Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 12 Septembre 2025
Débarquant en librairies à la fin de ce mois de septembre après avoir connu une avant-première de ses deux premiers volumes sur le stand de Noeve Grafx à Japan Expo début juillet (d'où l'arrivée anticipée de cette chronique), One Week Friends est une série achevée en sept tomes qui est la première publication française ainsi que la première série longue de la carrière de Matcha Hazuki, une autrice qui a débuté dès 2008 avec le manga Kimi to Kami Hikouki to, un titre qui fut toutefois abandonné après un seul tome. De son nom original "Isshûkan Friends", cette oeuvre a été prépubliée au Japon entre 2012 et 2015 dans le magazine Gangan Joker de Square Enix, et a également connu là-bas une adaptation animée en 2014 puis une adaptation en film live en 2017. Notons aussi l'arrivée, en 2021, d'une suite nommée "Sono Ato no Isshuukan Friends" mais ayant elle aussi été abandonnée après seulement cinq chapitres. De manière générale, One Week Friends a été le seul succès de la carrière de cette autrice qui n'a fait qu'une seule autre série longue ( "Boku ga Boku de Aru Tame ni", sur laquelle les avis semblent très partagés), avant de disparaître de la circulation en 2021 après l'arrêt de Sono Ato no Isshuukan Friends. Souhaitons juste que ce silence radio depuis plus de quatre ans n'ait pas des raisons graves...
Cette petite présentation faite, l'heure est venue de plonger dans l'histoire de cette série où Yûki Hase, un lycéen tout ce qu'il y a de plus banal, se sent très intrigué par une de ses camarades de classe: Kaori Fujimiya, une fille qui est toujours seule et froide, qui ne se mêle jamais aux autres si bien que les autres ne cherchent plus du tout à se rapprocher d'elle. Hase, lui, n'a pourtant qu'une envie en la regardant: devenir son ami, mais sa timidité fait qu'il n'a jusque-là jamais osé lui adresser la parole. Quand il a enfin l'occasion de le faire, il découvre une fille qui semble beaucoup plus gentil que ce que laissent penser les apparences... mais qui refuse catégoriquement de se lier d'amitié avec lui. La raison ? En sentant qu'elle peut faire confiance à Hase après avoir passé plusieurs bons moments avec lui, Fujimiya finit par l'avouer: chaque lundi, elle perd mystérieusement tout souvenir de ses amis...
Si l'idée de départ a de quoi être assez intrigante, son exploitation est hélas trop légère pour le moment, puisque Matcha Hazuki peine beaucoup à offrir suffisamment de consistance à ce principe. En effet, forcément, certaines questions se posent, en tête desquelles une évidente: comment ça marche exactement ? Comment donc Fujimiya peut-elle oublier comme ça ses amis et uniquement eux, tandis qu'elle se rappelle de tout le reste comme sa famille, les cours, les mangas qu'elle a lus, les fois où elle a essayé de faire un journal intime... ? Pourquoi cette amnésie frappe-t-elle chaque lundi ? Bien sûr, des hypothèses sur l'origine potentielle de cette amnésie partielle et hebdomadaire peuvent être faites, et on en aura déjà un peu vers la fin du tome grâce à Kiryû, le meilleur ami de Hase. Mais à part ça, eh bien le fait est que, bizarrement, les principaux personnages ne se posent pas plus de questions que ça. Fujimiya reste bien passive face à sa situation (même si l'on devine, via l'histoire des journaux intimes, qu'elle a déjà tenté des choses pour y remédier), Hase pense juste à se rapprocher d'elle et à essayer de lui faire retrouver des bribes de mémoire sans forcément se questionner plus profondément sur les raisons du problème de la jeune fille... Et puis tout simplement, quid de la famille de Fujimiya ? Quels parents lâcheraient leur fille comme ça à l'école dans ces conditions sans expliquer son problème ? Peut-être que ces éléments seront précisés lors des volumes suivants, mais dans l'immédiat tout est bien trop vague, et le côté mystérieux trop lisse, pour que l'on adhère entièrement au propos.
Reste, alors, l'éventuel plaisir plutôt tendre à observer la manière dont Fujimiya et Hase, malgré le souci de l'adolescente, vont tâcher de bâtir une amitié sincère malgré les obstacles. Au gré des moments passés ensemble, de discussions, de sorties, de jeux, on sent bien la jeune fille s'ouvrir en douceur au contact d'un Hase qui, même s'il ne se pose pas beaucoup de questions, apparaît sincère dans sa démarche, le tout étant sûrement voué à permettre à la mangaka d'explorer quelque peu la notion d'amitié bien sûr. A la douceur globale s'ajoutent assez bien des touches douces-amères, comme quand on sent bien la douleur contenue de Fujimiya à l'idée de ne pas se rappeler des bons moments qu'elle vit avec Hase, ou encore des petites notes d'espoir lorsque certaines bribes de souvenirs reviennent chez la jeune fille... Mais pour bien profiter ce cela, il faudra quand même passer outre d'autres limites.
Dans ces limites, il y a en premier lieu le choix un peu bancal de l'autrice d'alterner entre manga standard et phases en format yonkoma (strips verticaux en quatre cases, rappelons-le) : cela n'apporte rien dans le propos, le principe même du yonkoma (où chaque case doit correspondre à une étape précise) est parfois tordu, et au final on se retrouve avec un rythme narratif souvent cassé. Mais il y a aussi, tout simplement, le rendu visuel, franchement très pauvre: très peu de décors, beaucoup de vide, des designs totalement basiques (au point que les trois quarts du temps les personnages semblent ne pas avoir de nez, très peu d'émotions différentes sur les visages... Voila qui n'aide pas non plus à s'immerger au mieux.
A l'arrivée, One Week Friends devra confirmer au bout de ce premier volume. Certes, l'idée de départ est assez intrigante, et le lien qui se bâtit entre les protagonistes offre certains jolis moments et a de quoi se bonifier par la suite, mais tout le reste est pour l'instant un peu trop bancal, lisse et pauvre pour convaincre totalement. Espérons que le tome 2, disponible en même temps que ce 1er opus, fasse décoller cette oeuvre que, dans le fond, on a envie d'aimer.
Enfin, du côté de l'édition française, la copie est globalement correcte, sans être excellente. La principale lacune découle d'une constatation: avec une trentaine de sorties prévues chaque mois jusque fin 2026 et la réimpression de très nombreux titres, il y avait de quoi se demander vers quel imprimeur l'éditeur s'est tourné pour pouvoir gérer tout ça sur un marché déjà saturé, et la réponse est simple: la grande majorité des titres, dont celui-ci (ou en tout cas la version qui était en avant-première à Japan Expo, sur laquelle cette chronique se base), ont été imprimés à des milliers de kilomètres de chez nous, chez InkWize en Chine, ce qui non seulement n'est vraiment pas fou sur le plan écologique, mais en plus se révèle très inégal en terme de qualité d'impression et de papier. Dans le cas de la série de Matcha Hazuki, l'impression est somme toute assez satisfaisante (en même temps, vu la pauvreté du dessin...), en revanche le papier est un peu transparent malgré son épaisseur. Heureusement, Noeve Grafx se rattrape via une traduction assez claire de Vanessa Gallon, un lettrage plutôt propre, et une jaquette soigneusement adaptée de l'originale nippone par Emma Poirrier avec un logo-titre soigné et des éléments dotés d'un vernis sélectif.