Pavillon des hommes (le) Vol.19 - Manga

Pavillon des hommes (le) Vol.19 : Critiques

Ōoku

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 28 Janvier 2022

Le décès soudain, si jeune, de la bienveillante shogun Iemochi, n'a fait que précipiter un peu plus le parfum de guerre civile installé dans le Japon suite au début d'ouverture du pays aux étrangers. Devenu le quinzième shogun, et surtout le premier shogun masculin depuis plus de 200 ans, Tokugawa Yoshinobu a restitué le pouvoir suprême à l'empereur en pensant pouvoir le récupérer ensuite, mais a été piégé par l'alliance de Takanori Saigo, des hommes de Chôshu et de ceux de Satsuma. Saigo, en tant que membre important du nouveau gouvernement, en profite pour essayer d'imposer sa vision de certaines choses concernant le shogunat, en particulier le fait qu'il trouve indigne que des femmes furent shogun pendant plus de deux siècles, un fait qu'il veut cacher et effacer de la grande Histoire. Et à l'heure où le bakufu doit tirer sa révérence, c'est également le pavillon qui n'a plus le moindre rôle à jouer...

Après plusieurs années passées à nous passionner, la série de Fumi Yoshinaga tire enfin sa révérence. Lancée au Japon en 2005, l'oeuvre s'est étalée sur 15 années, pour se conclure dans les tout derniers jours de l'année 2020, le 28 décembre, tout en connaissant au fil des ans différentes adaptations live, que ce soit en films ou en drama. Et en France, pas moins de 12 années auront été nécessaires aux éditions Kana pour nous la proposer, le tome 1 étant sorti dans notre pays en octobre 2009. Le Pavillon des Hommes a traversé toute la décennie 2010, auréolé d'un vrai succès au Japon et d'une excellente réputation de niche en France, pour finalement aboutir à une conclusion satisfaisante en tous points.

Car dans cette dernière ligne droite de 250 pages environ, Fumi Yoshinaga ne se contente pas de décortiquer le contexte historique amenant à la fin du shogunat et à l'ouverture du pays sur fond de conflits internes, chose qu'elle fait par ailleurs très bien en précisant avec clarté et immersion, quitte à être très bavarde, toutes les grandes lignes de cette période trouble. Derrière les grands faits historiques, l'autrice tâche d'achever son uchronie avec une grande intelligence, tout particulièrement en détaillant les raisons pour lesquelles, dans l'Histoire réelle, les shogun furent tous des hommes et le pavillon des hommes n'existe pas (la raison étant surtout due au fait que Saigo voulut cacher tout ça, car il considérait ces choses indignes vis-à-vis des pays occidentaux tels que les USA). Et ainsi, bien que la mangaka offre ici un récit fictif sorti de son imagination, on a facilement envie de se dire que des femmes shogun ont peut-être vraiment existé pendant ces deux siècles, mais que l'Histoire en a déformé le sexe. Et dans tous les cas, le propos quelque peu féministe est bien là, quand on voit ce qu'ont parfois pu accomplir les héroïnes shogun de l'autrice au long de lus de deux siècles de règne.

Mais qui dit fin du bakufu et fin des femmes shogun dit donc, également, fin du pavillon et de son entourage. De façon assez intimiste quelque part, Yoshinaga nous invite à suivre les différentes étapes amenant petit à petit la disparition du lieu emblématique de la série, ce lieu qui fut témoin de tant d'intrigues et qui a vu passer tant de générations, tant de relations. Et l'autrice n'oublie aucunement d'y préciser l'avenir des dernières personnes rattachées au lieu: Takiyama, Tenshôin, Kazunomiya/Chikako... que deviendront ces attachants figures dont on a suivi le parcours pendant ces derniers tomes ? Quelle place, quel avenir peuvent-ils trouver (ou non) dans le nouveau monde qui s'ouvre, ce monde où l'endroit où ils ont vécu tant de chose n'a plus lieu d'exister ?

On vous laisse évidemment le découvrir, mais à l'arrivée, c'est bel et bien sur une entière satisfaction ainsi que sur une pointe d'émotion que l'on ferme définitivement Le Pavillon des Hommes. Avec son rythme plutôt lent et son pitch pas forcément parlant pour un lectorat français lors de son lancement en 2009, la série n'a pas forcément rencontré le succès qu'elle mériterait chez nous. Mais maintenant qu'elle est achevée et que le lectorat français de manga a en partie évolué, il n'est pas trop tard pour découvrir l'une des plus riches et brillantes uchronies japonaises que l'on ait pu voir.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction