The Blue Flowers and the Ceramic Forest Vol.1 - Actualité manga
The Blue Flowers and the Ceramic Forest Vol.1 - Manga

The Blue Flowers and the Ceramic Forest Vol.1 : Critiques

Ao no Hana Utsuwa no Mori

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 16 Février 2024

Grâce aux éditions Mangetsu et à leur collection Life, ce mois de février est notamment marqué, côté manga, par le retour dans notre langue de la grande Yuki Kodama, mangaka auréolée de gloire avec le chef d'oeuvre Kids on the Slope (paru autrefois en France chez Kazé Manga), et que l'on avait ensuite retrouvé avec beaucoup de plaisir aux éditions Vega-Dupuis pour le très joli recueil Chiisaki Garden. Cette fois, la revoici avec The blue flowers and the ceramic forest, série en dix volumes dont le nom original est Ao no Hana, Utsuwa no Mori (dont le titre international adopté par Mangetsu est une traduction fidèle), et qu'elle dessina entre 2018 et 2022 pour le compte de l'excellent magazine Flowers des éditions Shôgakukan, magazine auquel elle reste fidèle pour toutes ses séries longues depuis le début de sa carrière.

Cette nouvelle tranche de vie nous immisce à Hasami, petite ville de montagne nichée dans la préfecture de Nagasaki sur l'île de Kyûshu. Il a beau ne compter qu'environ 15 000 habitants, ce bourg est internationalement connu pour sa production de porcelaines de qualité lancée il y a quelques siècles, et c'est précisément le sujet de l'oeuvre. A côté des plus gros ateliers de poterie de la ville, il y en a aussi des plus petits, et c'est dans l'un de ceux-là que travaille Aoko Baba. Âgée de 31 ans, elle est née et a grandi dans cette ville de montagne, ses parents et grands-parents on tous travaillé dans le milieu de la poterie, et elle-même adore dessiner depuis toute petite, si bien que devenir peintre sur porcelaine a toujours été une évidence pour elle. Passionnée, elle vit avant tout pour ça, quand elle ne se plaît pas à dessiner ce qu'elle voit dans la nature (les plantes, entre autres, peuvent être une excellente inspirations pour ses motifs à peindre) ou qu'elle ne se gave pas de sucreries dont elle raffole !

Les choses auraient pu s'arrêter là, mais voici que l'arrivée d'un nouvel employé à l'atelier va bousculer son quotidien. Tatsuki Manabe, 27 ans, est là principalement pour travailler sur l'émaillage et, surtout, est revenu de l'étranger (de Finlande, pour être précis) pour réapprendre les bases du métier, et compte repartir dans un an quand il en aura suffisamment appris. Ce véritable beau gosse enflamme déjà le coeur de certaines collègues d'Aoko, mais Tatsuki le leur rend de manière étonnamment froide: très distant, peu loquace, voire un peu cassant quand il parle, il va également se montrer borné dans certaines idées artistiques, et s'attire même d'emblée les foudre de notre héroïne en disant, sur un ton pouvant paraître hautain, qu'il n'a aucun intérêt pour la peinture sur porcelaine, la jeune femme ayant alors le sentiment que l'on rejette tout ce qu'elle est...

Les tranches de vie possiblement romantiques où tout commence mal entre deux personnages principaux a priori opposés, c'est loin d'être nouveau, mais Yuki Kodama a cette expérience, ce don narratif et visuel qui nous emporte immédiatement, dès l'emballante première page où Aoko chante en voiture en se rendant au travail, avant de se passionner pour un dessin de plante sur les pages suivantes. Ca a le mérite d'être entraînant dès le début, pour que le récit, grâce à une narration toujours limpide et rythmée, ne nous lâche plus autour de la relation particulière qui va s'installer entre Aoko et Tatsuki au coeur de l'atelier de poterie. Ainsi, tout en nous plongeant soigneusement dans l'art de la création de poteries via l'esquisse des étapes essentielles (tournage, cuisson, émaillage, peinture...), Yuki Kodama prend soin de poser des premières bases solides autour de ses protagonistes: entre une Aoko qui montre souvent sa passion et qui adore la peinture sur porcelaine, et un Tatsuki bien plus renfermé voire désagréable dans sa franchise et n'ayant pas d'intérêt pour la peinture, on a deux personnalités très opposées, cette opposition allant même jusqu'à de grosses divergences et une petite compétition pour l'élaboration de soliflores à l'occasion de la fête du printemps. Et pourtant, ce que la mangaka distille petit à petit sur les possibles facettes plus douloureuses de Tatsuki interpelle déjà très bien à la fois Aoko et le lectorat. Pourquoi le jeune homme dresse-t-il un tel mur entre lui et les autres ? Quelques petits indices sont esquissés pour susciter de plus belle l'envie d'en découvrir plus sur lui. Et en attendant, il y a aussi autre chose qui interpelle Aoko: dans le fond tout aussi passionné qu'elle mais d'une autre façon, Tatsuki montre de grandes qualités dans son art, au point de complètement fasciner voire hypnotiser la jeune femme quand elle regarde ses mains donner forme à de somptueuses céramiques blanches.

Et c'est peut-être précisément sur ce point que Yuki Kodama nous séduit le plus: avec son dessin précis, clair et raffiné, et à grand renfort d'une documentation précisée en fin de tome, on la voit dessiner avec passion ses personnages en plein acte créatif: que ce soit Tatsuki dans la mise en forme de ses céramiques ou Aoko dont la peinture de motifs très minutieux pour lesquels elle se creuse beaucoup la tête, on les observe avec beaucoup d'admiration dans leur artisanat, tant il y a une précision du geste que l'autrice rend parfaitement.

Difficile pour nous, alors, de ne pas ressortir largement séduits par ce premier volume, et de ne pas avoir envie de vite se ruer sur le deuxième tome qui est paru simultanément. Sur un sujet assez spécifique et joliment emballé tant dans les dessins que dans la clarté narrative et dans les enjeux qui s'installent autour des principaux personnages, cette mangaka de grand talent n'a aucune difficulté à nous emporter d'entrée de jeu !

Qui plus est, Mangetsu a tâche de proposer une édition qualitative, et qui attire facilement l'oeil avec sa jaquette garnie de motifs en vernis sélectif et dotée d'un très beau logo-titre imaginé par Haikel "Luchisco" B., le tout dans la couleur bleue représentative de la série et de Hasami. Et à l'intérieur, le papier souple et bien opaque permet une très bonne qualité d'impression, le lettrage de Corinne Luijten est très soigné, et la traduction assurée par Mathilde Vaillant est naturelle et colle très bien à la tonalité ainsi qu'au sujet de l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs