Terukan Boys : Critiques

Terukan Boys

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 27 Avril 2023

Le tout début d'année 2023 a vu le catalogue des éditions Doki-Doki s'enrichir d'un nouveau one-shot: Terukan Boys, un récit qui fut initialement prépublié au Japon prépublié pendant l'année 2020 dans les pages du magazine Spirits des éditions Shôgakukan. Il s'agit de la première publication française d'un auteur pourtant loin d'être débutant, puisque Yû Nakahara poursuit sa carrière professionnel de mangaka depuis la deuxième moitié des années 1980, en ayant notamment signé pas mal de mangas orientés sport et action dans son pays d'origine.

Dans cette histoire d'environ 190 pages, tout commence par des toutes premières pages intrigantes, où trois hommes s'apprêtent à commettre un hold-up en prenant pour noms de code Erik, Ginger et Jack. Au vu de ces noms, les amateurs apprécieront le clin d'oeil au groupe de rock Cream, et ça n'a rien d'anodin puisque ces trois-là, amis d'enfance, formaient dans leur adolescence leur propre groupe de rock, les Terukan Boys. Le nom de leur groupe lui-même n'avait rien d'anodin, puisque "Terukan" design des boules de boue finissant par briller à force d'être polies, et que c'est exactement ce dont ils rêvaient: briller eux aussi, avec leur musique.

Mais la réalité, en devenant adultes, fut tout autre, et les "boules de boue" qu'ils étaient n'ont pas forcément réussi à briller, dès lors que chacun a dû prendre son propre chemin après l'adolescence, en laissant leurs rêves de jeunesse derrière eux. Satoshi a repris le garage familial, est de venu le père d'une adorable petite fille, mais se fait souvent reprocher par son épouse de glander un peu car les affaires fonctionnent moyennement. Ryôhei, lui, a un bon poste dans une grosse société d'assurance à Tôkyô, est célibataire et donc libre comme l'air, mais rentre du travail au bout du rouleau tous les soirs et doit subir les frasques d'un patron tyrannique, chose face à laquelle il reste trop passif, comme écrasé. Quant à Kôta, il vivote avec un mi-temps, peut compter sur sa copine pour l'entretenir même si cette situation ne peut pas durer éternellement, et a toujours au fond de lui le désir de produire un album, car il ne veut pas encore renoncer à ses rêves d'autrefois.

Nous voici donc face à trois exemples de trentenaires qui, sans être parmi les plus malheureux, sont chacun à leur manière pressés par les exigences de la société adulte, face à laquelle ils ne parviennent pas encore à s'élever, à réellement se sentir bien. Chacun d'eux a laissé quelque chose d'important derrière lui... Et ce quelque chose, ils pourraient bien enfin le retrouver, le récupérer, en redonnant vie aux Terukan Boys non pas pour la musique, mais pour commettre un hold-up de 30 millions de yens afin de sauver un ancien camarade de classe autrefois brimé mais brillant, Hamada, directeur général d'une société prometteuse qui a été forcé par des yakuzas à s'endetter...

Si l'intrigue reste simple dans le fond, et même trop simple en se précipitant quelque peu vers la fin, il y a quelque chose de particulièrement réjouissant dans cette histoire de pote s'improvisant braqueur pour en aider un autre, voire deux autres si l'on compte le yakuza Ao, lui aussi un ancien camarade de classe. Et si l'intrigue est prenante, c'est avant tout pour trois raisons, la première étant la narration assez astucieuse qui cherche à jongler entre trois époques: le passé à l'époque où nos héros étaient des adolescents portés par leurs rêves de jeunesse, les moments où l'on suit à petites doses le déroulement du hold-up, et surtout les passages plus longs où l'on suit ce qui a amené le trio à se lancer dans ce fameux braquage. Il y a ensuite le dessin, délicieusement old school malgré ses diverses petites inégalités, et suffisamment expressif grâce à des designs bien marqués, par exemple avec Satoshi et ses grandes oreilles. Et enfin, il y a ce côté "revanche sur la vie" qui se dégage chez ces hommes, ceux-ci devant apprendre à tirer un trait sur leur jeunesse et à réellement se prendre en mains au bout de ce hold-up. Même si bon, chacun se fera son avis sur la définition d'"être adulte" qui se dégage de ce final.

Malgré ses petites imperfection, Terukan Boys est un récit facilement emballant, qui a quelque chose d'assez frais, et que ne renierait pas forcément un certain Naoki Urasawa au vu des personnages, de la narration, de la patte graphique et du petit côté rock. Si vous êtes en manque des récits de l'auteur de 20th Century Boys, et à condition de ne pas non plus en attendre le même niveau de qualité, vous pouvez tout à fait vous laisser tenter par ce divertissement sympathique.

Du côté de l'édition française, c'est du tout bon pour Doki-Doki: la jaquette reste proche de l'originale japonaise, le papier suffisamment épais, opaque et souple permet une très bonne qualité d'impression, le lettrage du Studio Charon est très propre, et la traduction d'Arnaud Delage est impeccable en étant à la fois limpide, animée et assez naturelle.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs