Oxalis et l'or (l') Vol.1 - Actualité manga

Oxalis et l'or (l') Vol.1 : Critiques

Katabami to Ougon

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 17 Septembre 2020

En ce mois de septembre, le catalogue seinen des éditions Glénat accueille une nouvelle oeuvre on ne peut plus intrigante: L'Oxalis et l'Or, première publication française pour Eiichi Kitano, un jeune auteur ayant débuté sa carrière en 2013 et ayant auparavant signé deux autres séries courtes dans son pays. De son nom original Katabami to Ougon, cette oeuvre est prépubliée depuis 2019 dans le magazine Ultra Jump de Shûeisha. Et après avoir abordé les arts martiaux et la musique dans ses deux premières séries, ici le mangaka s'attaque à un gros morceau: la ruée vers l'or dans les Etats-Unis du milieu du XIXe siècle ! Pour cette fiction se déroulant dans un cadre historiques assez rigoureux, le mangaka s'est d'ores et déjà attiré les louanges de certains spécialistes du genre, à commencer par Makoto Yukimura (Vinland Saga) et Satoru Noda (Golden Kamui), excusez du peu !

Tout commence au coeur de l'Irlande en 1849, précisément l'année où débute la ruée vers l'or aux USA. Les terres irlandaises sont rongées depuis quelques années par la grande famine ayant déjà poussé nombre d'Irlandais à émigrer, essentiellement vers le continent américain. Et de leur côté, la jeune Amelia O'Neal et son fidèle Conor Bowen sont bien décidés à faire de même quand ils auront réussi à réunir la somme nécessaire pour prendre le bateau. Avant la famine, Amelia était une enfant heureuse aux côtés de ses proches, et Conor, fils d'une famille ayant toujours apporté ses services aux O'Neal, a toujours été là pour elle. Mais voici déjà un certain temps que tous leurs proches ont succombé dans la famine, que ce soit de faim ou de maladie. Et voici trop longtemps qu'ils sont livrés à eux-même, survivant tant bien que mal après avoir traversé tant de douleurs. Amelia n'a d'ailleurs que la peau sur les os, à tel point qu'elle est beaucoup trop chétive pour une fille de 14 ans. Mais c'est en ayant été nourrie par ces épreuves terribles qu'elle s'est mise en tête une quête folle, comme tant d'autres personnes du monde entier à cette époque: partir jusqu'à New York puis traverser les Etats-Unis de l'extrême est à l'extrême ouest, jusqu'en Californie, pour y dénicher de l'or est vivre à millions. Sur la route, les deux inséparables compères pourraient certes éventuellement trouver un bonheur simple, mais ce n'est absolument pas ce qu'Amelia veut: pour prendre sa revanche sur la vie et compenser toutes les douleurs vécues, il lui faudra au moins devenir riche...

"Cette histoire raconte le voyage d'une forty-niner, aussi faible qu'affamée."

Derrière un titre pas du tout parlant pour l'instant (pourquoi l'Oxalis ?), la série nous prépare donc à un voyage bourré d'ambition, au fil de ce premier volume introductif et pourtant déjà très prenant, d'autant qu'il nous fait déjà traverser l'océan. De ce fait, trois grandes étapes ont lieu dans ce volume, augurant d'un périple qui, forcément, ne sera pas de tout repos... et qui, surtout, se voudra assez rigoureux dans l'évocation de nombreuses choses historiques, comme en témoigne sûrement la supervision de la série par Kazuyoshi Takano, un professeur de l'Université de Kyushu spécialisé sur cette période.

Tout commence donc par une incursion immersive dans une Irlande déchirée par la grande famine. Pauvreté, faim, terres dévastées, mort... L'auteur évoque vite et bien le contexte terrible, que ce soit à travers nos deux héros ayant un passé douloureux en ayant perdu tous leurs proches, ou via une première rencontre ayant lui aussi perdu sa jeune fille. Kitano se veut d'ores et déjà assez riche en évoquant certaines choses typiques de l'Irlande, comme les tourbes, les terres battues par le vent, ou même le plat si typique qu'est l'irish stew. Tout comme il s'applique à souligner le contexte d'alors, notamment vis-à-vis des voisins anglais (les terres irlandaises étaient possédées par les Anglais).
De quoi déjà bien laisser deviner ce que sera l'oeuvre dans sa part historique, est cela se confirme avec l'arrivée du voyage en bateau qui, elle aussi, se voit efficacement décortiquée: conditions de vie déplorables des émigrés sur le navire, repas très frugaux, obligation de dormir à trois dans des couchettes insalubres bourrées de poux et de nuisibles pouvant amener des maladies, conditions météorologiques rudes... et, forcément, des morts inévitables dans de telles conditions (ce que l'on appelait la fièvre récurrente), même si dans l'adversité Amelia s'attire la sympathie d'une nouvelle rencontre.
Quant à la deuxième moitié du tome, elle s'attaque déjà à l'arrivée à New York et aux premiers pas du duo dans cette immense ville qui leur apparaît forcément gigantesque à côtés de leurs villes irlandaises de Cork ou Galway. Mais alors qu'Amelia espère déjà vivre un vrai renouveau dans cette cité censée être un symbole de liberté, il lui faudra composer avec différents problèmes: rabatteurs cherchant à arnaquer les nouveaux venus par différents moyens, racisme parfois profond envers les nombreux migrants irlandais (qualifiés de dégoûtants, porteurs de maladies, illettrés, pauvres, ou même catholiques sur des terres protestantes), et dangerosité autour des différents gangs de la ville. Sur ce dernier point, l'auteur évoque volontiers des gangs ayant réellement existé comme les Dead Rabbits (un gang irlandais), ainsi que des figures assez terribles de l'époque tel que Billy the Butcher, chef du plus important gang, faisant régner la loi à sa manière, et haïssant les irlandais... Autant de dangers qui risquent forcément de vite croiser la route de nos héros, aboutissant même sur un climax en fin de tome... Mais en dehors de ça, Kitano présente aussi d'autres choses, comme une autre rencontre plus positive pour nos héros, ou un petit cours sur la place du café à l'époque.

En somme, on a déjà une vraie richesse de fond dans ce début de périple, mais une telle oeuvre serait sûrement moins prenante sans des héros réussis, et de ce côté-là on peut dire que le duo principal en impose facilement dans son genre, en particulier Amelia ! Car la jeune fille, après tout ce qu'elle a vécu d'horreurs, démontre un sacré courage où elle est loin de se morfondre sur elle-même. Bien au contraire, elle a beau être physique très affaiblie, elle se veut énergique, enjouée... mais on cerne bien qu'il s'agit surtout d'une apparence: elle veut se persuader que tout ira bien pour ne pas sombrer, et ça la rend d'autant plus attachante. Voire parfois rigolote quand elle fonce. Surtout, derrière ce caractère et sa soif de grandeur/d'or pour compenser son passé tragique, on entrevoit aussi une adolescente assez charitable, notamment par l'aide et le soucies des autres dont elle fait preuve sur le bateau. Et à ses côtés, Conor est une figure indispensable, mettant son grand gabarit au service de sa précieuse maîtresse dans tous les cas de figure, toujours prêt à la soutenir... si bien que l'on sent vraiment que ces deux-là sont tout l'un pour l'autre depuis qu'ils ont perdu tous leurs proches.

"Même si on mène une vie paisible jusqu'à la fin de nos jours... ça ne sera jamais suffisant pour compenser les souffrances qu'on a endurées !"

Notons aussi que, malgré la rudesse du contexte, l'oeuvre ne se veut pas excessivement pesante: l'auteur ne s'attarde jamais trop sur les moments difficile et émouvants, jauges bien les chose,s et sait même compenser avec de régulières notes d'humour tirant notamment parti du côté fonceur d'Amelia et du côté "chien-chien" de Conor. Le petit climax de fin se paie lui-même une part humoristique dans la manière dot Amelia provoque celui qu'il ne fallait surtout pas embêter !

Enfin, sur le plan visuel et narratif, c'est prometteur. Kitano démontre une certaine rigueur dans les éléments d'époque (tenues, bâtiments) sans trop en faire, et insiste sur une narration enlevée ainsi que sur un trait dynamique et expressif pour apporter un souffle constant. Efficace, en somme.

Au bout du compte, le périple d'Amelia et Conor dans leur soif d'or démarre sous de très bons auspices avec ce premier volume déjà assez riche, immersif et bien rythmé. Suivre cette ruée vers l'or dans un cadre historique assez rigoureux s'annonce particulièrement plaisant, et l'on espère bien que la suite saura confirmer ces très bonnes impressions.

Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique non-corrigée fournie par l'éditeur, par d'avis sur l'édition.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs