Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 14 Février 2024
Après Restart en mai 2021 et Le printemps d'un coeur brisé en avril 2022, la mangaka Cocomi a fait son retour dans le catalogue des éditions Hana au mois de septembre 2023 avec Oublier le temps perdu, un récit qui fut initialement prépublié au Japon en 2021-2022 dans le magazine Gush des éditions Kaiôsha sous le titre anglo-nippon Loss Time ni Hanamuke o (littéralement "Un toast pendant les arrêts de jeu", ce qui est un clin d'oeil à la toute fin de l'histoire). Ses cinq chapitres ont ensuite été regroupés là-bas, le 8 septembre 2022, en un unique volume broché agrémenté d'un court chapitre bonus de 7 pages, pour un total de près de 190 pages.
Ici, Cocomi prend le contrepied de pas mal de romances du genre, puisque tout commence par une rupture, celle du coiffeur Tsukushi et de son petit ami écrivain Tôi. Cela faisait pourtant quatre années qu'ils étaient en couple, qu'ils vivaient ensemble et qu'ils s'aimaient sincèrement. Mais ce que Tsukushi appréciait au départ chez Tôi est devenu ce qu'il déteste désormais, l'écrivain ayant malheureusement toutes les peines du monde à bien exprimer ses sentiments et son affection autrement que par le sexe. Ils se connaissent tellement par coeur qu'ils ne se parlaient plus vraiment, il était devenu rare qu'ils mangent ensemble, etc... Si bien qu'après une énième dispute à cause de ce manque de communication, Tsukushi a fini par claquer la porte et par se réfugier dans la demeure familiale en attendant de trouver autre chose. Mais sera-t-il si facile de tourner la page quand, dans le fond, les sentiments sont toujours là ?
La chose qui change un peu de beaucoup de BL et qui est donc appréciable ici, c'est d'avoir, d'emblée, un duo principal qui est (enfin, était) déjà en couple et qui se connaît par coeur autant dans leurs qualités que dans leurs défauts. Et cela même si, aux yeux de Tsukushi, les défauts étaient devenus bien trop envahissants. A partir de la situation initiale de rupture, Cocomi va alors s'appliquer à sonder ses héros pour nous faire sentir que, dans le fond, ils s'aiment toujours. On suit principalement les pensées de Tsukushi qui essaie de faire le point, qui repense inévitablement à nombre de moments précieux du passé (comme sa rencontre initiale avec Tôi), qui tente vainement de passer à autre chose, le tout en comprenant toujours mieux que Tôi est vraiment l'homme de sa vie. Cependant, Tôi n'est évidemment pas oublié, et on aura l'occasion de cerner le passé familial qui l'a rendu si distant envers l'amour expressif, et aussi de voir que dans le fond il est loin d'être insensible, sa façon de véhiculer ses sentiments dans son nouveau roman étant aussi une chouette petite idée même si elle est rapide.
En un nombre somme toute assez restreint de pages, l'autrice mène alors plutôt bien son récit, en proposant des héros plutôt crédibles, en soulignant efficacement à quel point la communication est importante dans un couple pour ne pas laisser silencieusement une distance se créer, et en emballant le tout dans un rendu visuel assez fin et expressif, teinté de quelques jolis angles de vue et de quelques instants érotiques brefs et non-censurés.
Côté édition... eh bien, il faut avouer que ça pèche un peu sur certains points, à commencer par la qualité d'impression affichant régulièrement trop de moirage, ce qui est toujours dommage. Côté traduction, Laurie Asin livre une copie vraiment claire et agréable, même si l'on pourra y regretter quelques coquilles ayant échappé à la relecture ainsi que la conservation parfois inutile de certains suffixes japonais. A part ça, la jaquette est sobre et fidèle à l'originale nippone, le papier est de qualité tout à fait correcte, le lettrage est assez propre, et les trois premières pages en couleurs sur papier glacé nous laissent profiter de deux jolies illustrations.