Rokudenashi Blues Vol.1 - Actualité manga
Rokudenashi Blues Vol.1 - Manga

Rokudenashi Blues Vol.1 : Critiques

Rokudenashi Blues

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 07 Juin 2022

Aussi importante que soit l'œuvre de Masanori Morita, le mangaka est pourtant l'un des grands absents de nos librairies côté shônen, et ce depuis bien trop longtemps. Ancien assistant de Tetsuo Hara, l'artiste fait partie de l'école de Ryoichi Ikegami sur le plan visuel, un dessin dit « réaliste » qu'il trouvera lui-même proche de la patte de Tsukasa Hojo au point de tenter de devenir son assistant, qui contribuera à la gloire du Shônen Jump de la fin des années 80 au début des années 90 avec son éternel Rokudenashi Blues. S'il s'agit de son manga qui a le plus marqué au sein de l'Archipel, il convient de ne pas oublier Rookies ou, plus récent puisqu'il s'est achevé en 2019, Beshari-Gurashi.


De notre côté, le cas Morita est une belle interrogation. Tonkam sera le premier à nous faire découvrir l'artiste avec Rookies, avant que J'ai Lu ne tente de son côté l'aventure du légendaire Rokudenashi Blues, alors nommé Racaille Blues. Tonkam réitèrera l'aventure aux côtés de l'auteur en 2007 avec le one-shot Shiba Inu avant d'envisager la parution de Beshari-Gurashi sous le titre Les rois du rire. Le pari est risqué, le titre s'articulant autour d'un duo de comique typiquement nippon incluant son lot de calembours difficilement traduisibles dans la langue de Molière. Tonkam renouvellera les réflexions, pensant même faire appel à des comiques francophones confirmés, avant de finalement abandonner le projet.


Depuis, c'est le calme plat concernant Morita chez nous. Entre temps, de nombreux lecteurs se sont pris de curiosité pour l'artiste et ses œuvres, parfois grâce à l'aide de certaines adaptations comme le drama Rookies qui en a captivé plus d'un. Mais c'est simplement l'aura du maître qui aura piqué les curiosités. Il était malheureusement trop tard : Ni Racaille Blues ni Rookies n'étaient disponibles sur le marché du neuf, et les spéculateurs peu scrupuleux s'en donnaient déjà à cœur joie sur le marché de l'occasion. Dans ce phénomène de curiosité vis à vis de Morita, il semble indéniable que Tokyo Revengers ait eu son petit rôle à jouer : A une heure où le genre furyo était quasiment absent de nos librairies (seules quelques rares titres comme Young GTO et Bakuon Retto faisaient alors office de représentants), le best-seller grand public de Ken Wakui a mis un coup de projecteur sur ces séries de racailles au grand cœur, réglant leurs dilemmes à coups de poings.


Ce manque, ce sont les éditions Pika qui finissent par le combler dès ce mois de juin 2022 avec une réédition du franchouillard Racaille Blues sous son titre original, Rokudenashi Blues. Plus qu'une simple nouvelle mouture, la série a pour ambition de lancer la nouvelle collection de la maison rattachée au groupe Hachette, « Pika Masterpiece », vouée à proposer dans de jolis écrins des titres clés du patrimoine manga, peu importe les genres et catégories éditoriales. Et, effectivement, l'œuvre majeure de Masanori Morita était un très bon choix pour lancer ce nouveau morceau de catalogue.

Dès son annonce et jusqu'à la sortie du premier tome, cette version de Rokudenashi Blues aura fait couler de l'encre. Présenté comme une mouture tirée de la version bunko japonaise mais dans un grand format, la réédition s'accompagne d'une page couleur, Pika n'ayant pu obtenir le matériel de la kanzenban extra japonaise, que ce soit les pages couleurs ou pages en bichromie, de l'aveu de l'éditeur. A ceci s'ajoute la question du prix : A 16€ le tome, il était évident que cette édition jouait sur le haut de gamme, quitte à se privée d'une part de lectorat aux plus maigres finances. Pourtant, la dite version reste plutôt raccord avec son marché. On peut notamment citer les volumes « Perfect Edition » de Banana Fish et Eden chez Panini à 16,99€ par opus, ou encore les grands formats de Kana proposés autour des 15€ qui, bien qu'incluant plus de matériel couleur, profitent de finition d'un poil moins bonne facture. Chacun sera donc juge pour cette nouvelle version qui compilera les 42 tomes d'origine en 25 épais volumes.

Cette longue introduction étant faite, passons à ce que propose ce premier tome, grandement attendu.


Rokudenashi Blues démarre quand Taison Maeda et ses deux acolytes, Katsuji et Yoneji, s'apprêtent à faire leur entrée au lycée Teiken. Tous les trois ont du caractère, ont la bagarre facile, mais sont dotés d'un grand cœur, surtout Maeda, quand bien-même celui-ci aurait du mal à l'avouer. Féru de boxe, le garçon trouve le moyen de se faire renvoyer provisoirement le premier jour, en frappant par erreur un enseignant de l'établissement. Durant cette courte absente, Katsuji et Yoneji se trouvent pris au sein de la rixe entre le club de boxe et le club de supporters, un éternel conflit qui a valu le renvoi de Hatanaka, capitaine des boxeurs et individu qui va vite capter l'intérêt de Maeda, de par leur passion commune. Car coup de chance : Alors qu'il fait son retour au lycée, il apprend que Hatanaka verra sa période d'exclusion prochainement terminée, lui aussi... Entre temps, Maeda et ses acolytes vont devoir composer avec ces deux clubs qui veulent par dessus tout régler leurs comptes.


Rokudenashi Blues, c'est donc une histoire de lycéens bourrus et un poil marginaux, faisant parler les poings pour asseoir leur morale. C'est notamment le cas de Maeda, un personnage qui fait rapidement rire mais qui s'attire toute notre sympathie pour son caractère valeureux, sa timidité à agir noblement mais qui ne saurait nous tromper quant à ses intentions louables, quand bien même il aurait le coup de boule facile. Véritable introduction, ce premier tome présente son arrivée au lycée Teiken et le rôle qu'il va occuper dans la rixe entre le club de boxe et le club des supporters, sans oublier son rapport au sport par la rivalité quil va développer avec Hatanaka. A l'instar de Rookies, une dimension sportive trouve donc sa place dans Rokudenashi, même si celle-là sert pour l'heure d'enrobage pour la psychologie de Maeda, tant l'accent de ces premiers événements est mise sur les règlements de compte entre les bagarreurs du lycée Teiken.


L'amorce, finalement assez simple, ce manque pas de panache grâce au talent de Masanori Morita pour dépeindre ces racailles impulsives, casse-cou, revanchardes pour beaucoup d'entre-elles, mais pas foncièrement mauvaises. Cet aspect noble, surtout caractérisé par Maeda qui deviendra peu à peu un vrai centre de gravité pour tous les personnages, donne à l'ouvrage une force toute particulière, qu'on retrouve dans les quelques furyo que nous avons pu lire en France mais qui prend ici un air assez nuancé tant certaines figures finissent par afficher leur meilleur fond qu'au terme d'un climax qui gagne en ampleur et en suspense. Du début à la fin de ce premier opus, ce sont donc les premiers pas de Maeda, sa vision très personnelle de la boxe et le rôle qu'il joue au sein du lycée Teiken, qui nous porte sur plus de 320 pages. Et à côté des rixes, il y a aussi l'amour via une intrigue centrée sur Chiaki, une adolescente d'abord intimidée par le nouvel élève, mais qui ne pourra rester indifférente face à son esprit chevaleresque, bien que très maladroit. Si on reste dans un certain cliché poussé jusqu'au concept de la demoiselle en détresse, la pureté de Chiaki couplée à l'émouvante naïveté de Maeda fait finalement mouche, si bien qu'on se demande jusqu'à quel degré Morita poussera cette direction romantique.


C'est aussi sur le plan visuel que cette amorce parvient à nous toucher. D'une école similaire à celle de Tsukasa Hojo et Tetsuo Hara, dans la lignée du style de Ryoichi Ikegami, Masanori Morita a une patte que l'on peut tenter de qualifier de « réaliste », de par son sens du détail et dans sa nature à jouer sur la simplicité lors des moments comiques essentiellement. A l'instant de ce premier volume, le style du maître montre encore ses imperfections, avec notamment quelques proportions ratées. Néanmoins, son trait est vecteur d'une ambiance en phase avec ce récit à la fois noble et bourrin autour de ces jeunes gens qui ne manquent pas de couleur sous la patte de l'artiste. Par son dynamisme et son aisance à narrer les moments sérieux du début d'histoire, l'art du mangaka fait déjà mouche.


Enfin, dans un contexte de série culte présentée dans un écrin plus luxueux que la moyenne, c'est bien l'édition qui nous intéresse en parallèle de cette première partie de récit. Par son grand format et sa couverture mate aux effets de vernis sélectifs, le volume ne manque clairement pas de panache, y compris sur son dos qui ne se limite pas à une simple fresque mais inclus le titre de l'œuvre ce qui, à terme, donnera une illustration moins vide que ce que nous pouvons voir ailleurs. A l'intérieur, une page couleur reprenant en intégralité le morceau d'illustration présent sur la jaquette, et un papier d'une bonne épaisseur et de belle qualité.

En parlant de couverture, la maquette a été conçue par Guillaume Paturange pour un travail à la fois sobre mais élégant, qui sied bien à cette collection Masterpiece. La traduction, elle, est assurée par Pascale Simon, loin d'être une novice du genre furyo puisqu'elle a traduit Bakuon Retto chez Kana ainsi qu'Ushijima, pour évoquer un titre underground. Si son texte est bon, vivant et en phase avec l'esprit du titre, les interrogations se sont vite tournées vers le choix de faire bégayer Maeda lorsqu'il s'énerve, quand il affiche un accent du kansai dans ces mêmes moments en version originale. L'exercice était de base délicat et qu'importe le résultat, celui-ci n'aurait pas fait l'unanimité. Reste à voir si cette mise de côté des origines du personnage ne s'opposera pas au développement ultérieur du récit, à moins que la traductrice est déjà en tête une astuce pour correctement adapter le dilemme à notre langue.



Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs