Shino ne sait pas dire son nom - Actualité manga
Shino ne sait pas dire son nom - Manga

Shino ne sait pas dire son nom : Critiques

Shino-chan wa jibun no namae ga ienai

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 12 Mai 2020

Shuzo Oshimi est un auteur qu'on apprécie de plus en plus en France, à juste titre tant ce dernier croque avec talent, et sur des pans différents d'histoire et de narration, la thématique de l'adolescence, et tout ce qui peut être lié à cette troublante période de la vie d'un individu.

C'est d'abord Akata qui ne permet de savourer tout le brio de l'artiste, avec la série Dans l'intimité de Marie, avant que Ki-oon fasse de l'auteur l'un de ces chouchous, d'abord avec l'excellent Les Fleurs du Mal, puis actuellement avec le déstabilisant mais fascinant Les liens du sang. Entre temps, Pika a aussi contribué à proposer les titres d'Oshimi chez nous, avec le récit vampirique et déroutant Happiness.

Aujourd'hui, et ce même si mettre la main sur le volume sera peut-être difficile étant donné les conditions actuelles liées au Covid-19, Ki-oon réitère en proposant un one-shot de l'auteur : Shino ne sait pas dire son nom. Derrière ce titre se cache le manga originellement publié sous l'intitulé Shino-chan wa Jibun no Namae ga Ienai, dont les 11 chapitres furent publiés dès 2011 sur le site Poco Poco de l'éditeur Ohta Shuppan, avant d'être compilés en un unique volume en décembre 2012. En terme de place dans la chronologie de Shuzo Oshimi, le titre fut publié en même temps que la deuxième partie des Fleurs du Mal, et en même temps que les débuts de Dans l'intimité de Marie.

A noter que cette histoire fut portée en film en prise de vue réelle en juillet 2018, au Japon, par le réalisateur Hiroaki Yuasa. Une adaptation sur laquelle nous reviendrons éventuellement davantage dans notre futur dossier consacré à ce one-shot.

La jeune Shino Oshima va vivre un grand jour : son entrée au lycée ! Elle est aussi euphorique qu'anxieuse, et à juste titre puisque Shino souffre de problèmes d'élocution, et a notamment du mal à prononcer son nom. Inquiète pour l'étape de présentation orale au sein de sa classe, elle voit ses craintes se concrétiser quand elle peine à donner son nom convenablement, provoquant les rires de ses camarades. Seule, souvent moquée, elle croise pourtant la route de celle qui pourrait lui apporter tout le réconfort dont elle a besoin : Kayo, une férue de rock'n roll qui a un caractère bien trempé, et souffre de ses propres problèmes d'ordre vocal...

Alors que Shuzo Oshimi traitait à l'époque du mal être de l'adolescence, mais aussi de la difficulté à trouver sa place dans la société durant cette période, dans Les Fleurs du Mal, il abordait avec Shino ne sait pas dire son nom une autre facette des problèmes qu'on peut rencontrer, lorsqu'on ets jeune, dans son rapport à autrui. Ainsi, Shino n'a pas d'amis, mais pas à cause de ses réflexions personnelles : Son soucis d'élocution en fait la cible idéale de moqueries, si bien que la demoiselle n'ose même plus faire le premier pas, préférant la solitude afin qu'on remarque son problème oral le moins possible. Il convient alors de souligner que l'auteur fait de ce récit une autobriographie très partielle. Car lui-même a souffert de ce type de problèmes durant son adolescence, chose qu'il aborde dans une postface passionnante, permettant de découvrir une facette supplémentaire de l'artiste.

C'est donc le quotidien de lycéen de Shino que le one-shot nous propose de suivre, la manière dont elle va vivre certaines moqueries, et comment elle parviendra, peut-être, à passer outre ses soucis d'élocution. Car plus qu'une histoire de persécutions scolaires, l'histoire proposée est un véritable récit d'amitié sincère, l'aventure de deux amies qui vont, par leurs liens, potentiellement dominer leurs soucis respectifs, et le discours rassurant d'un auteur qui cherche à encourager la jeunesse à surpasser leurs difficultés personnelles. Alors, l'intrigue est celle de Shino mais aussi celle de Kayo, une rockeuse dans l'âme dont on découvrira la passion et les problèmes intérieurs au fil des pages. C'est donc une véritable double intrigue qui nous est offerte, le lecteur étant amené à s'intéresser à l'héroïne comme à sa nouvelle amie, jusqu'à prier pour leurs épanouissements personnels qui deviendra l'enjeu majeur du one-shot.

Chose impressionnante, encore une fois, Shuzo Oshimi parvient à balayer différents sujets liés à l'adolescence, en un seul volume. Forcément, le tout est parfois succinct, la série ne comptant que 11 chapitres. Mais l'ensemble se veut finalement assez complet : l'artiste parvient à développer très efficacement son message, mener ses deux héroïnes là où il veut, instaurer un zeste de romance, décortiquer un sincère message optimiste, garnir son œuvre de belles touches d'émotion, et toujours sortir du lot avec une mise en scène tout à fait personnelle.

Car quand on parle de Shuzo Oshimi, il est toujours important d'indiquer sa manière de raconter ses histoires, qui varie d'une œuvre à l'autre, selon le scénario et le propos développés. Alors, l'auteur nous plonge facilement dans la psyché de Shino par toutes sortes de mises en scènes, allant des textes sortant des cases pour pointer le stresse de la protagoniste quand arrive doucement son tour pour se présenter oralement en classe, ou alors des focus en gros plan sur des faciès de Shino volontairement exagérés afin de souligner sa détresse, et instaurer une véritable pression faisant écho au ressenti du personnage principal. A chaque fois, les trouvailles de narration sont aussi efficaces que surprenantes, preuve que l'auteur parvient à nous surprendre aussi sur le format one-shot.

Du côté de l'édition, Ki-oon livre de nouveau une excellente copie. On retiendra évidemment le papier d'une belle épaisseur, mais surtout la couverture du même acabit que celles des Liens du sang, incluant un effet de grain très appréciable.
La traduction, elle, a été confiée au talentueux Sébastien Ludmann, qui a déjà prouvé son habilité à travailler les textes d'Oshimi avec sa série actuellement en cours.

Alors, Shino ne sait pas dire son nom a beau être une lecture assez courte, elle n'en demeure pas moins percutante. Abordant la différence dans l'adolescence à travers une idée qu'on voit peu décortiquée dans la bande-dessinée nippone, elle dresse un rafraichissant message d'optimisme et d'amitié, si bien qu'on regrette de devoir quitter Shino et Kayo au bout d'un one-shot. Une nouvelle pièce savoureuse, dense et intelligente menée par Shuzo Oshimi, dont on ne se lasse pas de découvrir l’œuvre au fil des mois et des années.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs