Oni Goroshi Vol.1 - Actualité manga
Oni Goroshi Vol.1 - Manga

Oni Goroshi Vol.1 : Critiques

Oni Goroshi

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 13 Mai 2024

Après le beau succès (mérité) de Gannibal, les éditions Meian ont décidé de récidiver dans le thriller issu du Manga Goraku des éditions Nihon Bungeisha, un magazine qui, est capable du très bon (Gannibal donc, mais aussi Inspecteur Kurokochi ou encore Gift±) comme du très mauvais (coucou Pinsaro Sniper ou Clover Cinderella). Lancé en France à la toute fin du mois de mars, Oni Goroshi semble, fort heureusement, voué à se ranger dans la première catégorie si l'on se fie à ce premier tome.

Au Japon, l'oeuvre a été lancée en 2020 et compte 13 volumes à l'heure où ces lignes sont écrites. Il s'agit de la toute première publication française de Masamichi Kawabe, un mangaka qui a auparavant fait ses armes dans le magazine Morning des éditions Kôdansha avec "Bandit" et "Killer Ape", deux séries plus courtes qui étaient déjà ancrées dans une atmosphère sombre et violente.

Oni Goroshi démarre sur des toutes premières pages qui donnent d'emblée le ton brutal du récit: le 5 novembre 1991 dans la ville de Shinjô, Shûhei Sakata, père de famille de 33 ans, est arrêté dans un état critique, après avoir tué sa femme Aoi, 27 ans, et sa fille Ryô, 5 ans, puis avoir retourné l'arme du crime contre lui. C'est, du moins, la version officielle de ce tragique fait divers, car la vérité est tout autre: mafieux ambitieux qui était sur le point de conquérir la ville avec son acolyte Akira Fujita, Shûhei a été piégé par cinq personnes portant chacune un masque de théâtre nô différent comme s'il s'agissait de démons, et qui ont organisé la mise à mort de la famille de notre personnage principale, la police ayant ensuite vite classé l'affaire face aux preuves qui semblaient assez évidentes et au fait que, dans cette ville, les croyances liées au folklore des démons sont très prégnantes, plusieurs cas de possession ayant été répertoriés au fil des décennies voire des siècles. Laissé dans un état végétatif suite à la balle reçue en pleine tête, Shûhei connaît pourtant, 15 ans plus tard, une libération conditionnelle pour certaines raisons. D'abord cantonné à l'état de légume incapable de faire grand chose, il se réveille pourtant totalement quand il reconnaît la façon de parler de l'un de ses cinq tortionnaires, ce qui le pousse à entamer sa sombre et violente quête de vengeance pour éliminer ceux qui ont brisé sa famille et sa vie...

Au vu de ce pitch de base, Oni Goroshi semble partir sur une impitoyable quête de vengeance comme il en existe beaucoup, les éléments de base étant même très classiques, de même que les premières révélations sur l'identité de certains des cinq tortionnaires d'il y a 15 ans qui sont cousues de fil blanc, que les premières trahisons qui sont quasiment des gros poncifs du genre, et que le cliffhanger de fin de tome qui se devinait largement dans la mesure où l'on n'a pas vu le personnage concerné se faire tuer. Mais fort heureusement, Masamichi Kawabe semble très loin de vouloir se limiter à ça. La longueur de la série était déjà un indice (13 tomes juste pour se venger de cinq types, ça aurait pu sembler déjà beaucoup), et très rapidement on a la confirmation que bien d'autres choses vont venir se mêler à la fête: une nouvelle affaire de meurtre de toute une famille que l'on veut mettre sur le dos de Shûhei, la possible enquête du journaliste Kamiyama pour essayer de déterminer si notre personnage principal est vraiment possédé par un démon, des conflits internes au sein de cette ville qui a beaucoup changé en 15 ans... sans oublier un élément qui prend assez vite de plus en plus d'importance: jusqu'où Shûhei sera-t-il prêt à aller pour assouvir sa vengeance ? C'est précisément sur ce dernier point que ce début d'histoire nous intrigue le plus: largement plus proche de l'anti-héros que du héros (lui-même était autrefois un malfrat ambitieux et violent), désormais uniquement mû par le désir de vengeance comme s'il était possédé, Shûhei en arrivera peut-être à se mettre toute la ville à dos et à devoir la réduire à néant avec ses habitants, ce qui ne semble a priori lui poser aucun problème.

A l'ambivalence de ce personnage principal, on peut ajouter deux autres grosses qualités, dont la première est la façon qu'a le mangaka de nous plonger au coeur de la ville de Shinjô, parfois quasiment comme s'il s'agissait d'un personnage à part entière. C'est plus particulièrement le rapport qu'entretient cette cité avec son folklore local qui frappe, tant l'auteur cherche efficacement à créer tout un background crédible et immersif pour y faire ressortir de fortes croyances envers les démons et les possessions, en s'appuyant sur des légendes assez poussées pouvant remonter jusqu'à plusieurs siècles en arrière. Quant à l'autre qualité, il s'agit du dessin-même du mangaka, dense, intense dans son atmosphère, marqué par des élans de violence assez marquante, sans concession dans ses événements (même si on ne les voie pas vraiment directement, il y a aussi des meurtres d'enfants, entre autres), marqué par des designs de personnages souvent très burinés, se rendu graphique impose bel et bien toute une ambiance qui a de quoi facilement prendre aux tripes. Il restera alors juste, à l'auteur, à gommer certaines limites dans sa narration visuelle, certaines planches étant bien moins lisibles que d'autres, d'autant plus que l'accumulation rapide de nombreux personnages peut parfois donner une impression un petit peu fouillis.

Malgré quelques limites que l'on espère voir vite se gommer, Oni Goroshi part sur des bases assez solides pour quiconque aime ce genre de thriller très sombre, sans concession et flirtant un peu avec l'horreur, un genre qui reste finalement assez rare dans notre pays côté manga. En s'appuyant sur d'évidentes qualité de dessin et d'ambiance, Masamichi Kawabe parvient assez bien a piquer la curiosité dans l'ensemble, surtout parce qu'il nous fait vite sentir que son histoire ne se limitera pas strictement à un récit de vengeance linéaire. On apprécie donc grandement que le tome 2 soit sorti en même temps que le premier volume, car il devrait nous permettre d'y voir encore un peu plus clair dans les promesses affichées par l'oeuvre !

Enfin, côté édition française, c'est du tout bon de la part de Meian: la jaquette reste proche de l'originale japonais tout en s'offrant un logo-titre soigné et rehaussé d'un beau marquage métallisé rouge, les quatre premières pages en couleurs sur papier glacé sont un plus toujours sympathique, le papier est à la fois épais, assez souple et suffisamment opaque, l'impression est très convaincante, le lettrage effectué par Mickaël Ponsard est soigné, et la traduction est bien dans le ton et sans fausse note de la par de Vincent Marcantognini, grand habitué de ce genre d'ambiance assez sombre puisqu'il a aussi oeuvré, entre autres, sur Gannibal, Shigurui, Les 7 Ninjas d'Efu, Golden Guy, Les Affamés ou même Karakuri Circus.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs