Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 02 Juin 2023
Inquiet de voir "sa" Shut Hell s'assagir, Alfald a décidé de prendre les choses en mains pour pousser la combattante à retrouver toute sa rage: voici Yurul empoisonné par ses soins, et ses temps sont comptés avant que le poison, bien qu'indolore, l'emporte. Alfald affirme même que Shut Hell n'a plus aucune raison de s'intéresser au sort de Yurul, puisque son ennemi juré Harabal ,l'homme qu'elle s'est juré d'abattre, est en approche et est désormais presque à portée de main. Notre héroïne n'a pas d'autre choix que de s'élancer dans la forteresse mongole où Harabal doit arriver... mais est-ce plus pour le tuer, ou pour trouver le moyen de sauver Yurul ?
"Les choses que tu m'as enseignées m'ont sauvée."
Rapidement dans ce troisième volume, et après la mort d'un autre personnage de premier plan en guise de mise en bouche, c'est un affrontement au sommet qui arrive alors entre les deux ennemis jurés: Shut Hell et Harabal se font enfin face, en portant sur leur épaules toute la rage accumulée au fil de ces derniers temps pour lui et de plusieurs années pour elle. L'affrontement est rendu réellement épique par le dessin de Yû Itô, tant la mangaka enchaîne les planches bourrées de verve. Mais derrière le combat pur, il y a l'interrogation sur le cas de notre héroïne: comment Alfald l'avait senti, est-elle réellement encore une simple bête sauvage ne se mouvant et ne tuant que par désir de vengeance ? Et puis, comme l'affirme son ennemi, ressent-elle du plaisir à tuer, et le salut de ses défunts compagnons n'est-il alors devenu qu'un prétexte ? Derrière la mort que les deux ennemis jurés sèment tous les deux derrière eux et qui les fait se ressembler, sont-ils justement vraiment semblables, ou ont-ils des valeurs et des raisons de combattre bien différentes ? Il y a beaucoup de réflexions intéressantes ici, que ce soit sur la différence entre combattre pour le salut des morts ou combattre pour protéger les vivants, ou sur la manière dont Shut Hell, l'insaisissable et redoutable guerrière qui ne faisait autrefois aucun cas des morts qu'elles semaient a réellement été changée par Yurul, par ses enseignements et par l'affection qu'elle lui porte bel et bien.
Et pourtant, si ce duel est déjà passionnant à suivre autant dans son rendu graphique que dans ses pistes de réflexion, ce n'est rien à côté de la suite. Car dès lors qu'un événement tragique et, pour le coup, inattendu survient, Yû Itô, pendant toute la dernière partie du tome, semble réellement faire décoller son intrigue et en montrer toute l'ambition, avec un retour à notre époque bien senti, riche de sens pour mettre en valeur l'importance du passé (et des traces qui en restent, les écritures en tête) sur le présent. Et avec aussi, à la clé, de nouveaux développements on ne peut plus prometteurs.
Si les deux premiers volumes étaient déjà très bons, c'est avec ce troisième tome que Shut Hell décolle réellement. On suivra alors avec d'autant plus de passion la suite de la série, tant elle est portée ici par nombre d'excellentes choses: ses messages, ses visuels épiques, ses rebondissements puissants, et sa construction narrative qui confirme toute son ambition en connectant intelligemment deux époques séparées par nombre de siècles.