Momo et le messager du soleil Vol.1 : Critiques

Critique 2

Il y a quelque temps, les éditions Ki-oon ont dévoilé un nouveau pan de leur politique, à savoir une gamme d’œuvres réalisées directement avec des auteurs japonais, plutôt que des titres dont les droits ont simplement été achetés à l'éditeur d'origine. Nous avons pu avoir un premier aperçu de ces séries via le Ki-oon Mag, revue de prépublication à la sauce de l'éditeur, et la première œuvre à avoir eu droit à son tome relié (hors créations françaises) est Momo et le messager du soleil.

Titre de Marie Sasano, mangaka qui rêvait d'être mangaka et qui a vu son rêve se réaliser après des années de persévérance, Momo est un manga jeunesse (ou kodomo) entièrement en couleur. Dans un monde où cohabitent humains et animaux, les œufs tombent du ciel lors de la formation d'un couple, et c'est le nouveau-né qui choisit la forme de vie qu'il souhaite être. Momo, lui, a un rêve : devenir un oiseau pour pouvoir voler, comme celui qui l'a sauvé autrefois. Lors de son éclosion Momo devient... un manchot, autrement dit une créature qui ne vole pas. Une seule solution s'offre à lui : retrouver le messager du soleil, individu capable d'exaucer les vœux...

Pour sa première œuvre, Marie Sasano a choisi le récit destiné aux très jeunes, via une aventure toute en couleur. Très rapidement, on se rend compte que Momo et le messager du soleil a pour vocation d'être un récit tout en couleur et une aventure pleine de bonne humeur portée par des personnages attachants, et un univers plein de vie.

Et c'est exactement ce qui enchante lors de la lecture de ce premier tome, même pour quelqu'un qui a dépassé la vingtaine : le récit de la mangaka est une invitation à l'évasion, tout en instaurant une ambiance apaisante et des personnages mignons à croquer. L'innocence est le maître mot de ce premier tome tant chaque chapitre développe des aventures qui aborderont plus la leçon de vie et les valeurs d'amitié et de famille que les péripéties face à des créatures hostiles, quand bien même la première partie du volume semblait présenter l'aventure de Momo ainsi.

La structure de ce premier tome se veut simple, mais bien ficelée dans ses intentions. L'idée est donc d'envoyer en voyage Momo et deux compagnons, une humaine et un lionceau, de telle manière à ce que le récit ne soit pas uniquement porté par le jeune manchot. Une intention réussie puisque chacun parvient à avoir son petit rôle et sa leçon à apporter aux quelques personnages qu'ils rencontreront lors de ces premières aventures. Péripéties pleines de sensations puisque le voyage de Momo et ses compères ne sera pas de tout repos, mais contribue à explorer cet univers d'une grande richesse. Le concept de voyage est alors très bien exploité par Marie Sasano qui en profite pour croquer un monde rendu vivant au possible. La colorisation du titre y est pour beaucoup, d'autant plus que la mangaka utilise très habilement les couleurs vives pour enchanter et rendre un monde particulièrement merveilleux, que ce soit par son ciel radieux, ses jolies maisons et sa végétation très présente. Ceci associé à des personnages toujours adorables, que ce soit par leurs designs ou leurs caractères, difficile de ne pas fondre à la lecture de ce premier opus.

Consciente qu'elle sera lue par de jeunes lecteurs, Marie Sasano ne se contente pas d'une aventure haute en couleur et apporte un véritable message dans ce premier tome. Avec Momo et ses compagnons, il est question de rêve à accomplir, un thème qui peut être rattaché au concept de métier symbolisé par l'éclosion des œufs, chaque créature devenant l'animal dont il rêve. Un joli message pour symboliser l'importance des rêves, car bien qu'il soit manchot, Momo n'est pas prêt d'abandonner son objectif : celui de voler. A ce titre, chacun développera son propre rêve : trouver l'amour, devenir plus robuste, voyager, vouloir prendre soin des siens... Des messages particulièrement positifs et souvent très humains qui apportent beaucoup au charme de ce début de série.

Du côté de l'édition, Ki-oon offre un travail de haute qualité. Le sens de lecture français, s'il surprendra certains, s'avère cohérent par rapport à la cible de la série, les jeunes enfants. Le papier épais est de qualité et rend parfaitement l'impression couleur, tandis que la traduction de Géraldine Oudin retranscrit toute l'innocence du monde de Momo. La série étant une création Ki-oon et Marie Sasano étant en contact direct avec son éditeur, on notera une petite interview en guise de supplément, un bonus toujours appréciable pour connaître la personne derrière une œuvre. Le rapport entre l'autrice et Ki-oon est d'autant plus flagrant que la mangaka fut invitée au salon Livre Paris dès le lancement français du premier tome.

Critique 1

Comme annoncé par les éditions Ki-oon en début d'année, 2018 sera marquée chez l'éditeur par une forte mise en avant de créations originales dans des genres bien différents ! L'éditeur nous a déjà donné un riche avant-goût du programme avec son Ki-oon Mag, un magazine disponible gratuitement en librairies, proposant le premier chapitre des 5 oeuvres prévues ainsi que des interviews des auteurs et des anecdotes.

Et pour inaugurer cette salve de créations, Ki-oon a donc choisi de lancer en ce mois de mars Momo et le messager du soleil, une série entièrement en couleurs et en sens de lecture occidental, qui rejoint la collection Kids ! Nous devons l'oeuvre à Marie Sasano, qui signe là son tout premier manga professionnel. Mais sa carrière dure déjà depuis 13 ans, puisqu'elle fut assistante pour des shôjo, notamment sur Switch Girl, et pour les mangakas Rin Mikimoto et Yôko Maki. N'ayant jamais réussi à se faire publier au Japon malgré de nombreuses propositions d'histoires faites aux éditeurs, c'est finalement après 13 années de labeur que sa carrière commence réellement... et qui plus est, en France ! Pendant toutes ces années où elle n'a jamais lâché son rêve de devenir mangaka, Marie Sasano a eu l'occasion d'avoir un petit garçon qui  a désormais déjà quelques années, et nul doute que c'est en partie pour ça qu'elle a choisi de s'orienter vers une série jeunesse. Notons que Ki-oon souhaite vraiment bien faire les choses, en ayant fait de cette artiste son invitée à l'occasion du salon Livre Paris.

Momo et le messager du soleil nous plonge dans un monde coloré et étonnant, où les animaux et les humains vivent ensemble en harmonie, et où les enfants naissent sous forme d'oeufs tombés du ciel ! C'est toujours ainsi que les choses ont lieu : dès qu'un couple s'aime beaucoup, hop, voici qu'un oeuf apparaît. Les enfants restent alors sous leur forme d'oeuf pendant un an, et cette période leur laisse le temps de choisir quelle forme ils prendront une fois qu'ils auront éclos... car oui, dans ce monde, on choisit ce qu'on deviendra, il suffit d'y penser très fort une fois l'heure venue de se transformer devant la statue du soleil du village des tournesols !

Momo, lui, est un oeuf rouge qui, dès sa naissance où il a failli se faire avaler par des orques, s'est pris d'admiration pour l'oiseau qui l'a sauvé : un manchot, qui s'est envolé avec lui pour l'empêcher de finir dans un estomac ! Depuis, tout en vivant sa 1ère année d'existence aux côtés de ses meilleurs amis Noah (un petit oeuf bleu) et Lily (un oeuf jaune tacheté d'orange), Momo n'a qu'un rêve: se transformer en manchot, pour pouvoir voler comme son sauveur. Et pourquoi pas, par la suite, tenter de trouver son père et sa mère, qu'il n'a jamais connus... Seulement le jour de son éclosion, une cruelle vérité tombe sur Momo: les manchots, normalement, ça ne sait pas voler ! Cela dit, pas question pour lui d'abandonner son rêve : si son sauveur réussissait à voler, pourquoi pas lui ? Accompagné de ses deux amis, devenus de leur côté un minuscule lion et une mignonne fillette humaine qui ont eux aussi leurs rêves, Momo décide de quitter le village des tournesols pour essayer de trouver le Messager du soleil, un être dont on dit qu'il peut réaliser un rêve pour chaque être. Seuls hics : peu de monde sait à quoi il ressemble et où il se trouve, et, pire encore, peut-être qu'il ne peut (ou ne veut pas) réaliser les rêves de tout le monde... Et puis, existe-t-il réellement ? En tout cas, hors de question pour nos trois jeunes héros de lâcher-prise : les voici en route pour une grande aventure, qui sera ponctuée de nombreux dangers et de nombreuses rencontres !

Marie Sasano parvient très bien à plonger le lecteur dans son univers bourré de couleurs, grâce à une introduction très claire, simple et efficace qui pose vite et bien les bases... mais c'est aussi l'aspect visuel, premier contact original avec l'oeuvre, qui parvient facilement à emballer ! Le trait est à la fois simple et expressif, Lily est mignonne à souhait tandis que les nombreux animaux possèdent un design humanisé juste comme il faut tout en restant fidèle aux animaux d'origine. A cela s'ajoute le beau travail sur les couleurs, entièrement faites à la main au feutre, qui enrichissent beaucoup al série et ne font pas du tout gadget, d'autant que Sasano joue beaucoup dessus en offrant des personnages aux couleurs assez étonnantes : Momo a le pelage rouge, Noah a la crinière bleue, Lily a les cheveux jaunes et orange, et c'est aussi le cas de beaucoup d'autres animaux, pour un rendu encore plus merveilleux qui nous éloigne bien de notre réalité. Certains décors sont, eux aussi, très soignés, que ce soit les paysages naturels, ou les maisons des différents villages pour lesquelles Marie Sasano avoue s'inspirer de décors européens. La mangaka fait également attention aux détails: par exemple, quand Momo a chuté de l'arbre à sa naissance sous forme d'oeuf, sa coquille s'est légèrement fissurée, et même en devenant manchot il garde cette petite spécificité sous la forme d'une cicatrice.

En dehors de ça, signalons aussi une originalité très intéressante dans l'univers de base : puisque chaque enfant-oeuf  peut choisir sa forme au moment de son éclosion, les parents et enfants peuvent donc être d'espèces totalement différentes ! Lily a pour parents des singes, le serpent Caïn a pour père un hibou... Ce sont autant de petites trouvailles que Sasano sait exploiter plutôt intelligemment et malicieusement, et tout ça devrait facilement titiller la curiosité des jeunes lecteurs.

C'est donc sur des bases bien trouvées et avec des visuels colorés et soignés que démarre donc le début d'une aventure, d'un voyage qui a, bien sûr, des allures de quête initiatique. Nos trois héros ont tous un rêve qu'ils sont déterminés à atteindre : Momo veut apprendre à voler et rencontrer ses parents, Noah aimerait devenir fort comme son père alors qu'il est pour l'instant très timide et pleurnicheur (le contraire de l'image qu'on a habituellement d'un lion), et Lily souhaite retrouver un garçon humain qui lui a tapé dans l'oeil (un semblant de romance, histoire de rappeler le passé d'assistante shôjo de la mangaka ?). Mais leur route sera parsemée d'embûches et de rencontres, qui seront autant d'occasions d'apprendre des choses pour eux : prendre garde à ne pas manger n'importe quoi, à ne pas juger les autres au premier contact (comme Caïn le serpent), à bien assumer son rôle de grand frère... des choses qui seront autant d'importantes petites leçons pour les jeunes lecteurs !

De plus, on sent qu'un aspect tient beaucoup à coeur à Marie Sasano dans son oeuvre: la famille. Sasano est elle-même maman depuis quelques années, et elle ne cache pas qu'elle rêve de faire ici un manga qui pourra être bientôt lu et apprécié par son enfant. De plus, son mari participe lui-même un peu à son manga en y dessinant les lignes de vitesse. Dans le manga, les questions de famille sont omniprésentes : au départ les parents de nos héros ne veulent pas les laisser partir, s'inquiètent pour eux puis réfléchissent à l'éducation qu'ils souhaitent leur offrir, Noah aimerait devenir fort comme son père, Momo aimerait retrouver ses parents, Lily est un peu une grande soeur pour eux deux, le serpent Caïn veut sauver son petit frère... La manière dont Sasano distille ça dans son récit est plutôt bien fichue, en posant quelques questions aux jeunes autant qu'aux parents qui liraient la série (notamment avec les questions que les parents de nos héros se posent quand leurs enfants veulent quitter le village).

On se retrouve donc avec un premier volume emballant pour Momo et le messager du Soleil, série jeunesse (mais pas forcément que pour la jeunesse) à l'univers bien posé et possédant ses originalités, aux dessins mignons tout pleins, et aux thèmes loin d'être idiots. Ça augure du bon pour la suite !

Côté édition, on retrouve ici le format adopté par Ki-oon auparavant sur Lucika Lucika, avec une absence de jaquette et la présence de rabats de couverture. Couverture qui donne bien le ton, avec ses bouilles mimi, ses nombreuses couleurs et son logo-titre bien conçu. A l'intérieur, le papier est souple et épais, l'impression faite en Slovénie par GPS rend bien honneur aux couleurs, et la traduction de Géraldine Oudin est bien dans le ton et très vivante. En fin d'ouvrage, on trouve une petite présentation et interview de Marie Sasano, ainsi qu'une sympathique discussion entre la mangaka et son personnage principal Momo.