Orochi Vol.4 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 13 Janvier 2022

Les aventures d'Orochi sont destinées à s'achever avec ce quatrième et dernier pavé de 320 pages environ, au fil desquelles nous découvrons deux ultimes histoires initialement publiées au Japon en 1970 dans la revue Shônen Sunday de Shôgakukan, et comptant respectivement un tout petit peu moins de 100 pages et un peu plus de 200 pages.

Dans "Les Yeux", la vagabonde et "immortelle" silhouette d'Orochi voit son attention attirée par Keiko, une jeune fille qui a pour particularité d'être aveugle depuis la naissance, et qu'elle décide alors d'observer avec attachement. Ayant une ouïe et un odorat un peu plus précis que la moyenne pour compenser son absence de vue, elle est tout de même gentiment guidées par les voisins dans la rue en cas de pépin, s'amuse régulièrement avec son ami plus jeune qu'elle Satoru, vit dans un certain bonheur avec son père qui travaille à l'usine du coin... du moins, jusqu'au jour où un homme effrayé pénètre dans la maison de Keiko quand elle est seule, et s'y fait tuer froidement par un autre homme, situation que la jeune fille devine avec effroi sans pouvoir faire quoi que ce soit. Le meurtre ayant eu lieu dans sa maison, le père de Keiko se retrouve injustement accusé et embarqué par la police. Pour le sauver, Keiko, aidée par le petit Satoru, n'a d'autre choix que d'essayer de retrouver la trace du vrai meurtrier par ses propres moyens, puisque aucun adulte ne semble vouloir l'aider. Mais dès lors qu'il se sent repéré, le sinistre homme risque bien de devenir celui qui traque, et la jeune fille la proie... Sous les yeux d'une Orochi qui n'est cette fois-ci qu'une simple observatrice inquiète pour Keiko, Kazuo Umezu nous offre un véritable petit thriller condensé, où les rebondissements souffrent certes parfois de quelques légères facilités plutôt propres à l'époque, mais où il régale surtout par certaines trouvailles visuelles, notamment les brefs moments où il tire parti des cadrages afin de nous faire ressentir les choses quasiment comme si nous étions à la place de Keiko, c'est-à-dire dans l'incapacité de voir exactement ce qui se passe. Dans tout ça, on appréciera également la façon dont la jeune fille compense son absence de vue par les sens de l'ouïe et de l'odorat.

Dans "Le Sang", Orochi s'infiltre dans un grand manoir qui l'intrigue, celui de la famille Monzen, et commence à y observer deux petites filles. La grande soeur, Kazusa, est la fierté de la famille, en étant douée en tout, tandis que la petite soeur, Risa, est constamment conspuée par sa mère et par ses proches car elle est beaucoup moins douée en tout et fait, selon sa maman, la honte des Monzen. Marquée par cette sévérité permanente, la petite Risa grandit sans bonheur, dans cette grande demeure froide et sombre dont elle ne connaît même pas toutes les pièces, et en détestant son quotidien. Son seul réconfort ? Sa relation avec sa grande soeur: Kazusa est toujours douce et gentille avec elle, les deux fillettes jouent beaucoup ensemble... Elles semblent beaucoup s'aimer, et c'est même cet amour qui poussera Risa vers un acte aux conséquences dramatiques, alors qu'elle voulait simplement s'occuper de sa soeur. C'est ainsi qu'Orochi observe plus particulièrement Risa au fil du temps... du moins, jusqu'à ce qu'un rebondissement, sur lequel notre héroïne a un impact cette fois-ci, fasse prendre à cette histoire familiale un autre virage. Ce récit commence comme un drame familial assez immersif, où l'on suit les déboires de la petite Risa, isolée dans cette bâtisse très sombre dont Umezu retranscrit fort bien l'aspect suffocant avec des intérieurs vaste mais en même temps très cloisonnés, comme si la fillette ne pouvait échapper au poids que sa mère fait peser sur elle. Mais la deuxième partie du récit prend un tournant un petit peu plus inattendu, où Orochi se retrouve dans une situation jusque-là inédite (et qui sera l'occasion d'expliquer un minimum pourquoi elle ne vieillit pas) et a l'occasion de continuer son observation de cette famille, jusqu'à l'inévitable et terrible issue.

Les deux histoires sont bien campées, immersives, distillent même certaines thématiques qui étaient sans doute moins courantes il y a un demi-siècle... et ce que l'on y retiendra plus que tout est sûrement, une fois de plus, la manière dont Umezu cristallise un effroi provoqué par les humains eux-mêmes, et plus particulièrement par des adultes n'hésitant jamais à bafouer l'innocence enfantine. On a déjà pu voir à quel point le sujet est récurrent dans la bibliographie d'Umezu, et il frappe encore juste ici, entre une jeune aveugle et son ami Satoru ne pouvant faire confiance à aucun adulte tant ceux-ci pensent avant tout à eux, et une fillette tellement bafouée par les exigences absurdes du monde adulte qu'elle en gardera un certain choc et fera subir à son tour les plus cruels sévices à une enfant, tandis que sa grandes soeur n'est elle-même plus si angélique une fois devenue adulte.

On gardera un bon souvenir d'Orochi. Source importante de certains auteurs à commencer par Junji Itô (ne serait-ce que pour son schéma narratif ayant quelque peu inspiré Tomie), l'oeuvre arrive en France avec ses 50 ans dans les pattes et peut alors paraître un peu facile sur certains événements, mais elle reste une pierre angulaire de la carrière d'Umezu, et n'a quasiment rien perdu de sa puissance graphique.
 

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction