Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 23 Août 2024
A la grande surprise d'Aoko puisqu'initialement il ne s'intéressait qu'à la conception de poteries blanches, Tatsuki a proposé à la jeune femme de peindre sa prochaine céramique. Et depuis, tous deux s'appliquent conjointement à concevoir cette nouvelle création, lui dans la fabrication de la forme, et elle dans la conception des vagues servant de motifs. C'est là le signe que les deux artisans travaillent de mieux en mieux ensemble et se rapprochent...peut-être même un peu trop au goût d'Aoko qui, depuis qu'elle a été abandonnée par Kumahei trois ans auparavant, ne veut plus tomber amoureuse par peur d'être à nouveau blessée. Alors quand notre héroïne accepte la proposition de Tatsuki d'aller visiter un musée de céramique,elle ne peut s'empêcher d'être encore plus troublée sur les intensions de Tatsuki. S'agit-t-il d'une simple sortie entre passionnés de poterie, ou d'un véritable rencard ?
Animant toute la première partie du volume, cette sortie ne manque jamais de nous captiver, pour plusieurs raisons. Ici, on adore observer les évolutions des deux personnages qui s'influencent en tant qu'artisans, Tatsuki commençant à s'intéresser plus aux motifs et Aoko aux formes. Là, Yuki Kodama nous séduit via certaines découvertes annexes, comme la ville d'Arita, son joli Parc de porcelaine, ou encore une carrière épuisée d'argile qui aurait été la première à avoir été découverte au Japon. Et surtout, on sent en permanence le rapprochement de ces deux-là, tandis qu'Aoko sent son coeur s'emballer à chaque fois que Tatsuki la frôle, le jeune homme,lui, montre qu'il se sent bien avec elle, en ouvrant de plus en plus son coeur, évoquant à nouveaux certains souvenirs de Finlande, de Haruma et des circonstance du décès de ce dernier. C'est un fait: sans que l'autrice, parfaitement maîtresse de chaque scène et de chaque case, n'ait besoin d'insister,on ressent pleinement qu'une complicité naturelle s'est installée entre eux, qu'ils sont de plus en plus unis parleur passion et par leurs sentiments... Mais pour qu'une avancée majeure entre eux puisse être ne serait-ce qu'envisageable, il faudrait qu'Aoko parvienne à laisser derrière elle son traumatisme sentimental lié à Kumahei.
C'est là tout l'enjeu personnel qui se dessiner dans la suite du volume pour la peintre: surmonter ses craintes, faire le point, laisser les déceptions passées derrière elle, tout en évitant que ça ait une influence sur leur travail commun, sont autant de choses auxquelles Aoko doit penser et qui sont brillamment écrites par l'autrice puisque, une nouvelle fois, aucun mot n'est de trop. Mais Kodama est loin de s'arrêter là dans l'abord de son héroïne et de sa relation avec Tatsuki. D'un côté, ses proches son aussi là pour l'aiguiller et, peut-être, lui faire prendre conscience de certaines choses: son maître lui fait remarquer qu'elle est très naturelle avec Tatsuki et qu'ils se sont bien trouvés côté travail, Shinobu les trouve toujours plus proches et a déjà compris de quoi il en retourne avant la principale concernée... De l'autre côté, Tatsuki lui-même multiplie les jolies attentions, a toujours plus envie de partager ses créations avec elle, avec une passion encore plus évidente quand on se rappelle que ce sont les cheveux d'Aoko qui lui ont inspiré le motif de vagues ondulantes. Et travail/art et sentiments restent, ainsi,subtilement et superbement liés dans la série, Kodama allant même jusqu'à esquisser de belles symboliques (mes vagues du coeur d'Aoko font écho aux vagues de son motif pour la nouvelle céramique de Tatsuki).
Ce volume est, ainsi, aussi ravissant et fin que ses prédécesseurs, voire même encore plus. Narrativement et scénaristiquement, tout coule de source chez Yuki Kodama. Et visuellement, la mangaka reste au sommet quand il lui faut mettre en lumière les petites gestes signifiants, les regards et réactions qui disent tout sans mots, et les cadrages où tout a du sens (même les directions dans lesquelles regardent Aoko et Tatsuki, témoignant des moments où ils s'éloignent ou se rapprochent), jusqu'à la perfection des trois dernières pages dans leur composition et dans leur avancée naturelle. Tout est maîtrisé, tout est beau: The Blue Flowers and the ceramic forest, c'est la quintessence de la romance entre adultes.