Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 11 Janvier 2022
La jeune, gentille et brillante shogun Iemochi a fait le choix d'épouser le prince Kazunomiya, parent de l'Empereur, afin de renouer les liens entre le shogunat d'Edo et la cour de Kyoto... mais en guise d'époux, elle a découvert une épouse: affirmant que le vrai prince est décédé, Madame Kangyôin, sa mère, a entrepris de faire passer sa fille Chikako pour Kazunomiya. Et alors que le mariage aurait donc pu capoter en ravivant possiblement les tensions entre le shogunat et la cour impériale (ce qui ne semble aucunement souhaitable dans le contexte actuel de difficile réouverture du pays à l'étranger), Iemochi en a décidé autrement, en acceptant bel et bien la jeune fille à ses côtés en tant que faux prince, pour ne pas troubler les débuts de la nouvelle entente entre le Shogun et l'Empereur. Depuis, Iemochi et la fausse Kazunomiya s'appliquent dans leur rôle, en évitant de révéler au plus grand nombre la vérité. Et si Chikako, au départ, détestait Edo, le fait est qu'à présent, portée par la bienveillance d'Iemochi, elle s'acclimate bien. Seulement, cela suffira-t-il à apaiser la situation, autant au sein du palais du shogunat que dans les relations internes du pays ?
Bien des problèmes continuent effectivement à s'intensifier, le premier d'entre eux étant interne au shogunat et concernant Dame Kangyôin: déguisée sous les traits du fonctionnaire Niwata, et voyant sa santé vaciller, la mère du faux prince ne supporte bientôt plus la situation et ne souhaite plus qu'une chose avant de mourir; revoir au moins une fois son fils... mais n'était-il pas censé être mort ? Et que fera alors Iemochi en apprenant la vérité là-dessus ? Fumi Yoshinaga répond à tout ça dans une première partie de tome très bien menée, dans la mesure où le désir de Kangyôin de revoir son fils implique pas mal de choses. On pense bien sûr à l'issue pour le vrai prince et sa mère, mais surtout, derrière, à ce que ça nous dit de la relation que la pauvre Chikako avait avec une mère qui ne l'a jamais vraiment aimée, qui pense bien plus à son frère qu'à elle, qui l'a même "sacrifiée" en en faisant le faux époux du shogun. Seulement, Chikako a-t-elle tout perdu dans ce drame familial ? En effet, elle a peut-être bel et bien trouvé en Iemochi un soutien de poids, et la shogun démontrera encore toute sa gentillesse dans sa réaction envers elle, même après avoir appris la vérité sur la non-mort du vrai prince.
Ainsi, la mangaka s'applique toujours aussi bien à approfondir ses personnages sur un plan plus personnel... mais le fait est qu'en toile de fond, ce sont bel et bien les conflits internes du pays qui s'accentuent, dans un contexte où tout le monde n'est pas d'accord quant à l'ouverture aux étrangers, ce qui s'apprête à plonger le Japon dans ces quelques années de chaos que l'on connaît bien. Les tensions, portées par des nobles qui veulent reprendre le pouvoir au bakufu et qui font pression sur l'Empereur pour expulser les étrangers, deviennent plus prégnantes par le biais de certains personnages, et dans tout ça on appréciera notamment que Yoshinaga se veuille assez précise historiquement, en faisant appel à certains événements véridiques (en tête le voyage shogunal à Kyôto en 1863, le premier depuis plus de deux siècles) ainsi qu'à diverses figures ayant bien existé et qui, pour certaines, auront sûrement un rôle-clé par la suite: Katsu Kaishû, Shimazu Hisamitsu, Hitotsubashi Yoshinobu, ou encore le Shinsen-gumi fraîchement créé.
Les enjeux tendus à l'échelle du pays s'intensifient donc, mais Yoshinaga n'oublie pas pour autant les situations plus spécifiques au palais du shôgun et au pavillon. Cela passe par quelques notes plus légères comme les petits malheurs de Tenshoin avec son chat Satohime, mais surtout par le désir de Chikako/Kazunomiya d'être utile pour la shogun en réfléchissant à diverses possibilités pour assurer la succession, et tout simplement par la santé d'Iemochi (l'occasion d'évoquer un peu plus la place qu'avait, à l'époque, la maladie du beriberi).
A l'arrivée, la lecture du pavillon des Hommes est, encore et toujours, un régal, tant Fumi Yoshinaga, en s'appuyant sur son trait fin et élégant, continue de revisiter avec force et précision l'Histoire japonaise.
Bien des problèmes continuent effectivement à s'intensifier, le premier d'entre eux étant interne au shogunat et concernant Dame Kangyôin: déguisée sous les traits du fonctionnaire Niwata, et voyant sa santé vaciller, la mère du faux prince ne supporte bientôt plus la situation et ne souhaite plus qu'une chose avant de mourir; revoir au moins une fois son fils... mais n'était-il pas censé être mort ? Et que fera alors Iemochi en apprenant la vérité là-dessus ? Fumi Yoshinaga répond à tout ça dans une première partie de tome très bien menée, dans la mesure où le désir de Kangyôin de revoir son fils implique pas mal de choses. On pense bien sûr à l'issue pour le vrai prince et sa mère, mais surtout, derrière, à ce que ça nous dit de la relation que la pauvre Chikako avait avec une mère qui ne l'a jamais vraiment aimée, qui pense bien plus à son frère qu'à elle, qui l'a même "sacrifiée" en en faisant le faux époux du shogun. Seulement, Chikako a-t-elle tout perdu dans ce drame familial ? En effet, elle a peut-être bel et bien trouvé en Iemochi un soutien de poids, et la shogun démontrera encore toute sa gentillesse dans sa réaction envers elle, même après avoir appris la vérité sur la non-mort du vrai prince.
Ainsi, la mangaka s'applique toujours aussi bien à approfondir ses personnages sur un plan plus personnel... mais le fait est qu'en toile de fond, ce sont bel et bien les conflits internes du pays qui s'accentuent, dans un contexte où tout le monde n'est pas d'accord quant à l'ouverture aux étrangers, ce qui s'apprête à plonger le Japon dans ces quelques années de chaos que l'on connaît bien. Les tensions, portées par des nobles qui veulent reprendre le pouvoir au bakufu et qui font pression sur l'Empereur pour expulser les étrangers, deviennent plus prégnantes par le biais de certains personnages, et dans tout ça on appréciera notamment que Yoshinaga se veuille assez précise historiquement, en faisant appel à certains événements véridiques (en tête le voyage shogunal à Kyôto en 1863, le premier depuis plus de deux siècles) ainsi qu'à diverses figures ayant bien existé et qui, pour certaines, auront sûrement un rôle-clé par la suite: Katsu Kaishû, Shimazu Hisamitsu, Hitotsubashi Yoshinobu, ou encore le Shinsen-gumi fraîchement créé.
Les enjeux tendus à l'échelle du pays s'intensifient donc, mais Yoshinaga n'oublie pas pour autant les situations plus spécifiques au palais du shôgun et au pavillon. Cela passe par quelques notes plus légères comme les petits malheurs de Tenshoin avec son chat Satohime, mais surtout par le désir de Chikako/Kazunomiya d'être utile pour la shogun en réfléchissant à diverses possibilités pour assurer la succession, et tout simplement par la santé d'Iemochi (l'occasion d'évoquer un peu plus la place qu'avait, à l'époque, la maladie du beriberi).
A l'arrivée, la lecture du pavillon des Hommes est, encore et toujours, un régal, tant Fumi Yoshinaga, en s'appuyant sur son trait fin et élégant, continue de revisiter avec force et précision l'Histoire japonaise.