Nous irons manger du crabe Vol.1 - Actualité manga
Nous irons manger du crabe Vol.1 - Manga

Nous irons manger du crabe Vol.1 : Critiques

Yukionna to Kani wo Kû

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 06 Décembre 2022

Depuis leur lancement en 2020, les éditions Noeve nous ont fait découvrir moult belles œuvres. Dans l'optique de l'échange équivalent, tant de nouveaux manga riment malheureusement avec un rythme de parution assez chaotique de toutes ses séries qui peinent à coexister sur le planning de la jeune maison, la crise actuelle du papier n'arrangeant sans doute rien à la chose. Parmi les quelques pépites inaugurées depuis la rentrée scolaire 2022, il y a «  Nous irons manger du crabe  », un titre assez curieux qui cache un manga en 9 volumes de Gino0808, autrice très ancrée dans le drame érotique, dont les débuts en tant que mangaka remontent aux alentours de 2016. Une artiste à la carrière jeune, donc, la présente série n'étant d'ailleurs pas sa première œuvre. Lancée en 2019 sous le titre original « Yukionna to Kani wo Kû », l'œuvre a fait son petit chemin dans le Young Magazine de la maison Kôdansha, avant de tirer sa révérence tout récemment. Un manga peu long, donc, qui a de quoi titiller notre intérêt aussi bien par son intitulé francophone que par son synopsis.

Le manga de Gino0808 narre l'histoire d'un homme, une figure pleine de désillusion, qui souhaite en finir avec la vie... mais pas avant d'avoir mangé du crabe. Projetant de se rendre à Hokkaido pour profiter de quelques plaisirs avant de rejoindre le monde des morts, la réalité économique le rattrape  : Il n'a presque plus un sou en poche, et certainement pas de quoi financer un tel voyage. La seule solution qu'il trouve est peut-être la plus abjecte de toutes  : Suivre une femme aisée et la séquestrer chez elle, jusqu'à obtenir de quoi organiser son dernier grand projet. Seulement... l'interaction est un poil différente de ce qu'il imaginait. N'opposant aucune résistance, son innocente victime, belle et distante, se soumet corps et âme, pensant que ce criminel est là pour la violer. Après l'acte charnel, l'homme, chamboulé par celle qui reste sereine face à lui, est rattrapé par l'horreur de son comportement, et compte reprendre son projet de fin de vie initial. Ce, jusqu'à ce que cette femme, Ayame Yukieda, lui propose de se joindre à lui pour un voyage à Hokkaido, là où ils pourront manger du crabe, ensemble, et à ses frais. Le criminel et la victime deviennent alors des compagnons de route, un voyage qui pourrait s'avérer salvateur pour chacun d'eux, brisés par leurs existences respectives.

Les premières pages de ce volume de démarrage ne manquent donc pas de désarçonner. L'homme (surnommé "Kita"), passe rapidement d'une figure intrigante, voire touchante, à un individu abject, profitant de la situation comme de sa victime... jusqu'à ce que cette singulière Ayame prenne le dessus sur leur relation, et que l'histoire se lance véritablement. Syndrome de Stockholm  ? Loin de là, tout portant plutôt à croire que cette protagoniste, belle et d'un enthousiasme très modéré dans la vie de tous les jours, attendait justement un élément perturbateur pour s'évader, elle aussi.

Et c'est là que «  Nous irons manger du crabe  » parvient à révéler toute sa finesse. Ces deux personnages deviennent deux parts de mystère que ce voyage vers Hokkaido viendra résoudre au fil des escales. À chaque fois, et à chaque dialogue entre les deux personnages, ce sont les parts d'ombre de l'un ou de l'autre qui se dévoilent, de même pour l'intérêt commun que se vouent Kita et Ayame. D'un côté, un homme perdu, qui souhaite en finir avec tout, brisé par sa jeunesse et par ses récentes impulsions criminelles. De l'autre, une femme, mariée, qui semble avoir accès à ce qui ferait le bonheur de chacun, mais qui ne semble pas trouver de l'épanouissement dans cette existence. Est-ce que ce voyage leur permettra d'apporter à l'autre ce qu'il manque pour créer cette envie d'exister  ? Parviendront-ils à se compléter malgré le caractère particulier de leur rencontre  ? C'est ce qui forge l'intérêt de ce premier tome qui, par différents degrés, explore toute l'énigme derrière leurs caractères.

À ceci s'ajoute un érotisme régulier, mais qui fait sens pour souligner l'intérêt mutuel qui se développe entre les personnages, tout en soulignant leurs états d'âme. Loin de l'autrice l'idée d'amener des rapports intimes juste pour satisfaire le chaland. Chacune de ses scènes, en plus d'avoir du sens dans l'écriture des protagonistes, est raffinée dans sa narration et par le trait de Gino0808. Il ne faut pas espérer voir dans ce premier volet un prétexte pour créer du racoleur entre un criminel et sa victime, les intentions scénaristiques et de tonalité de la mangaka allant bien plus loin que ça. Il conviendra à chacun d'être sensible, ou non, à ce parti-pris, à cette élégance autour d'une rencontre particulière, à ce voyage à la destination inconnue, et à ce dépaysement nappé de sensualité. L'amorce de l'ouvrage peut refroidir, et on le comprendra. Dans d'autres cas, tout le charme de ce début d'œuvre opèrera et créera comme unique envie de profiter du voyage de ce binôme, et de découvrir davantage leur part d'ombre, avec l'espoir d'une résolution heureuse.

Côté édition, Noeve nous offre, comme à son habitude, un excellent résultat  : Couverture mate aux beaux effets de vernis sélectif, une traduction d'Aurélie Brun en phase avec les multiples atmosphères du récit, un joli travail de lettrage et de maquette de Cindy Bertet... C'est un bien joli tome que l'éditeur et ses artistes nous proposent.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs