Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 22 Août 2022
Pendant l'hiver 2018, la plateforme Wakanim nous proposa de découvrir en simulcast l'anime en 12 épisodes Mitsuboshi Colors, une tranche de vie humoristique centrée sur les frasques de trois petites chipies dans leur quartier, pour un résultat assez agréable. Et alors que cette série a quitté le catalogue de Wakanim dans les tout premiers jours de cette année 2022, c'est le manga d'origine qui prend la relève en France grâce à Noeve Grafx. Annoncé par l'éditeur en décembre 2021 pour un lancement initialement prévu au mois de juin de cette année, ce manga a eu la chance de ne pas subir de gros retard par rapport à certaines des nombreuses nouveautés de Noeve Grafx (il faut dire que les pénuries de papier de ces derniers mois n'arrangent rien) puisque son premier volume est finalement sorti le 19 août.
Bouclée en 8 volumes et initialement prépubliée au Japon entre 2014 et 2020 dans le magazine Dengeki Daioh d'ASCII Mediaworks (le magazine de Yotsuba&!, Azumanga Daioh, Les Petites Fraises, Gunslinger Girl...), Mitsuboshi Colors est une série que l'on doit à un mangaka se faisant appeler Katsuwo, auteur jusque-là inédit dans notre pays mais qui a déjà signé quelques oeuvres depuis ses débuts professionnels en 2012, essentiellement dans la tranche de vie. On lui doit notamment le manga d'origine d'un autre anime diffusé en France il y a quelques années, à savoir Hitoribocchi no Marumaruseikatsu.
La série nous immisce auprès de trois jeunes et inséparables amies de primaire vivant dans le quartier d'Ueno à Tokyo. Yui, qui se présente comme la cheffe du trio, a toutefois tendance à pleurnicher facilement et à ne pas beaucoup en imposer. Sacchan, elle, est peut-être la plus gaffeuse et délirante du groupe, entre ses différentes bêtises la faisant souvent passer pour une idiote et sa lubie pour le caca (à cet âge-là, forcément...). Quant à Kotoha, l'accro aux jeux vidéo (même si apparemment elle y est nullissime, mais ne le lui dites jamais), elle cache derrière son côté plus calme un humour noir de chaque instant. Ensemble, depuis leur QG (une cabane dans la forêt, ça va de soi !), elles ont décidé de protéger leur quartier sous le nom d'un groupe de justicière: les COLORS ! Et c'est ainsi que, à chacune de leurs réunions, elles finissent par aller patrouiller pour voir ce qui ne va pas, tout étant évidemment bien souvent prétexte à des petits jeux auxquels les habitants participent plus ou moins joyeusement.
La recette de l'oeuvre est on ne peut plus simple, puisque chaque chapitre de généralement 15 pages environ (il y en a 9 plus un petit bonus dans ce premier volume, pour un total d'un peu plus de 140 pages) nous présente l'une des nouvelles missions des trois fillettes... ou plutôt l'une de leurs nouvelles frasques. Capturer un affreux "monstre-chat", trouver un "chucabrille" censé les aider à mieux protéger le quartier, débarrasser une commerçante de ses bananes qu'elle n'arrive pas à vendre, déchiffrer ne énigme pour trouver un trésor, s'infiltrer dans le zoo pour vérifier si les animaux vont bien... Soit autant de petites situations qui, bien que standard et peu développées du fait de la brièveté des chapitres, ont de quoi faire sourire. Tout d'abord, pour la personnalité de ces gamines qui ont un don pour partir dans leur petits délires en dévoilant des traits de caractère assez différents et donc complémentaires (même s'il faudra que l'auteur étoffe le tout sur la longueur car on reste juste sur quelques poncifs), en nous rappelant volontiers l'époque bénie des jeux enfantins où l'on pouvait se faire une aventure de tout ou s'amuser d'un rien (alors ne jugez pas Sacchan: vous aussi adoriez sûrement les gags impliquant du caca quand vous étiez enfant). Mais aussi pour la place que viennent prendre régulièrement certains habitants du quartier, à l'image du policier Saito qui est sans aucun doute la victime préférée des trois chipies, et du patron qui se fait un plaisir de participer à leurs jeux, quitte à en créer lui-même parfois pour les occuper.
Mais l'autre intérêt de l'oeuvre est sûrement de nous promener, au gré des frasques des petites filles, toute une immersion dans le quartier d'Ueno, un quartier ayant son charme propre à Tokyo, et dont on peut déjà parcourir ici différents recoins parfois emblématiques: le zoo, les galeries souterraines, l'"allée américaine", le parc, les rues de manière générale... Katsuwo s'appliquant suffisamment dans ses décors photoréalistes, clairs et aux angles soignés, comme le font beaucoup d'autres auteurs du mangas axés tranche de vie paisible et bienfaitrice (Yotsuba&!, Au Grand Air, Flying Witch...). A cela, le dessinateur ajoute des designs très ronds et mignons tout plein pour ses héroïnes (rappelant beaucoup Les Petites Fraises dans le style), manquant parfois un peu d'expressivité (les regards peinant à être variés par moment) mais collant facilement à l'ambiance voulue.
La petite tranche de vie de Katsuwo démarre donc correctement en dévoilant un certain charme autour de ces trois chipies, de leurs jeux nous faisant presque retomber en enfance et de l'immersion assez réussie dans le beau quartier d'Ueno. Il n'y a plus qu'à espérer que le concept saura se renouveler, voire se bonifier sur la longueur en gommant les quelques limites !
Enfin, au niveau de l'édition, comme quasiment toujours avec Noeve Grafx il n'y a rien à redire: on retrouve le goût de l'éditeur pour les beaux objets avec une jaquette très soignée (dotée ici d'un vernis sélectif sur l'illustration et de reliefs à embossage sur les éléments textuels) une première page en couleurs sur papier glacé, un papier souple et sans transparence permettant une impression convaincante, une traduction soignée et bien dans le ton de la part d'Aurélie Brun, un lettrage propre de Cindy Bertet, et l'habituelle présence d'un bandeau et d'une carte à collectionner.