Mon père alcoolique et moi - Actualité manga

Mon père alcoolique et moi : Critiques

You to Bakemono ni naru Chichi ga tsurai

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 04 Octobre 2018

Aussi connue sous le nom de Kaoru Ozawa, Mariko Kikuchi est une mangaka qui s'est surtout spécialisée dans les mangas-reportages et les mangas-essais, et l'une de ses oeuvres a pour sujet... elle-même. Elle, et sa famille qui a été détruite dès l'enfance par un père constamment ivre. Avec sa petite soeur, dès leur plus tendre jeunesse, elles ont dû faire face à la débauche quotidienne dans l'alcool de ce père, mais aussi à l'aspect effacé d'une mère embrigadée dans une secte. Mariko et sa soeur n'ont pas eu de réelle jeunesse, ont dû grandir trop vite pour faire face, et ça a duré jusqu'à l'âge adulte...


Les éditions Akata ont pour habitude d'aller dénicher des récits sociaux, témoins de réalités parfois très dures et ayant beaucoup de choses à dire. Moi et mon père alcoolique fait complètement partie de cette veine, en abordant de front des sujets difficiles et parfois passés sous silence à travers le récit autobiographique d'une autrice qui se livre sans fards.


Nous proposant de l'accompagner de sa plus tendre enfance jusqu'à l'âge adulte où elle continue d'essayer de trouver sa place et d'effacer les démons qui l'ont nourrie pendant plus de 20 ans, Kikuchi livre un portrait de sa vie étape par étape, au gré de nombreux moments difficiles, et où le fil rouge reste constamment le profond alcoolisme d'un père qui ne s'est jamais occupé d'elle et de sa soeur, ni même de sa mère qui n'était bonne qu'à faire le larbin quand il réunissait chez lui ses "amis" pour jouer au mah-jong. Marquée dès la page 15 par un événement très dur, la lecture sera éprouvante d'un bout à l'autre. Eprouvante, mais essentielle, tant elle évoque de problèmes de société: l'alcool bien sûr, mais aussi, en vrac, la condition des femmes sous plusieurs aspects, les pressions pour faire des enfants et les enfants non-aimés qui en résultent, les dettes, le repli psychologique, le sentiment de culpabilité parfois injustifié, l'impossibilité d'aimer un être de sa propre famille, les hypocrisies adultes dont celles des "amis" du père, la peur de reproduire un jour le même schéma familial... Si l'alcoolisme reste l'élément phare, le récit est en réalité bien plus riche que ça.


Kikuchi possède un trait assez rond et simple, qui quelque part vient contraster avec la dureté de son parcours. Son récit prend souvent aux tripes, car dans sa volonté autobiographique, la mangaka s'y dévoile toujours entièrement sur un ton simple et direct. En dehors des images ou des dialogues, on retient surtout toute sa narration où, constamment, elle présente les faits comme elle les a ressentis à chaque fois. On suit alors en profondeur ses pensées, son cheminement psychologique, ses propres descentes aux enfers, ses prises de conscience... et le résultat est fort, secoue tout naturellement sans avoir besoin d'artifices. D'autant que Kikuchi ne cherche pas vraiment à jouer sur la corde sensible ou à se faire plaindre: il s'agit d'un authentique manga-témoignage, qui a sans doute pu servir de confessionnal et d'exutoire à l'artiste pour qu'ensuite elle enfin, peut-être, se relever et trouver sa place.


Mon père alcoolique et moi est un témoignage fort sur une vie de famille brisée par l'alcool et d'autres problèmes, narré avec simplicité et force par une femme qui a choisi de se livrer sans détour. Un ouvrage dur, mais précieux, et encore une excellente trouvaille qui fait sens dans le catalogue d'Akata.


Côté édition, on a droit à un grand format sobre, sans jaquette et avec rabats. Le papier est de bonne qualité, l'impression satisfaisante, et la traduction de Yuki Kakiichi particulièrement bonne tant on y ressent bien tout ce que Mariko Kikuchi a traversé.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs