Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 01 Février 2024
Alors que son adaptation animée a débuté en janvier en simulcast sur Crunchyroll sous le nom Mr. Villain's Day Off, le manga Kyûjitsu no Warumono-san débarque en France avec un bon timing aux éditions nobi nobi! sous le titre Monsieur Méchant va détruire la Terre (après ses congés), un titre certes long mais qui a au moins le mérite de donner une idée précise du contenu. Suivant tranquillement son cours au Japon depuis 2018 sur le site Gangan Pixiv de Square Enix, et comptant actuellement 6 tomes parus là-bas à un rythme parfois irrégulier (retenez juste qu'en gros, il y a un nouveau volume par an), cette série est l'oeuvre de Yuu Morikawa, mangaka que l'on connaît déjà dans notre pays pour l'intéressant one-shot La Désastreuse Histoire des Jumeaux Stevenson, paru dans la collection Moonlight des éditions Delcourt/Tonkam en octobre 2022.
On suit ici un alien dont le nom est tu, et que son entourage diabolique appelle alors "Le Général". Membre dirigeant de la Ligue du Mal dont il est réputé pour être le plus puissant élément, il participe à cette organisation maléfique qui oeuvre quotidiennement pour exterminer l'espèce humaine et conquérir la Terre. Autant dire qu'il a a priori tout du terrible méchant, et ce n'est pas pour rien que les Rangers, des héros défendant la planète, s'opposent à lui et à la Ligue du Mal ! Mais en réalité, le Général est-il si vilain que ça ? On est particulièrement en droit de se poser la question quand il profite de ses jours de congés comme n'importe quel être humain...
Vous l'aurez compris, la série repose sur un concept précis: au fil de différents chapitres courts voire très courts (ça peut aller de quatre petites pages à une grosse dizaine de pages), on assiste à un petit lot de saynètes où notre Monsieur Méchant, bien loin des objectifs de conquête de la Terre et d'éradication de l'humanité, profite de ses jours de congé pour effectuer des choses à l'opposé de son but initial: nourrir son fanboyisme pour les pandas, passer à la supérette pour acheter de la glace, réaliser un lapin de neige, visiter une ferme pédagogique, pique-niquer en espérant pouvoir contempler des fleurs de cerisier, aider des enfants perdus au centre commercial, écouter une discussion d'enfants au parc tout en triant ses photos de pandas (quand on vous dit que c'est un fanboy...), sont quelques-unes des activités qu'il effectue dans ce premier volume. Et même si la brièveté des chapitres rend malheureusement certains passages trop rapides et sous-exploités, même si l'ensemble met en place de façon trop lisse les premiers personnages secondaires, et même si la répétition de la présentation du Général au début de la plupart des chapitres alourdit la lecture, Yuu Morikawa installe petit à petit un charme bien spécifique à son oeuvre.
Cela, on le doit en premier lieu à l'humour assez léger et un brin décalé, bien sûr, puisqu'il est tout naturellement assez rigolo de voir cet alien, censé être un ennemi de l'humanité, s'adonner à ce genre d'activités toutes mignonnes. Mais l'aspect comique est loin d'être la seule chose à souligner, puisque certains chapitres, à l'image de celui sur les enfants qui discutent au parc, jouent avant tout sur une certaine poésie du quotidien. Une poésie paisible où l'on sent que notre anti-héros, bien loin des ses funestes desseins, profite de chaque petit instant de ses congés et découvre même différentes joies propres à notre planète. Mieux encore, il semble régulièrement évident que ce "maître du mal" s'humanise en quelque sorte, car derrière son allure sinistre (avec son visage souvent inexpressif et ses yeux cachés derrière ses cheveux) il montre de belles choses, comme quand il donne de la nourriture à une petite fille et accompagne les enfants perdus au centre commercial.
Même s'il faut espérer que Yuu Morikawa consolidera mieux sa petite recette par la suite (notamment concernant les personnages secondaires), ce premier volume ne manque déjà pas de qualités pour que l'on se laisse avoir par ce joli mélange de tranche de vie assez légère, de comédie et de poésie. Autant dire que l'on attendra la suite avec un certain plaisir !
Et côté édition, la copie proposée par nobi nobi! est tout à fait honnête: la jaquette reste fidèle à l'originale japonaise tout en s'offrant un logo-titre soigné rehaussé d'un vernis sélectif, la traduction d'Angélique Mariet (souvent douée pour ce genre de série) est plaisante, le lettrage est soigné, le papier souple et assez opaque permet une qualité d'impression honnête, et la première page en couleurs sur papier glacé est un petit plus sympathique.