Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 10 Juin 2025
Après la série Tokyo Confidential entre 2021 et 2023, la collection Seikô des éditions Dynamite a accueilli, le mois dernier, le premier volume d'un autre manga coquin du scénariste Hideo Kasuya et du dessinateur Kaoru Haduki: Midare Mandara - Traditions secrètes. Achevée en trois tomes, cette série provient du magazine japonais Comic Ran des éditions Leed, où elle a été prépubliée entre 2020 et 2022. Et à l'instar de Tokyo Confidential, il faut bien noter que l'oeuvre n'est pas un hentai mais un seinen érotique, la différence étant qu'ici tous les organes génitaux sont masqués, à travers une mise en scène qui a été étudiée pour ça.
Tout comme dans Tokyo Confidential mais aussi dans Pleasure Island (un one-shot également dessiné par Kaoru Haduki et lui aussi sorti en France chez Dynamite), Midare Mandara prend place dans le Japon de l'ère Edo, le dessinateur étant devenu, au fil de ses années de carrière, un spécialiste de ce genre de manga érotiques ancrés dans le Japon d'autrefois. Toutefois, cette fois-ci, il n'est pas question de suivre une longue histoire sur plusieurs tomes, puisque chaque chapitre équivaut à une nouvelle histoire puisant ses sources dans les croyances et les fantasmes d'un Japon traditionnel et reculé.
Ici, une jeune orpheline recueillie par une maîtresse très autoritaire devient le jouet d'un étonnant et charmant automate, à qui elle offre notamment sa virginité. Là, sur une île légendaire dirigée par une femme tyrannique et où seules les filles sont autorisées à vivre librement (les hommes étant soient faits prisonniers pour leur semence, soit jetés à la mer), une demoiselle entreprend de s'enfuit par la mer avec l'aide d'un homme qu'elle a secouru. Puis un jeune couple atterrit dans un refuge de montagne où une famille et une miko entretiennent depuis longtemps d'étonnantes coutumes, deux hommes égarés atterrissent dans une auberge/lupanar tenue par deux ravissantes femmes qu'ils soupçonnent être une renarde et une tanuki, une petite sumotori craquante à souhait se lance dans la lucha sur fond de conflit historique et de débauche, et une femme-ninja cachant bien son jeu tâche autant que possible d'accomplir sa périlleuse missions.
Au fil de ces récits, les pratiques sont variées, quitte à tomber parfois dans une immoralité assez prononcée. Ainsi, il pourra être question de choses vraiment pas morales comme du viol et de l'inceste, et d'autres pratiques diverses comme le bondage, le lesbianisme, les plans à plusieurs, les relations autoritaires consenties... si bien qu'il y en aura un petit peu pour tous les goûts. La principale caractéristique de ces récits généralement assez légers et aux rebondissements finaux parfois étonnants est toutefois à chercher, bien sûr, dans leur ancrage dans le Japon de l'époque Edo, permettant au scénariste de jouer vite mais assez bien sur beaucoup de choses différentes: certaines légendes et croyances folkloriques (les renarde/tanuki facétieuses, les rites ancestraux autour de la miko, l'île des femmes...), différents éléments de contexte historique (l'ouverture du pays, les conflits entre partisans de cette ouverture et conservateurs isolationistes...), sans oublier d'indémodables fantasmes comme les femmes-ninjas.
Et pour accompagner graphiquement des récits de ce type, le style de Kaoru Haduki reste impeccable: on retrouve sa faculté à offrir de l'érotisme tantôt élégant tantôt un peu plus brut mais toujours ancré dans quelque chose de typiquement nippon dans ses designs, ses tenues et ses décors, son trait est toujours aussi fin, ses héroïnes dégagent un charme certain sans avoir besoin d'en faire trop... l'ensemble collant bien à l'ambiance plus traditionnelle que l'on peut attendre d'une oeuvre se déroulant à l'époque Edo.
Appuyé par une édition convaincante (papier blanc, bien épais et opaque, impression satisfaisante, traduction et mise en page assez correctes des studios Makma et 1000, onomatopées qui ont bien été sous-titrées, et présence d'une longue et sympathique postface du scénariste), ce premier volume offre donc des récits coquins très plaisants dans l'ensemble, et qui en appellent facilement d'autres. On attendra donc avec curiosité les deux tomes suivants de cette trilogie !