Miss Hokusai Vol.1 - Actualité manga
Miss Hokusai Vol.1 - Manga

Miss Hokusai Vol.1 : Critiques

Sarusuberi

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 03 Mai 2019

Malheureusement décédée prématurément en 2005 d'un cancer de la gorge à l'âge de 47 ans, Hinako Sugiura était avant tout une historienne spécialisée sur l'époque Edo. Tout au long des années 1980, elles s'est servie du support manga pour décrire plus en profondeur cette période, avant de stopper sa voie de mangaka en 1993 afin de se consacrer pleinement à la recherche. Elle a ainsi offert, en moins de dix années dans le manga, quelques oeuvres assez uniques et très enrichissantes, dont on n'avait jusqu'à présent eu qu'un petit échantillon en France en 2006-2007 avec le très intéressant Oreillers de Laque, paru aux éditions Picquier. C'est ce même éditeur qui, en cette première partie de l'année 2019, s'intéresse à nouveau à l'autrice-historienne en publiant Miss Hokusai. De son nom original Sarusuberi, cette oeuvre a été publiée entre 1983 et 1987 dans le magazine Manga Sunday des éditions Jitsugyou no Nihonsha. Elle compte initialement trois tomes, mais l'édition française compilera le récit en deux pavés dont le premier comporte environ 350 pages. Si le nom de Miss Hokusai vous dit djéà quelque chose, c ene serait pas étonnant: en 2015, le cinéaste Keiichi Hara (Un été avec Coo, Colorful...) a remis en avant l'oeuvre en lui offrant une libre adaptation en film d'animation, un film par ailleurs très réussi.

Miss Hokusai prend pour point de départ l'idée de Hinako Sugiura de relater en manga la vie d'une figure assez mal connue: O-Ei, l'une des quatre filles du peintre Tetsuzo, artiste qui se fera connaître sous le nom de Hokusai dans le Japon du début du XIXe siècle, en pleine époque Edo. Au fil de chapitres ayant de forts accents de tranche de vie, la mangaka dépeint une jeune femme restée plutôt discrète historiquement, mais qui aurait pourtant joué un rôle essentiel auprès de Hokusai, notamment dans les vieilles années du maître, où il arrivait à la demoiselle de peindre à la place de celui-ci sans signer, afin d'honorer à temps ses commandes. Car oui, O-Ei était elle-même une peintre, une artiste... et bien plus que ça. La mangaka ne se limite pas au simple aspect artistique autour de la peinture et de l'ukiyo-e, même s'il est omniprésent, et dépeint également en O-Ei une figure féminine aussi talentueuse qu'obstinée, ayant un caractère pouvant être tour à tour fort, libre, un peu "prisonnier" de son père, et au final attachant, le tout à travers une vie un peu bohème que la jeune femme est amenée à vivre au quotidien.

Différentes facettes apparaissent donc en O-Ei, mais l'autrice est loin de se limiter à cela, et l'héroïne n'est parfois même qu'un point de départ à de nombreux autres développements. Riche et rigoureux, le récit de Sugiura développe, même brièvement, moult autres figures de l'entourage proche ou moins proche d'O-Ei, à commencer bien sûr par Hokusai lui-même dont on entrevoit bien les années de vieillesse ainsi que certaines habitudes. A travers une foultitude de visages, la mangaka décrit nombre de petites moeurs de l'époque, et aborde ici et là pas mal d'autres aspects de cette période, comme la voie des samouraï, le statut des femmes, le théâtre, la prostitution...

Forcément, l'ensemble est donc assez pointu et pourrait paraitre difficile d'accès si l'on ne s'y connaît pas déjà un petit peu, d'autant que Sugiura n'effectue pas vraiment de vastes explications. Heureusement, la traduction française de Patrick Honnoré est très claire malgré quelques tournures de phrase ampoulées, et fait assez régulièrement appel à de petites notes que l'on aurait tout de même aimer voir un peu plus détaillées parfois. Il aurait également pu être passionnant d'offrir une préface ou une postface contextualisant mieux les choses... peut-être que ce sera pour le deuxième et dernier volume ?

Visuellement, tout au long de sa brève carrière de mangaka Hinako Sugiura a développé une technique de dessin proche de l'ukiyo, afin d'avoir un petit côté "estampe" collant forcément à ses récit ancrés dans l'époque Edo. Miss Hokusai étant l'un des tout premiers mangas qu'elle a débutés, ce style est parfois imparfait, mais il tend à progresser et colle vraiment bien au récit, pour un résultat immersif. D'autant plus immersif que les décors historiques sont très souvent particulièrement soignés.

Très exigeant mais passionnant une fois que l'on est bien plongé dedans, Miss Hokusai s'offre donc une première moitié très réussie, pouvant très facilement enrichir beaucoup notre vision d'une certaine époque nippone sous différentes coutures. Une oeuvre à essayer, et marquant le retour dans notre langue d'une importante mangaka-historienne.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs