Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 26 Janvier 2022
"Ici, dans le sud, on sait bien cultiver le blé, le tabac, le coton... et les esclaves."
En attendant l'arrivée d'Isaiah qui doit les rejoindre sur place, Amelia, Conor, Ted et Anna ont temporairement élu domicile chez Morales, un riche propriétaire terrien qui, en plein coeur de l'Etat esclavagiste du Kentucky, a mis en place un havre de paix où les domestiques noirs qu'il recueille peuvent trouver le sourire et la tranquillité en n'étant jamais violentés. Et pourtant, l'un d'eux, Ross, vient de fuir les lieux, en emportant Amelia avec lui en guise d'otage ! Le jeune homme, tellement meurtri par le passé qu'il peine à faire confiance au moindre blanc, a un objectif bien précis: atteindre et traverser la rivière Ohio, frontière entre les Etats esclavagistes et abolitionnistes. Mais tandis que la situation met la demeure de Morales sens dessus dessous, le danger à l'extérieur risque d'être omniprésent, notamment à cause des chasseurs d'esclaves qui rôdent...
Occupant encore la majeure partie de ce volume, cette délicate affaire revêt un cheminement classique, mais qui permet surtout à Eiichi Kitano d'aborder encore, avec une certaine force, un paquet de choses, à commencer par la situation des noirs à cette époque où Etats esclavagistes et Etats abolitionnistes se confrontaient. Evidemment, sur ce point, l'essentiel passe surtout à travers Ross, dont on découvre brièvement les grandes lignes du passé, lui qui n'a personne, n'a aucune famille, est tout simplement né et a grandi dans une servitude permanente comme si cela était la normalité. Et a travers son passé vite vu mais suffisant, on comprend bien d'où vient sa profonde défiance envers les blancs... L'auteur a toutefois le mérite de ne pas s'arrêter là, en faisant bien ressentir d'autres choses. Tout d'abord, le fait que, même libre, la vie d'un noir à l'époque reste difficile, entre le racisme et les autres obstacles. Ensuite, le fait que le havre de paix offert aux noirs du sud par Morales n'est pas une solution réelle pouvant bouleverser le système en profondeur, puisque même si les domestiques peuvent y vivre en paix, il leur manque toujours leur liberté, des droits équitables, et donc une part importante de leur humanité.
C'est aussi la fuite ensemble de Ross et d'Amelia qui est, en elle-même, intéressante, car la jeune fille est très loin de voir Ross comme une mauvaise personne bien qu'il ait été brutal avec elle: bien au contraire, elle cherche à le comprendre, à briser la glace, et se met même en colère face à la situation de cet homme. Pourquoi ? Sans doute non seulement car elle est comme ça, portée par un grand coeur, mais aussi parce que la situation de Ross et son désir de vraie liberté lui rappellent à elle-même son refus de se complaire dans sa condition.
Et en parallèle, il en est sûrement de même pour Conor: sauvé par Amelia alors qu'il étouffait dans sa condition, le jeune homme, qui a même commencé à apprendre à exprimer ses opinions auprès d'elle, est profondément inquiet pour sa maîtresse... alors, que ferait-il si jamais il retrouvait devant lui Ross, celui qui semble la menacer ? La réponse est assez cruelle, poussant Conor à prendre une certaine décision pour la suite du voyage.
Et cette suite, plaçant désormais Amelia en compagnie d'Isaiah, elle prend doucement mais sûrement le temps de se relancer en dernière partie du tome via une halte à Cincinnati où notre héroïne, pour poursuivre son voyage vers l'ouest, va tout d'abord devoir dénicher de nouveaux possibles alliés, et les convaincre que son statut de jeune fille maigrichonne ne fera pas d'elle un fardeau. En attendant de voir cette nouvelle partie se développer, tout ceci semble surtout l'occasion pour Kitano d'offrir une petite pause riche en différentes petites informations en tous genres sur l'époque: les beaten biscuits, les spécificités de la ville de Cincinnati en tant que ville située à la frontière entre Etats esclavagistes et abolitionnistes, la place de l'école et du savoir en ce temps-là, le rôle des saloons, le jeu de brag (un des ancêtres du poker)...
A l'arrivée, on a droit à un volume rondement mené, porté par un rythme soutenu, par des propos intéressants et suffisamment riches, et par une héroïne dont la force de caractère séduit et emballe toujours autant.
En attendant l'arrivée d'Isaiah qui doit les rejoindre sur place, Amelia, Conor, Ted et Anna ont temporairement élu domicile chez Morales, un riche propriétaire terrien qui, en plein coeur de l'Etat esclavagiste du Kentucky, a mis en place un havre de paix où les domestiques noirs qu'il recueille peuvent trouver le sourire et la tranquillité en n'étant jamais violentés. Et pourtant, l'un d'eux, Ross, vient de fuir les lieux, en emportant Amelia avec lui en guise d'otage ! Le jeune homme, tellement meurtri par le passé qu'il peine à faire confiance au moindre blanc, a un objectif bien précis: atteindre et traverser la rivière Ohio, frontière entre les Etats esclavagistes et abolitionnistes. Mais tandis que la situation met la demeure de Morales sens dessus dessous, le danger à l'extérieur risque d'être omniprésent, notamment à cause des chasseurs d'esclaves qui rôdent...
Occupant encore la majeure partie de ce volume, cette délicate affaire revêt un cheminement classique, mais qui permet surtout à Eiichi Kitano d'aborder encore, avec une certaine force, un paquet de choses, à commencer par la situation des noirs à cette époque où Etats esclavagistes et Etats abolitionnistes se confrontaient. Evidemment, sur ce point, l'essentiel passe surtout à travers Ross, dont on découvre brièvement les grandes lignes du passé, lui qui n'a personne, n'a aucune famille, est tout simplement né et a grandi dans une servitude permanente comme si cela était la normalité. Et a travers son passé vite vu mais suffisant, on comprend bien d'où vient sa profonde défiance envers les blancs... L'auteur a toutefois le mérite de ne pas s'arrêter là, en faisant bien ressentir d'autres choses. Tout d'abord, le fait que, même libre, la vie d'un noir à l'époque reste difficile, entre le racisme et les autres obstacles. Ensuite, le fait que le havre de paix offert aux noirs du sud par Morales n'est pas une solution réelle pouvant bouleverser le système en profondeur, puisque même si les domestiques peuvent y vivre en paix, il leur manque toujours leur liberté, des droits équitables, et donc une part importante de leur humanité.
C'est aussi la fuite ensemble de Ross et d'Amelia qui est, en elle-même, intéressante, car la jeune fille est très loin de voir Ross comme une mauvaise personne bien qu'il ait été brutal avec elle: bien au contraire, elle cherche à le comprendre, à briser la glace, et se met même en colère face à la situation de cet homme. Pourquoi ? Sans doute non seulement car elle est comme ça, portée par un grand coeur, mais aussi parce que la situation de Ross et son désir de vraie liberté lui rappellent à elle-même son refus de se complaire dans sa condition.
Et en parallèle, il en est sûrement de même pour Conor: sauvé par Amelia alors qu'il étouffait dans sa condition, le jeune homme, qui a même commencé à apprendre à exprimer ses opinions auprès d'elle, est profondément inquiet pour sa maîtresse... alors, que ferait-il si jamais il retrouvait devant lui Ross, celui qui semble la menacer ? La réponse est assez cruelle, poussant Conor à prendre une certaine décision pour la suite du voyage.
Et cette suite, plaçant désormais Amelia en compagnie d'Isaiah, elle prend doucement mais sûrement le temps de se relancer en dernière partie du tome via une halte à Cincinnati où notre héroïne, pour poursuivre son voyage vers l'ouest, va tout d'abord devoir dénicher de nouveaux possibles alliés, et les convaincre que son statut de jeune fille maigrichonne ne fera pas d'elle un fardeau. En attendant de voir cette nouvelle partie se développer, tout ceci semble surtout l'occasion pour Kitano d'offrir une petite pause riche en différentes petites informations en tous genres sur l'époque: les beaten biscuits, les spécificités de la ville de Cincinnati en tant que ville située à la frontière entre Etats esclavagistes et abolitionnistes, la place de l'école et du savoir en ce temps-là, le rôle des saloons, le jeu de brag (un des ancêtres du poker)...
A l'arrivée, on a droit à un volume rondement mené, porté par un rythme soutenu, par des propos intéressants et suffisamment riches, et par une héroïne dont la force de caractère séduit et emballe toujours autant.