Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 21 Février 2022
Depuis que Kôdansha a repris les droits de la licence Shaman King, l'éditeur nippon fait de l'œuvre de Takei une véritable poule aux œufs d'or, de quoi contenter les lecteurs d'autrefois qui ont regretté la tragique issue de la prépublication du manga d'origine. Ainsi, en novembre 2018, le premier (et unique à ce jour) light novel de l'univers est publié. Intitulé Shaman King : Faust 8 – Eien no Eliza, celui-ci met à l'honneur le passé de l'un des alliés du héros, à savoir le nécromancien Johann Faust. Il est vrai que la figure est assez particulière, assez glauque de prime abord, avant d'avoir dévoilé une facette touchante de sa personne. Ce sont donc les événements dramatiques qui l'ont mené sur la voie du Shaman Fight qui sont relatés dans cet ouvrage.
Si Hiroyuki Takei dessine les quelques illustrations dont la couverture et la sublime page couleur d'amorce de roman, l'écriture est confiée à Kakeru Kobashiri, romancière et autrice surtout connue pour le light novel Grimoire of Zero et sa suite directe, Mahôtsukai no Reimeiki. Une écrivaine expérimentée donc, dans la fantasy notamment, et lui confier ce projet ne semblait pas être une idée saugrenue. L'été dernier, le récit a eu droit à sa version manga des mains de la mangaka Aya Tanaka, dont le second tome paraîtra prochainement au Japon, à l'heure où ces lignes sont écrites.
Chez nous, Shaman King connaît un destin assez similaire à celui japonais. En octobre 2019, plus de treize années après la parution du dernier tome chez nous, les éditions Kana annoncent une réédition du manga d'origine à partir de sa version retouchée et complétée par le mangaka. Non seulement les lecteurs auront le fin mot de l'histoire, mais Kana en profite pour annoncer au compte goutte les différents projets, que ce soit les suites ou les spin-offs lancés chez Kôdansha. Pas de doute, l'éditeur compte refaire de la série l'une de ses séries porteuses, pour le plus grand bonheur des fans d'autrefois, et peut-être des nouveaux lecteurs d'aujourd'hui. Et si le light novel connaît toujours un succès mitigé dans nos contrées, l'éditeur se penche assez rapidement sur ce fameux roman qui paraît en librairies en mars 2021. Kana choisit un titre littéral, celui de Shaman King : Faust 8 – Éternelle Eliza.
Se déroulant quelques années avant le Shaman Fight, l’œuvre nous présente la relation entre Johann Faust, loin d'être conscient de sa capacité à voir et manipuler les esprits, et Eliza. Lui est assez misanthrope et cherche à devenir médecin, et elle souffre d'une maladie qui pourrait, à terme, lui coûter la vie. Johann a donc un objectif : Être celui qui trouvera un remède pour soigner son amie d'enfance, dont il est amoureux depuis toujours. Dans leur quotidien, ils peuvent compter sur Wolfgang, leur ami conjoint aussi amoureux d'Eliza, mais que cette dernière éconduira. De ce triangle chaleureux aux drames qui bouleverseront le destin de Faust et Eliza, voilà le parcours que s’apprête à nous conter Kakeru Kobashiri.
L'écrivaine se frotte donc à un exercice délicat, celui de créer une histoire développant un passé de personnage que nous connaissons depuis bien des années déjà. L'histoire de Joann Faust est tragique, et c'est ce qui le mena à concourir lors du Shaman Fight, à devenir l'un des premiers ennemis de Yoh, puis un allié qui, bien que mis en retrait, aura un rôle non négligeable et un accomplissement lourd de sens. Cette finalité, d'ailleurs, trouve un sens encore plus profond par ce roman qui, derrière aspect qui paraissent un peu faciles, cachent de vraies subtilités.
Ainsi, le récit narré est d'abord celle d'un triangle amoureux de déroulant dans l'Allemagne des années 80. Car il y a Faust et Eliza d'une part, deux amis d'enfance destinés à tomber éperdument amoureux l'un de l'autre, puis un nouveau venu inventé par Kakeru Kobashiri pour l'occasion : Wolfgang. Camarade des deux protagonistes, ce dernier est aussi épris d'Eliza, mais ses sentiments ne seront jamais récompensés. C'est donc leur périple sentimental, puis l'évolution de leur situation suite à la mise en couple des deux principales figures avant le drame, que nous sommes d'abord amenés à suivre. Une longue phase qui, si elle permet de donner des détails à la romance entre le futur nécromancien et sa promise, permet aussi de découvrir Faust sous un tout autre jour, celui d'un misanthrope un peu naïf et attachant, poussé par Wolfgang vers l'accomplissement de ses sentiments amoureux. Il se dégage une ambiance très candide et humaine de cette première partie... avant que le récit ne bascule lorsque celui-ci atteint l'événement connu des lecteurs de Shaman King.
Et c'est sans doute là que le roman Faust 8 propose son morceau d'écriture la plus maligne. Outre la chute nette du protagoniste passant de l’asocial au psychopathe au nom de son amour pour Eliza, c'est sa découverte progressive du monde spirituel qui constitue un aspect fort, élément d'intrigue que l'autrice dépeint avec un immense respect de l'univers de Takei. Car le monde de Shaman King est fait de mélange de cultures cohérent, tout s'imbriquant dans un ensemble pertinent. Traitant allègrement de christianisme et d'occultisme, le récit proposé caresse ce parti-pris, de manière à ne jamais dénaturer le récit principal.
Mais quand bien même la religion est évoquée par le prisme de Wolfgang, Kakeru Kobashiri ne cherche pas spécialement à avoir un propos à ce sujet, à l'encenser ou à la critiquer. Loin de là même, les croyances des protagonistes servant à leur donner du sens et à créer de véritables allégories dans le développement du scénario. C'est en ce point que le climax, dont la révélation était prévisible à des kilomètres, a un réel charme et est force de proposition. Non seulement le personnage de Faust gagne en complexité, mais en plus une vraie intention d'écriture est de mise dans l'acte final. Et cela suffit à encaisser la première moitié de récit, gentillette et douce, qui se lit sans déplaisir mais qui ne sert finalement qu'à planter les graines d'un deuxième segment bien plus captivant.
Le roman Faust 8est à apprécier pour ses qualités, plus que pour ses quelques séquences morbides peu ragoutantes dans leur manière d'être narrée, mais loin d'être déstabilisantes pour autant. Néanmoins, il faudra avoir lu Shaman King dans son entièreté pour dégager du récit toutes ses bonnes cartes, sans quoi le récit pourrait paraître anecdotique. Reste que les fans de l'univers ont de quoi être curieux de découvrir l'adaptation manga par Fumi Tanaka, qu'on espère voir pointer le bout de son nez chez nous.
Côté édition, Kana reste dans le format proposé depuis Flowers, dimensions différentes de la série principale voulues par Kôdansha. Outre le papier souple de facture correcte propre à l'éditeur, on apprécie la présence des quelques pages couleur d'ouverture par Hiroyuki Takei, particulièrement superbes. On notera que la traduction est assurée par Julien Delespaul, là où Rodolphe Gicquel assurait les textes de la saga depuis la star edition. Le résultat est pourtant convaincant, le respect des tons étant là, notamment dans le parler de Faust, fidèle à celui qu'il est dans le Shaman King de Takei.
Si Hiroyuki Takei dessine les quelques illustrations dont la couverture et la sublime page couleur d'amorce de roman, l'écriture est confiée à Kakeru Kobashiri, romancière et autrice surtout connue pour le light novel Grimoire of Zero et sa suite directe, Mahôtsukai no Reimeiki. Une écrivaine expérimentée donc, dans la fantasy notamment, et lui confier ce projet ne semblait pas être une idée saugrenue. L'été dernier, le récit a eu droit à sa version manga des mains de la mangaka Aya Tanaka, dont le second tome paraîtra prochainement au Japon, à l'heure où ces lignes sont écrites.
Chez nous, Shaman King connaît un destin assez similaire à celui japonais. En octobre 2019, plus de treize années après la parution du dernier tome chez nous, les éditions Kana annoncent une réédition du manga d'origine à partir de sa version retouchée et complétée par le mangaka. Non seulement les lecteurs auront le fin mot de l'histoire, mais Kana en profite pour annoncer au compte goutte les différents projets, que ce soit les suites ou les spin-offs lancés chez Kôdansha. Pas de doute, l'éditeur compte refaire de la série l'une de ses séries porteuses, pour le plus grand bonheur des fans d'autrefois, et peut-être des nouveaux lecteurs d'aujourd'hui. Et si le light novel connaît toujours un succès mitigé dans nos contrées, l'éditeur se penche assez rapidement sur ce fameux roman qui paraît en librairies en mars 2021. Kana choisit un titre littéral, celui de Shaman King : Faust 8 – Éternelle Eliza.
Se déroulant quelques années avant le Shaman Fight, l’œuvre nous présente la relation entre Johann Faust, loin d'être conscient de sa capacité à voir et manipuler les esprits, et Eliza. Lui est assez misanthrope et cherche à devenir médecin, et elle souffre d'une maladie qui pourrait, à terme, lui coûter la vie. Johann a donc un objectif : Être celui qui trouvera un remède pour soigner son amie d'enfance, dont il est amoureux depuis toujours. Dans leur quotidien, ils peuvent compter sur Wolfgang, leur ami conjoint aussi amoureux d'Eliza, mais que cette dernière éconduira. De ce triangle chaleureux aux drames qui bouleverseront le destin de Faust et Eliza, voilà le parcours que s’apprête à nous conter Kakeru Kobashiri.
L'écrivaine se frotte donc à un exercice délicat, celui de créer une histoire développant un passé de personnage que nous connaissons depuis bien des années déjà. L'histoire de Joann Faust est tragique, et c'est ce qui le mena à concourir lors du Shaman Fight, à devenir l'un des premiers ennemis de Yoh, puis un allié qui, bien que mis en retrait, aura un rôle non négligeable et un accomplissement lourd de sens. Cette finalité, d'ailleurs, trouve un sens encore plus profond par ce roman qui, derrière aspect qui paraissent un peu faciles, cachent de vraies subtilités.
Ainsi, le récit narré est d'abord celle d'un triangle amoureux de déroulant dans l'Allemagne des années 80. Car il y a Faust et Eliza d'une part, deux amis d'enfance destinés à tomber éperdument amoureux l'un de l'autre, puis un nouveau venu inventé par Kakeru Kobashiri pour l'occasion : Wolfgang. Camarade des deux protagonistes, ce dernier est aussi épris d'Eliza, mais ses sentiments ne seront jamais récompensés. C'est donc leur périple sentimental, puis l'évolution de leur situation suite à la mise en couple des deux principales figures avant le drame, que nous sommes d'abord amenés à suivre. Une longue phase qui, si elle permet de donner des détails à la romance entre le futur nécromancien et sa promise, permet aussi de découvrir Faust sous un tout autre jour, celui d'un misanthrope un peu naïf et attachant, poussé par Wolfgang vers l'accomplissement de ses sentiments amoureux. Il se dégage une ambiance très candide et humaine de cette première partie... avant que le récit ne bascule lorsque celui-ci atteint l'événement connu des lecteurs de Shaman King.
Et c'est sans doute là que le roman Faust 8 propose son morceau d'écriture la plus maligne. Outre la chute nette du protagoniste passant de l’asocial au psychopathe au nom de son amour pour Eliza, c'est sa découverte progressive du monde spirituel qui constitue un aspect fort, élément d'intrigue que l'autrice dépeint avec un immense respect de l'univers de Takei. Car le monde de Shaman King est fait de mélange de cultures cohérent, tout s'imbriquant dans un ensemble pertinent. Traitant allègrement de christianisme et d'occultisme, le récit proposé caresse ce parti-pris, de manière à ne jamais dénaturer le récit principal.
Mais quand bien même la religion est évoquée par le prisme de Wolfgang, Kakeru Kobashiri ne cherche pas spécialement à avoir un propos à ce sujet, à l'encenser ou à la critiquer. Loin de là même, les croyances des protagonistes servant à leur donner du sens et à créer de véritables allégories dans le développement du scénario. C'est en ce point que le climax, dont la révélation était prévisible à des kilomètres, a un réel charme et est force de proposition. Non seulement le personnage de Faust gagne en complexité, mais en plus une vraie intention d'écriture est de mise dans l'acte final. Et cela suffit à encaisser la première moitié de récit, gentillette et douce, qui se lit sans déplaisir mais qui ne sert finalement qu'à planter les graines d'un deuxième segment bien plus captivant.
Le roman Faust 8est à apprécier pour ses qualités, plus que pour ses quelques séquences morbides peu ragoutantes dans leur manière d'être narrée, mais loin d'être déstabilisantes pour autant. Néanmoins, il faudra avoir lu Shaman King dans son entièreté pour dégager du récit toutes ses bonnes cartes, sans quoi le récit pourrait paraître anecdotique. Reste que les fans de l'univers ont de quoi être curieux de découvrir l'adaptation manga par Fumi Tanaka, qu'on espère voir pointer le bout de son nez chez nous.
Côté édition, Kana reste dans le format proposé depuis Flowers, dimensions différentes de la série principale voulues par Kôdansha. Outre le papier souple de facture correcte propre à l'éditeur, on apprécie la présence des quelques pages couleur d'ouverture par Hiroyuki Takei, particulièrement superbes. On notera que la traduction est assurée par Julien Delespaul, là où Rodolphe Gicquel assurait les textes de la saga depuis la star edition. Le résultat est pourtant convaincant, le respect des tons étant là, notamment dans le parler de Faust, fidèle à celui qu'il est dans le Shaman King de Takei.