Sérénade du corbeau - Actualité manga

Sérénade du corbeau : Critiques

Akegarasu Yume Koiuta

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 22 Décembre 2021

Que ce soit chez l'éditeur Enterbrain ou chez Futabasha, Sakuhiro (ou Saku Hiro) est une mangaka qui, en seulement deux-trois années de carrière environ (elle a débuté professionnellement en 2018), a déjà publié 5 one-shot en volumes brochés au Japon. C'est avec le troisième d'entre eux, Akegarasu Yume Koiuta, sorti au Japon chez Futabasha le 9 octobre 2020 après une prépublication dans le magazine Comic Marginal, que les éditions Hana nous proposent de découvrir cette jeune autrice en langue française, cet ouvrage d'un peu plus de 200 pages étant proposé depuis fin novembre sous le nom La sérénade du corbeau (ce qui est une traduction littérale du titre nippon).

Cette mini-série en 6 chapitres (plus un court bonus exclusif au volume broché) démarre sur les mésaventures d'Akito Kanazawa: récemment dupé par la femme avec qui il sortait, cet employé vient, en plus, de connaître une sale journée de travail, si bien qu'il se retrouve à se lamenter seul sur le banc d'un parc... du moins, jusqu'à ce qu'il vole à la rescousse d'un enfant qui se fait embêter par d'autres gosses à cause de ses cheveux blanc et de son allure étrange. Mais en guise d'enfant, le petit être qu'Akito vient de sauver est en réalité un yôkai, nommé Tofukozo ! Et pour le remercier, ce dernier offre à l'humain trois plaquettes qui, à une certaine heure de la nuit, peuvent lui donner accès à un lieu des plus singuliers: la maison close Kasumi, bâtisse immergée dans un lac orné de nénuphars, dont la partie supérieur (l'entrée) est un bateau, et dont les prostitué(e)s, sont des êtres surnaturels. Ignorant au départ qu'il est dans un bordel de yôkai, le jeune humain a pour premier réflexe de vouloir quitter les lieux, d'autant plus qu'il n'a aucune envie de s'offrir ce type de services, et que sa récente désillusion amoureuse lui coupe encore plus l'envie. Mais ça, c'est avant que le tengu Suiren ne lui tombe (littéralement) dessus, harcelé par un violent yôkai avec qui il vient de passer du temps. Akito, fasciné par la beauté de cet être aux traits fins, à la peau bronzée, aux yeux de jade et aux ailes noires, finit alors par lui venir en aide, en s'offrant ses service en échange de l'une de ses trois plaquettes. Lui qui n'a jamais ressenti d'attirance pour les êtres masculins jusque-là et qui se pensait incapable d'aimer dans l'immédiat, il va pourtant, bien vite, s'attacher à ce tengu...

Histoire d'amour entre un humain et un yôkai, La sérénade du corbeau tire donc sa principale petite originalité de son immersion dans cet environnement folklorique typiquement japonais, et il s'agit d'un point où la mangaka s'en tire véritablement bien en croquant des yôkais existant bel et bien dans le folklore japonais (par exemple le tengu bien sûr, mais aussi, entre autres, le moins connu Tofukozo qui, tout comme dans le manga, est effectivement un enfant coiffé d'un chapeau modeste et possédant un plateau avec du tofu dessus), mais où elle parvient à en offrir une vision assez personnelle tout en gardant certains grands trait typiques de ces créatures (ainsi, Suiren est certes un authentique beau gosse, mais garde les ailes typique d'un tengu, yôkai ayant souvent cette caractéristique de corbeau). Ajoutons à cela des éléments comme les kimonos, la maison close aux allures d'auberge traditionnelle, ou même le cadre du lac assez envoûtant et presque irréel, et on obtient une atmosphère vraiment propice au folklore.

C'est donc dans ce cadre que se déroule une histoire d'amour naissante fort bien menée, en particulier grâce au travail effectué sur Suiren. En plus de sa beauté captivante, on découvre un être qui semble prisonnier du bordel (il ne peut s'en éloigner beaucoup, a peu d'espacer pour déployer pleinement ses ailes et voler librement), et qui, bien que très appliqué dans les services qu'il doit rendre dans son travail, paraît avoir une vision forcément très erronée de l'amour... D'ailleurs, a-t-il seulement déjà connu l'amour véritable ? Suiren a alors un peu tout ce qu'il faut pour être attachant et pour captiver de plus belle, ce n'est pas Akito qui dira le contraire, et peut-être est-ce donc auprès de ce dernier que le yôkai pourra apprendre à faire un peu plus attention à lui-même et à se sentir bien, aimé pour ce qu'il est et pas comme un simple objet de désir, d'autant plus qu'Akito se veut très bienveillant avec lui( au départ, il refuse même de coucher avec lui alors qu'il a "payé" pour ça via la plaquette). Cette relation promet alors d'être belle... mais résistera-t-elle à certaines épreuves ? En effet, Suiren semble cacher certaines choses un peu plus sombres, faisant comprendre qu'il ne travail pas dans la maison close par hasard... et ce sera alors à Akito de démêler rapidement le vrai du faux, de permettre au yôkai de se confier entre autres choses. Cette petite intrigue étant certes brève mais suffisamment bien menée pour un one-shot, et aboutissant évidemment sur quelques notes d'érotisme assez explicites même si l'on ne voit pas les sexes, ces derniers étant masqués par du blanc.

Au final, la découverte de Sakuhiro en France est plus que gagnante: la mangaka livre ici un récit très convaincant, porté par sa part folklorique soignée, par un Suiren aussi beau que captivant et attachant, et par une relation amoureuse naissante bien campée. Quant à l'édition française, elle se révèle satisfaisante: le papier et l'impression sont d'honnête qualité, le lettrage est propre, la traduction d'Angélique Mariet est très claire, et la première page en couleur constitue un petit plus toujours sympathique.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction