rouaud, directement de collection chez Mangetsu, est fasciné par l'oeuvre de Junji Itô. La branche manga de Bragelonne acquiert les droits de nombreuses œuvres dont la très attendue « Itô Collection », qui a fait l'objet d'une adaptation animée il y a quelques années. Mais c'est par l'un des récits phares du mangaka que cette gamme d'ouvrages est entamée : Tomie.

L'histoire de cette œuvre remonte à 1986, quand Junji Itô n'était qu'un mangaka balbutiant fortement marqué par Kazuo Umezu, l'un de ses prédécesseurs dans le manga d'horreur. C'est avec la première histoire de Tomie qu'il participe au prix Umezu organisé par la maison Asahi Sonorama. L'auteur remporte une mention honorable, et son premier épisode de Tomie paraît en février 1987 dans la revue Gekkan Halloween, spécialisée dans les récits terrifiants à destination des lectrices. De ce point de départ, d'autres histoires seront publiées jusqu'aux années 2000, toutes regroupées dans trois volumes tankôbon puis réédités à plusieurs reprises. Ce récit de la jeune fille « immortelle » sera l'une des œuvres les plus connues de Junji Itô au point de grandement inspirer le cinéma d'horreur japonais avec une saga cinéma de neuf épisodes, tandis que le cinéaste français Alexandre Aja travaille sur sa propre adaptation. Le boucle est d'ailleurs bouclée puisque le réalisateur signe la préface de cette édition intégrale, de quoi rendre honneur à l'un des personnages emblématiques de la fiction horrifique nippone.

Dans cette intégrale, les vingt histoires de Tomie sont réunies, de quoi occasionner de belles retrouvailles avec le lecteur qui connait déjà la demoiselle et une superbe rencontre avec le nouveau lecteur. Il ne faut pas longtemps pour cerner le personnage dont l'aura trenscende la lecture, pas plus d'un chapitre en réalité. Tomie, c'est une demoiselle aussi belle que terrifiante, incarnation d'un égo sans limite dont le joli minois rend la gente masculune folle au point de pousser au pire acte de barbarie. Mais Tomie, c'est aussi une entité dont la force de la vengeance n'a d'égale sa manière de renaître et se réincarner, sans cesse et sans limite. On peut même dire que Junji Itô s'est plu, peu à peu, à repousser toujours plus loin les capacités de la femme fatale, jusqu'à en faire un véritable « fantôme » dont la finalité des actes sera l'épouvante de bien des personnages, mais aussi celui du lecteur.

Le pavé est dense puisqu'il flirte avec les 750 pages, mais le contenu ne créer jamais la lassitude. Junji Itô, comme s'il avait appris à mieux cerner et manipuler son personnage et ses mécaniques scénaristiques à chaque fois,, propose des histoires qui se renouvellent parfaitement, traitant des idées différents et enchainant les représentations de l'horreur, ce avec un seul antagoniste. Tomie, c'est aussi bien cette femme qui peut vous pousser au meurtre, mais aussi celle qui rend fou au point de faire des personnes qu'elles méprise les victimes des individus qu'elle envoute. Ceci couplé à ses capacités de duplication qui en font un spectre dont on ne peut se débarrasser, et on obtient une superbe anthologie horrifique consacré à un seul personnage qui fascine, captive mais terrifie.

Il ne faut alors pas chercher de fil conducteur dans Tomie, mais profiter des scénarios proposés de manière indépendante. Chaque épisode, c'est l'occasion pour Junji Itô de tenter un nouveau type de récit, et d'amener son horreur de manière différente. Pourtant, il tente parfois des semblant d'arcs narratifs, comme au tout début mais aussi dans les derniers chapitres, preuve qu'un fil rouge pouvait être tissé. Au final, la mise au second plan de ces intrigues ne gène aucunement puisque c'est pour Tomie que nous lisons l'ouvrage, plus que pour les figures qui gravitent autour d'elle et qui ne sont, pour le lecteur, que des cibles dont on pourra apprécier avec effroi le talent de la jeune femme pour les terrifier, torturer, et même faire sombrer dans la folie.

Le retour de Tomie, c'est l'occasion pour l'éditeur Mangetsu de lancer sa collection Junji Itô et se montrer sa proposition éditoriale en terme de fabrication d'ouvrage. Le rendu proposé constitue un superbe objet, que ce soit par la couverture matte dotée d'un effet de dorure à chaud écarlate, mais aussi le bon choix d'un papier fin mais de qualité pour une bible de plus de 700 pages. Le livre se tient bien et ne gênera que par son poid, aussi privilégiez un point d'appui avant de vous lancer dans l'horreur de Tomie.
On appréciera aussi la préface signée Alexandre Aja tout comme les notes de Junji Itô qui revient sur la création de l’œuvre, permettant d'avoir une vision de l'auteur en plus de notre expérience de lecteur. Une édition superbe donc, dont le prix (de 24,90€) semble totalement cohérent. A noter que les prochains ouvrages de la collection devrait garder ce style pour une homogénéité, et on ne peut que s'en réjouir.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs