Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 04 Juillet 2023
Les éditions Glénat font partie de ces maisons qui proposent des créations originelles, des mains d'auteurs francophones ou européens. Un rôle qui s'explique partiellement par les moyens dont dispose un grand groupe, et qui ont permis l'émergence de titres qui ont parfois trouvé un public fidèle, tandis que d'autres n'ont pas connu le succès escompté pour une parution sur le long terme, malgré leurs qualités.
Le petit nouveau de l'écurie Glénat, c'est Red Flower, manga signé Loui, un auteur que certains auront peut-être croisé au détour des allées de conventions, puisque l'artiste était autodidacte et indépendant, avant de signer la présence série. Franco-ghanéen qui a grandi avec les contes et histoires du monde, il eut le déclic du dessin vers ses 18 ans, avec la rencontre graphique de l'univers de One Piece, avant de cristalliser cette passion émergence avec d'autres oeuvres d'une forte puissance narrative telles que Naruto, Shaman King, Berserk ou Vagabond. Après avoir suivi une école de mangaka et s'être formé au Japon, il a dessiné indépendamment de nombreuses histoires courtes, dont celles du recueil Red Flower Stories, avant de signer avec Glénat pour sérialiser son univers et raconter une histoire plus dense.
Kéli est un jeune garçon qui vit dans une tribu isolée sur une île. Il n'aspire qu'à une chose : devenir un homme au sein de son village, en participant au rituel du Katafali et en maîtrisant l'art martial du même nom. Dans son rêve, il aimerait bien surpasser Yao Tau, son frère récemment revenu au village, et doté d'une puissance colossale qui surpasserait celle du légendaire guerrier Su'Mané. Mais Kéli est loin d'avoir la sagesse de son frère. Au contraire, il est impulsif et caractériel, loin des valeurs que nécessite le passage à l'âge adulte. Son destin bascule à l'approche du rituel du Katafali, quand le sorcier vaudou Anansi annonce un désastre à venir sur la tribu...
Pour un lecteur habitué aux esthétiques classiques du manga d'aventure et de combat, Red Flower marque d'entrée de jeu par son cadre inspiré de l'Afrique de l'Ouest. Un choix qui n'a rien d'un hasard pour son auteur, Loui, qui a grandi au Ghana, et a puisé dans sa culture et ses expériences pour amener une approche rafraichissante. Car si ce premier tome se révèle séduisant, ce n'est pas seulement pour son cadre, mais aussi par un folklore qui vient rapidement constituer un univers riche et fascinant, doté d'une mythologie qui lui est propre et qu'on ne demande qu'à voir s'étoffer sur le long terme. Si l'univers nous marque, c'est aussi pour le fossé culturel, tout comme un jeune lecteur francophone pourra s'extasier face au choc culturel que peut procurer un Naruto, fortement ancré dans un enrobage nippon. Red Flower, c'est ce retour aux sources de notre imaginaire, proposant des idées de mythologie totalement nouvelle à à l'égare des oeuvres grand public du médium, en plus d'être un témoignage culturel d'un auteur impliqué.
Au-delà de cette rencontre, c'est aussi le début de l'histoire de Kéli, dans cet univers si grandiose, qui nous marque. Les codes utilisés sont pourtant communs pour certains, avec certains archétypes de personnages que l'on retrouve à travers le fougueux héros ou par son frère, Yao Tau, noble et puissant, sans oublier le roi Osei, sage chef de la tribu qui s'attire notre respect par sa prestance. Mais confondre ces éléments "classiques" avec un univers si novateur dans ce qui l'inspire amène une efficacité renouvelée, et une envie de suivre le parcours initiatique d'un héros hautement imparfait dans un monde qui pourrait encore nous surprendre. Car ce premier volume, aussi prenant qu'il soit, semble se présenter comme l'amorce de quelque chose de bien plus grand, ce qui se ressent notamment par les dernières pages qui font office d'éléments déclencheurs d'une intrigue prometteuse.
En tant que volume d'exposition, le début de Red Flower s'impose comme une petite claque qui fait un bien fou, ce qui passe par son univers comme par le style de son artiste. Loui, en plus de nous charmer par ses inspirations, livre de superbes propositions visuelles. On sent alors son attachement à la narration, tant certaines séquences nous content quelques événements clefs de manière hautement inspirée. Et plus globalement, le très travaillé et les designs détaillés donnent une densité permanente à l'ouvrage, à l'intrigue, et surtout aux personnages.
En somme, tout se savoure dans ce premier tome de Red Flower. L'un des objectifs de l'auteur étant de transmettre la sagesse par ses histoires afin d'honorer les traditions de son pays, tout en amenant un manga certes codifié, mais qui présente la fraîcheur du folklore de l'Afrique de l'Ouest, celui-ci est déjà honoré, et on n'attend qu'une seule chose : la suite d'une aventure qui s'annonce formidable !