Running Girl, ma course vers les paralympiques Vol.1 - Actualité manga
Running Girl, ma course vers les paralympiques Vol.1 - Manga

Running Girl, ma course vers les paralympiques Vol.1 : Critiques

Blade Girl - Kataashi no Runner

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 11 Mai 2020

Autrice a priori peu prolifique puisqu'elle n'a apparemment signé au Japon que 4 oeuvres plutôt courtes en une dizaine d'années de carrière, Narumi Shigematsu n'en reste pas moins une artiste à la bibliographie plutôt étonnante, dans la mesure où chacune de ses oeuvres est dans un registre bien différent de la précédente. Ainsi, son premier manga, Shiroi Hon no Monogatari, paru en 2010 dans feu l'excellent magazine Ikki de Shôgakukan, était une tranche de vie ancrée dans l'univers des livres à Paris, tandis que sa deuxième série, Babel, oeuvre en 5 tomes parue à partir de 2012 elle aussi dans Ikki, fut un récit de SF nous plongeant en 2050 auprès d'un réparateur de livres numériques qui veut lever le voile sur le drama parental qui l'a frappé. Puis en 2017, elle signa, pour le magazine Be Love de Kôdansha, Hana Koi Shounen, série en 2 tomes mêlant cadre historique, drame et romance aux accents shônen-ai, en nus plongeant dans l'univers de la danse sous l'ère Heian (794-1185). Mais c'est avec sa dernière oeuvre en date qu'on peut la découvrir en France aux éditions Akata, et avec celle-ci la mangaka change encore beaucoup de sujet !

De son nom original Blade Girl : Kataashi no Runner, Running Girl, ma course vers les paralympiques est une série qui fut publiée en 2018-2019, elle aussi dans les pages du Be Love, magazine orienté pour les jeunes femmes adultes, où l'on trouve aussi les séries Chihayafuru et Une vie au zoo par exemple. Prévue dès le départ pour durer 3 volumes, elle s'est achevée dans son pays d'origine l'été dernier, donc peu de temps après l'annonce de son acquisition française par les éditions Akata. Fortement portée par l'éditeur, l'oeuvre fait partie de ces séries qui, à l'instar de GAME, Our Colorful Days, Switch me On, Back to You et d'autres, sont d'abord publiées en version numérique, chapitre par chapitre, avant leur sortie en version papier. Les chapitres dématérialisés commencèrent donc à arriver chez les e-libraires français quelque temps après l'annonce de l'acquisition, tandis que la parution des 3 tomes papier était déjà clairement planifiée: mars, juin, et septembre 2020 ! Un rythme régulier d'un tome tous les 3 mois qui n'était sans doute pas anodin, puisque tandis que le tome 1 devait donc être lancé pour le salon Livre Paris, le 3e et dernier volume, de son côté, devait arriver pile pour les Jeux Paralympiques de Tokyo... mais tout ça, c'était évidemment avant la situation due au Covid-19. En plus de faire partie de ces titres malheureux qui sont sortis pile la semaine du début du confinement en mars dernier, donc sans possibilité de report, Running Girl doit, en plus, composer avec le report des Jeux Paralympique à août-septembre 2021, ce qui bousille forcément un peu le planning si bien pensé par Akata... A l'heure où le déconfinement arrive ce 11 mai et que les librairies peuvent rouvrir leurs portes, le moment est parfait pour que nous revenions sur le premier volume, qui était déjà intégralement disponible en numérique via sa prépublication par chapitre, tout comme l'occasion est bonne pour que vous alliez découvrir l'oeuvre. D'autant plus que, comme elles ont déjà pu le faire par le passé sur certains titres, les éditions Akata ont entrepris une bien belle chose: jusqu'au 30 septembre, pour chaque exemplaire du tome 1 vendu, 5% des recettes seront reversées à la fédération française de Handisport !

Cette longue présentation passée, entrons dans le vif du sujet, à la rencontre de Rin, 16 ans, et une jambe en moins. Voici déjà un an que, suite à un sarcome osseux, cette adolescente a dû être amputée de la jambe droite, chose qu'elle a évidemment très mal vécu, et qu'elle vit encore très mal. Sa prothèse de jambe l'handicape trop, si bien qu'elle n'a fait que très peu de progrès pendant ces longs mois de rééducation. Sans compter tout ce que cette situation a bouleversé dans sa jeune vie, entre l'école devenue difficile, ses amis qui se sont éloignés d'elle, ou tout simplement son impossibilité de vivre normalement des petits choses propres à toute jeune fille de son âge. Une cruelle réalité qui fait qu'elle ne retrouve toujours aucun goût à la vie... mais tout pourrait basculer le jour où, en allant voir le docteur Shirai, elle découvre un club sportif où des handicapés s'adonnent avec courage à la course, et, surtout, fait la connaissance de Kazami, un homme développant des lames prothèse de jambes adaptées à la course. Prodige dans son domaine (il travaillait même aux USA il y a encore peu de temps), Kazami cherche à développer la meilleure lame possible pour atteindre son rêve, et a besoin pour cela de quelqu'un capable de mettre en valeur sa technologie. D'abord toujours aussi déprimée, Rin, en découvrant cela, finit par sentir quelque chose naître en elle, et face à ces lames elle se fixe un objectif fou: devenir celle qui portera la lame de Kazami... qu'elle compte bien amener jusqu'aux Jeux Paralympiques de Tokyo !

Après le succès largement mérité de Perfect World, Akata, en proposant un autre shôjo/josei sur le handicap, continue donc de nous montrer que le manga féminin peut décidément aborder bien des thèmes allant largement au-delà des clichés étriqués que certains peuvent parfois encore avoir sur le genre. Mais là où Perfect World aborde la chose en profondeur au travers d'une tranche de vie étudiant tout ce qu'un handicap implique dans la vie en société, le manga de Narumi Shigematsu emprunte une autre voie, à savoir celle du sport et du dépassement de soi pour se reconstruire, une chose qui, quelque part, rapproche donc peut-être un petit peu plus la série d'un manga comme Real de Takehiko Inoue.

Cela dit, par rapport à Real qui expose beaucoup les doutes et tourments de ses héros, Running Girl semble prendre encore un chemin différent, en ayant un côté surtout très positif et porteur d'espoir. Cela, n le ressent clairement dès les toutes premières pages, qui font un choix intéressant: nous présenter une Rin un petit peu pus âgée, sur le point de s'élancer dans sa course dans le stade olympique. On le sait donc d'emblée: son objectif, la demoiselle va y parvenir. Est-ce décevant de savoir ça dès le départ ? Eh bien, clairement pas, au vu de la démarche voulue par la mangaka. Il ne fait aucun doute que le but de Shigematsu n'est pas d'offrir un récit à suspense, de ce fait elle a la bonne idée d'effacer d'emblée les possibles interrogations "y arrivera, y arrivera pas ?" du lecteur, afin que celui-ci se concentre pleinement sur l'essentiel: que va montrer Rin pour atteindre ainsi son objectif ?

Et la réponse est assez évidente: du courage, de la volonté, de la passion. A partir du moment où elle se fixe son but en voyant ces fascinantes lames, on assiste à une véritable renaissance en Rin: la jeune fille sans goût pour la vie des débuts laisse rapidement place à une tout autre demoiselle dont le regard brillant est, en permanence, communicatif.
Bien sûr, il y aura encore pas mal de doutes. Rin ne comprendra pas immédiatement pourquoi Kazami lui impose des entraînement drastiques et improbables (comme sauter 100x de suite à cloche-pied dans un cercle avec une corde) pendant que les autres membres du club courent, puis elle devra se confronter vite faire à une rivale ne supportant pas de la voir devenir la "chouchou" de Kazami. Egalement, à travers Kazami et ce que cache son but, des épreuves plus "économiques" finissent pas apparaître, puisque la société qui l'emploie lui pose un ultimatum: si aucun résultat n'est obtenu dans la prochaine course, le développement de slames sera arrêté car il revient trop cher pour quelque chose concernant une "minorité" de personnes. Ainsi, l'autrice aborde, même rapidement, des aléas bien différentes: à travers quasiment la difficulté de la rééducation, et via Kazami une petite critique de la façon dont notre société peut faire passer les enjeux économiques avant le bien-être des gens. Mais tout ceci n'est qu'évoqué rapidement, ce qui peut être parfois un peu frustrant pour le moment (par exemple, reverra-t-on la rivale Yuko, ou restera-t-elle cantonné à ce simple rôle de grosse jalouse hautaine ? Il serait très intéressant e la voir développée un peu, pour la comprendre). Car ici, le but est vraiment clair: montrer la force d'esprit de notre jeune héroïne, qui a décidé de se lancer pleinement dans son rêve à première vue inaccessible, jusqu'à réellement renaître et retrouver goût à la vie.
De ce fait, de par son côté qui se veut positif, l'oeuvre semble vouée à traiter tous les à-côtés de façon un peu rapide et simple, mais cela n'empêche pas Shigematsu de se vouloir assez pointue dans les choses qu'elle aborde même rapidement: les aspects techniques (comme le fonctionnement des lames) est bien là, on devine une forte documentation (rencontres, supervision éditoriale, lectures...) qui est d'ailleurs détaillée en fin de tome (et notons que certaines rencontres apparaissent en "guest" dans ce volume)... En somme, de quoi apporter la crédibilité suffisante à ce portrait d'une jeune handicapée qui se veut, avant tout, porteur d'espoir et de positivisme.

Visuellement, difficile de passer outre pas mal d'irrégularités dans l'anatomie des personnages, que ce soit chez Rin ou chez certains autres personnages. Visages parfois irréguliers, perspectives parfois bizarres (donnant l'impression, par exemple, que les bras sont trop courts, etc)... un côté un peu "inégal" qui se voit d'autant plus fortement que Narumi Shigematsu offre plutôt peu de décors pour vraiment se focaliser sur les personnages. Et pourtant, on fait facilement fi de ces irrégularités, l'essentiel étant clairement ailleurs: dans les yeux pétillants et bourrés de rêves de Rin, dans sa façon de mettre en valeur ses efforts, dans ses découpages cherchant souvent à sublimer la verve de la jeune fille, la mangaka sait largement mettre en avant toute la volonté de cette jeune fille, et consolide ans très bien son côté porteur d'espoir, son aspect positif. On se prend vraiment souvent à observer plus d'une fois tut ce que dégage cette attachante et courageuse héroïne.

Véhiculant avant tout des valeurs d'espoir à travers les efforts de son héroïne et sa façon de franchir les obstacles pour atteindre son but, Running Girl - Ma course vers la Paralympiques se révèle être une lecture assez forte et bourrée de verve, dont on attendra la suite avec beaucoup d'intérêt. Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve non-corrigée fournie par l'éditeur, on ne donnera aucun avis sur l'édition, mais on peut tout de souligner l'efficacité de la traduction d'Alexandre Goy, très claire aussi bien dans les petits aspects techniques que dans ce que dégagent les personnages.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs