Sengo Vol.2 - Actualité manga
Sengo Vol.2 - Manga

Sengo Vol.2 : Critiques Initiation

Areyo Hoshikuzu

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 29 Janvier 2020

Depuis qu'il a recroisé dans les ruines de Tokyo son ancien supérieur Kawashima, Kadomatsu le colle, ravi, certain qu'il s'agit là du destin, quand bien même Kawashima passe surtout son temps à noyer ses souvenirs de la guerre dans l'alcool. Depuis, les deux hommes tentent, ensemble et avec d'autres autour d'eux, de survivre et de se redresser dans ce Japon d'après-guerre désormais occupé par les Américains. Mais dans un tel cadre, le moindre drame peut vite rappeler les plus dramatiques souvenirs. Et quand un père et son enfants avec qui les deux hommes avaient sympathisé trouvent la mort dans une explosion accidentelle, Kawashima perd connaissance. L'occasion est alors idéale pour plonger dans ce qui a bien pu le marquer quelques années auparavant, et aussi pour dévoiler sa rencontre initiale avec Kadomatsu...

L'entièreté de ce deuxième volume nous plonge donc dans le passé, en 1944, durant la guerre, quelque part sur le continent chinois, en territoire occupé par le Japon. Là, Kawashima, alors sergent-chef, se retrouve étonnamment nommé à la tête d'une escouade réputée difficile, ses éléments étant des soldats expérimentés tout juste revenus du front, ayant des tendances à la provocation, ayant même poussé leurs deux précédents chefs à la mutation... EN somme, des éléments problématiques, parmi lesquels se dégage une silhouette aussi imposante qu'hirsute: Kadomatsu...

On découvre ici, au départ, un Kadomatsu plutôt renfrogné et sauvage, et un Kawashima qui, même s'il a déjà son goût pour l'alcool, a encore des lueurs positives en lui: il n'a encore jamais tué le moindre ennemi, et passe auprès de certains de ses acolytes pour un benêt, prônant plutôt un certain pacifisme à l'égard de ses troupes, sans arrogance, en souhaitant une bienveillance ainsi qu'une absence de conflits. Quelque part, on a presque parfois l'impression que les caractères sont un peu inversés par rapport aux Kadomatsu et Kawashima de l'après-guerre, tout en les reconnaissant bien à travers certains aspects, comme le penchant pour l'alcool de l'un et le goût pour les femmes de l'autre. Tout simplement, à travers ces observations, on découvre plus en profondeur des caractères qui ne sont pas immuables et qui changent subtilement, ce qui le rend d'autant plus humains. Et ces changements, ils ont évidemment des origines profondes dans ce que ces hommes ont pu vivre à cette époque de la guerre en Chine.

Ainsi, sous un trait restant souvent à hauteur d'homme, Sansuke Yamada ouvre un peu plus les portes nuancées de l'âme et du coeur de ses personnages, qu'il sonde avec sensibilité, parfois humour, ou alors de manière plus brute, au travers de ce qu'ils vivent dans leur escouade. L'auteur expose les doutes des troufions face à la mort, aux femmes ou au patriotisme, tout autant qu'il présente en Kadomatsu une forte tête un peu rustre mais dans le fond pas méchante, et en Kawashima un home sachant s'attirer la sympathie de ses subalternes grâce à son souci d'eux et son empathie, mais qui devra lui aussi se confronter à certaines duretés du contexte de guerre, notamment sous l'impulsion du lieutenant Okabe qui l'oblige à décapiter un "espion" chinois... Que peut bien ressentir un homme comme Kawashima en donnant ainsi la mort ? Tout ceci, Yamada n'a pas forcément besoin de l'expliquer concrètement: des réactions ou brèves paroles peuvent suffire, quand ce ne sont pas les moments "musicaux" qui prennent le relais, les chansons anciennes étant régulièrement présentes dans l'oeuvre en résonnant un peu comme des refrains témoignant du ressenti des personnages.

En filigranes, l'immersion dans une facette moins connue du Japon en guerre est ici très efficace et riche. Loin des combats du front qu'on a le plus souvent l'habitude de voir, la plongée dans une caserne dévoile nombre de choses: querelles internes entre des escouades, rapports de force et de hiérarchie parfois bêtes et méchants, rôle important des maisons de prostitution avec des femmes s'appliquant à leur tâche pour apaiser les hommes (et comme le dit Ukiko: elles aussi, à leur façon, participent au bien du pays, et pourtant on ne les retiendra pas), éliminations diverses de chinois considérés parfois aveuglément comme des espions (sacrifiés aux entraînements, enterrés en fosses commune sans la moindre considération, etc...). Yamada aborde les choses sous de nombreux aspects, et en ne détournant pas les yeux puisqu'il met en scène les choses sans auto-censure, sur un ton que l'on n'a pas forcément l'habitude de voir.

Dressant un portrait riche et sans détours de ce contexte, et poursuivant un portrait tout en nuances de ses personnages, ce deuxième volume de Sengo marque donc un grand coup, plus encore que le premier volume, Sansuke Yamada ayant une manière bien à lui et parfois assez inédite de décortiquer les choses, en gravant certains événements dans nos mémoires autant que dans celles de ses personnages.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs