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Spirale - Intégrale : Critiques

Uzumaki

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 07 Janvier 2013


« Je vais arrêter cette voiture rien que par la force de mon amour ! »
« Il y a des spirales…au fond de tes oreilles… »

Presque dix ans après sa première parution en France chez Tonkam, l’oeuvre phare du maître de l’horreur bénéficie d’une seconde édition en un unique gros pavé de plus de six cents pages. Il s’agit bien évidemment de Spirale, de Junji Ito.

Passée la magnifique couverture cartonnée, une édition irréprochable au papier glacé débutant par quelques pages couleurs s’ouvre à nous. L’unique reproche que l’on puisse faire à cette édition tient à un certain inconfort de lecture dû à la couverture rigide et au nombre important de page de l’ouvrage.

Kirié Goshima, personnage principal et narratrice omnisciente, débute son récit en surplombant Kurouzu, la ville ou siègera la folie, le chao et la désunion, la ville de la Spirale. Elle et son petit ami Shuichi vont être les témoins d’un phénomène qui débutera anodinement, presque invisible, avant de s’immiscer dans la vie de chacun et finir par prendre possession de la ville entière.
Un homme, le père de Shuichi, se comporte étrangement. Il passe ses journées enfermé dans une pièce dans laquelle il a amassé un nombre effarant d’objets en forme de spirale, et qu’il passe des heures à observer avec attention.
Une jeune fille tombe amoureuse de Shuichi et cherche par tous les moyens à attirer son attention, lui qui est le premier à repousser ses avances. Parallèlement, la cicatrice sur son front prend la forme d’une spirale, et croît de plus en plus.
Les cas se multiplient, toujours plus dérangeants, toujours plus fréquents, et plus rien ne semble bientôt pouvoir freiner l’influence de la spirale sur les habitants de Kurouzu.

Ces histoires plus ou moins indépendantes, qui finissent par se lier entre elles pour nous mener vers un final grandiose, sont avant tout des récits horrifiques. Des récits horrifiques, façon Junji Ito.
Le propre de l’horreur chez Ito est de nous proposer un environnement de base des plus sain et ordinaire. Dans ce lieu ordinaire, chacun est rassuré par la normalité environnante, par un cocon familial compréhensif et des amis dignes de confiance. Une fois ce décor posé, l’auteur entreprend d’y introduire une folie qui s’empare de ceux dont on est le plus proche, de ceux qui ont toujours été là pour nous orienter ou nous éduquer, et cela commence par la famille. Ito s’attaque aux repères les plus élémentaires et les plus solides que nous ayons pour les faire sombrer dans un gouffre insondable de folie irrémédiable, et c’est dans cette folie que notre inconscient, notre véritable « nous » se montre enfin à nu. L’unique entité intouchable est l’être aimé, que l’amour sauvera toujours des déboires que la spirale tente d’infiltrer dans son esprit.

Les dessins de l’auteur, uniques en leur genre, sont extrêmement fins et maîtrisés, ce que le grand format du manga met très bien en valeur. Ils parviennent à déranger le lecteur, non seulement par l’horreur qu’ils montrent, mais aussi par une façon de représenter les yeux et les expressions faciales détaillées et noircies des plus efficaces. Cette peur graphique, combinée à celle du scénario, crée immédiatement un sentiment de malaise chez le lecteur, une prouesse que l’auteur effectue d’ailleurs sans jamais (ou presque jamais) tomber dans le gore.

À la fin de l’ouvrage se trouve un essai d’un certain Masaru Satô, qui justifie à lui seul l’achat (et même le rachat) du manga. Celui-ci nous explique, pourquoi Junji Ito a écrit Spirale, ce que ce dernier à chercher à dire à travers son œuvre, et c’est criant de vérité. Selon lui, le manga à une vertu presque prophétique : il prévoyait qu’un jour, le capitalisme mènerai le monde à la catastrophe (c’est la crise actuelle). A travers un parallèle entre Spirale et le Capital de Marx, il nous explique que la Spirale EST le capital. Elle s’encre dans la société et obnubile un nombre toujours plus imposant de personnes de façon exponentielle, elle détourne des valeurs sentimentales et réelles, pour tout changer en données chiffrées, en résultats, en possessions. Le narcissisme et l’égoïsme se développent alors de façon irrémédiable, et le résultat, c’est notre société moderne (il prend l’exemple du Japon, mais c’est largement applicable à de nombreux autres états). Deux ans avant la parution de Spirale, en 1996, un certain Chuck Palahniuk publiait Fight Club ; en 2000, Frédéric Beigbeder publiait 99F. Spirale fait lui aussi partie de ces œuvres anti-capitalistes de la fin du vingtième siècle.

Un scénario aboutit et riche, une lecture à plusieurs facettes et des graphismes accrocheurs, le tout combiné à une horreur dérangeante et efficace, telle est la recette de Spirale. Non content d’être une référence en matière d’épouvante, ce chef d’œuvre de Junji Ito s’impose comme l’apogée de son art, un manga qui dans son genre, est tout simplement parfait.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Luciole21
19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs