Petite princesse et la forêt enchantée (la) - Actualité manga

Petite princesse et la forêt enchantée (la) : Critiques

Otogi no Mori no Yôjo Hime

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 30 Décembre 2021

Le light novel a beau être un marché de niche en France et ne pas forcément rencontrer le succès escompté, certains éditeurs courageux ont pris le parti, ces dernières années, d'essayer de mieux faire découvrir le genre dans notre pays. On pense en premier lieu à de gros éditeurs comme Ofelbe (appartenant à la même structure que Taifu et surtout Ototo, permettant ainsi des projets crossmedias LN/mangas comme DanMachi ou Sword Art Online), Pika Edition avec entre autres la saga Monogatari de NisiOisiN, ou même Kurokawa qui connaît plus de galères avec les romans originels de Moi, quand je me réincarne en slime et Goblin Slayer. Mais ces dernières années ont aussi vu apparaître des éditeurs peut-être encore plus courageux, en ceci qu'il s'agit de structure indépendantes et plus modeste, à l'image des éditions Mahô avec par exemple les romans Berserk of Gluttony et 86 Eighty-Six, ou encore la jeune maison d'édition qui nous intéresse aujourd'hui: LaNovel. Officialisé en août 2019, cet éditeur prend soin de se développer à son rythme, sans avoir les yeux plus gros que le ventre, ce qui se traduit par un nombre de sorties très raisonnable en environ deux années d'existence. Les choses sérieuses ont ainsi commencé pour LaNovel en 2020 avec le lancement de la série de romans Infinite Dendrogram, profitant ainsi de la récente adaptation animée, et dont 7 volumes sont sortis en France à l'heure actuelle. Quant à l'année 2021, elle a vu l'éditeur continuer de se développer doucement mais sûrement avec l'arrivée de 4 nouveaux titres: en avril Detective Ai illustré par Vofan (Monogatari), en cette fin d'année l'excellent Ascendance of a Bookworm (déjà connu chez nous pour son anime sur Crunchyroll et son manga chez Ototo) et le yuri en 5 tomes I'm in love with the Vilainess... sans oublier, à la rentrée dernière, un récit en un seul volume, celui qui nous intéresse ici.

De son nom original Otogi no mori no yojohime, La petite princesse et la forêt enchantée est un roman attaqué au Japon en 2016 par l'écrivaine Tsubaki Tokino (qui officie autant sur des scénarios de romans que de jeux électroniques ou de JDR) et illustré par Takashi Konno, un artiste qui, en plus de l'illustration, a également dessiné quelques mangas (tous inédits en France), plus particulièrement il y a une dizaine d'années. Ayant connu quelques difficulté dans son pays d'origine, essentiellement suite à la faillite de son éditeur initial Hakkou Shuppan, l'oeuvre a connu un seconde vie en 2017 en version numérique. On peut également noter qu'elle a connu une édition américaine dès 2018 sous le nom Little Princess in Fairy Forest.

Dans ce récit se déroulant dans un autre monde plutôt typé fantasy, tout commence par une fuite, celle d'une jeune princesse de 7 ans, Lala Lilia, suite au coup d'Etat du Seigneur Ambition Siegfried qui a assassiné ses parents avec pour but final de s'emparer du trône, épaulé par sa sublime mais glaciale fille Megan. Dans sa fuite, l'énergique petite fille rousse aux grands yeux est aidée par les deux seuls chevaliers du Royaume qui n'ont pas été tués, à savoir le vaillant Rob, et le chevalier quarantenaire, vieillissant et plus rustre Gideon Thorn qu'elle apprécie moins. C'est pourtant Gideon qui sera chargé de l'accompagner seul, dès lors que son ami Rob se sacrifie pour permettre aux deux autres d'échapper au griffes des hommes de Siegfried. Non sans peine, Lala Lilia et "Gideon L'épineux" (c'est son surnom, intimidant) parviennent à trouver refuge dans la vaste Forêt Noire, étendue d'arbres réputée pour être occupée par nombre de monstres... et après quelques affrontements, c'est sur une créature un peu plus particulière que le duo finit par tomber: un dragon aux écailles rouges, qui semble fasciner la fillette, au grand dam de Gideon puisque les dragons sont censés être les ennemis héréditaires des chevaliers. Spike Scale, puisque c'est son nom, est un dragon sage, qui a appris depuis longtemps à se méfier des hommes, ce qui l'a d'ailleurs poussé à venir vivre calmement, en solitaire, dans la forêt. Et pourtant, quelque chose en cette jeune princesse le titille, si bien qu'il accepte de veiller sur elle, aux côtés de Gidéon.

On ne va pas le cacher, ce roman offre une histoire on ne peut plus classique de pas mal de contes de fées, et d'ailleurs l'écrivaine ne s'en cache pas en assumant cette part de classicisme, et en avouant qu'elle voulait, comme tant d'autres avant elle, concevoir un authentique conte de fées "à l'ancienne", c'est-à-dire pas aseptisé dans sa part de noirceur (et sur ce dernier point, c'est réussi, mais nous y reviendrons). On se contentera donc ici, dans les grandes lignes, de suivre cette princesse déchue, qui a tout perdu, grandir quelques mois dans une forêt où elle se renforce (tout en restant une enfant), toujours épaulée par le chevalier et le dragon (une famille de substitution pour elle) qui prennent soin de la cacher (car l'usurpateur du trône a besoin de la retrouver et de l'épouser, pour devenir officiellement roi), le tout en attendant l'heure où ils pourront enfin contre-attaquer et rendre son royaume à la fillette. Une trame apparaissant d'autant plus simple que Tsubaki Tokino ne cherche pas spécialement à étoffer plus que ça l'univers en lui-même, où les lieux restent assez limités (la forêt, le village à l'orée de celle-ci, le château, et c'est à peu près tout).

Mais sur cette base et ce déroulement standards, le récit trouve des qualités plus spécifiques dans sa petite galerie de personnages, qui apportent un atmosphère assez marquée, surtout quand il s'agit de souligner une cruauté très prégnante par l'intermédiaire de Megan et Siegfried, deux méchants horribles jusqu'au bout des doigts. L'une, soi-disant dépourvue d'émotion depuis longtemps (tout simplement car son père à vendu l'âme de celle-ci a un démon en échange de son désir de devenir roi, bonne ambiance familiale), est une véritable beauté froide, aiguillant son paternel dans des conseils funestes en ne bronchant jamais... Toutefois, est-ce vraiment parce qu'elle n'a pas d'âme qu'elle est ainsi, ou y a-t-il autre chose ? Quant à l'autre, il n'a jamais hésité à commettre les pires exactions (comme tuer ses épouses) pour gravir peu à peu les échelons afin de se rapprocher du trône, et il démontrera encore toute son horreur en n'hésitant aucunement, dans sa traque de la petite princesse qu'il veut épouser de force, à torturer, tuer ou laisser mourir les êtres les plus innocents. Un authentique modèle de méchant qui a toutes les tares, en somme.

Face à eux, on a alors trois héros qui vont devoir évoluer ensemble pour vaincre, jusqu'à évidemment nouer une relation forte et authentique, et cet aspect est assez réussi. Tout en se montrant forte à son échelle (elle a du caractère, mais reste une petite fille avec ce que ça implique de fragilité physique), l'attachante Lala Lilia découvre en Spike un dragon sage, vénérable, avisé, digne de confiance, et a peu à peu le temps de mieux découvrir le bon fond et la fiabilité que cache le chevalier quadra Gideon derrière ses côtés rustre ou cynique. Enfin, bien sûr, l'autre intérêt est de voir le lien assez fusionnel bâti entre les deux ennemis héréditaires que sont le chevalier et le dragon, nourris par le même désir de protéger leur princesse au point de nouer une vraie connexion (l'un peut ressentir ce qui se passe chez l'autre), et qui devront tous deux se frotter également à certaines de leurs erreurs du passé, notamment Spike vis-à-vis d'une sorcière qui aura son importance.

L'écriture, elle, est plutôt efficace. Jamais très descriptive (comme souvent dans les light novels), Tsubaki Tokino va plutôt à l'essentiel sans donner d'impression de rush, comme dans un bon conte pouvant laisser au lecteur une part d'imagination quant à l'allure des lieux, etc. Qui plus est, l'alternance de points de vue (on suit les choses tantôt au plus près de Gideon avec des "je", tantôt en narration externe, etc) ainsi que l'utilisation du présent amènent plus de dynamisme et un côté assez direct. Une chose que la traduction d'Aurélien Piovan rend très bien, et d'autant mieux quo'n n'y trouve pas la moindre petite coquille (chose assez rare dans les light novels), preuve d'une relecture très soignée.

Ne vous fiez donc pas totalement au titre enchanteur et aux bouilles rondes et mignonnes de la princesse sur les illustrations de Konno (illustrations par ailleurs convaincantes avec leurs designs soignés et leur aspect hachuré un peu comme des croquis détaillés): l'oeuvre de Tsubaki Konno nous offre un authentique conte noir, cruel et sombre, qui offre un déroulement classique mais rendu efficace par une ambiance bien présente et des personnages efficaces dans leur genre. Enfin, on appréciera également, après les environ 210 pages de l'histoire principale, la présence de plusieurs bonus écrits par la romancière, entre deux postfaces (celle de l'édition papier initiale et celle de la version numérique) riches en anecdotes, textes sur la conception des personnages, et petit chapitre bonus, ce qui amène l'ouvrage à environ 250 pages.

Concernant l'édition française, en plus de la très bonne traduction comme déjà dit, on y appréciera un papier assez souple et bien blanc, un grand format convaincant (un tout petit peu plus grand qu'un light novel d'ofelbe, pour comparer), la présence d'un mini poster en couleurs... le seul bémol étant peut-être la couverture un peu trop rigide. Le prix de 14,45€, légèrement plus élevé que la plupart des autres light novels publiés en France et faisant environ ce même nombre de pages, peut s'expliquer par le soin accordé à l'édition bien sûr, mais aussi par le statut de petite structure indépendante de LaNovel. D'ailleurs, si les light novels de l'éditeur vous intéressent, le plus simple est de les commander directement sur son site, LaNovel fonctionnant surtout en auto-édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction